Priorité absolue, budget incomplet
Vu du Québec, le budget Morneau est incomplet en ce qui a trait au financement du transport collectif. Des attentes élevées et exprimées sans détour ont été ignorées. La Ville de Montréal n’a pas obtenu d’engagements fermes sur la ligne rose du métro, un projet qui est toutefois loin de susciter l’engouement de la classe politique en dehors de l’hôtel de ville. Et le gouvernement Legault est à court d’appuis pour le prolongement de la ligne bleue et pour le projet de tramway de Québec. L’administration du maire Régis Labeaume fulmine, et à juste titre.
Québec est la seule ville d’importance qui ne compte pas encore sur un réseau de transport structurant. Le gouvernement Legault s’est déjà engagé à verser 1,8 milliard pour la réalisation du tramway, soit 60 % du projet. Ottawa a promis 400 millions, mais il chipote encore sur une contribution additionnelle de 800 millions.
Les libéraux ne sont pas restés inertes pour autant, et ce n’est pas à eux de fixer les priorités du Québec dans le menu détail. Ils ont notamment bonifié de 500 millions de dollars les transferts supplémentaires versés aux municipalités du Québec par l’entremise du Fonds de la taxe sur l’essence. Ce fonds sert davantage aux projets d’infrastructures qu’aux projets de transport collectif, si bien qu’il n’aura pas un impact significatif pour réduire la congestion routière et les émissions de gaz à effet de serre. La compétition sera féroce entre les maires pour obtenir leur part du gâteau, et il est loin d’être acquis que cette enveloppe sera suffisante pour financer le tramway, comme le laisse entendre Ottawa.
Les mesures de soutien pour l’achat de véhicules zéro émission contribueront peut-être à l’amélioration du bilan environnemental, mais elles ne produiront aucun effet sur la congestion routière, pas plus qu’elles ne permettront de contrôler un tant soit peu l’étalement urbain.
Le ministre des Finances, Eric Girard, n’a d’ailleurs pas caché mardi qu’il était resté sur sa faim. Le gouvernement Legault aurait souhaité obtenir davantage pour les infrastructures municipales et le transport collectif.
M. Girard présente à son tour son tout premier budget. De nombreux groupes, dont l’Union des municipalités du Québec (UMQ) et l’Alliance Transit, espèrent des investissements accrus pour une mobilité durable. À ce sujet, la tiédeur du gouvernement Trudeau ne doit pas servir d’excuse au gouvernement Legault. L’Alliance Transit fait remarquer que la présentation du premier budget de la CAQ représente une excellente occasion de donner du relief à la Politique de mobilité durable et de ramener, à moyen terme, la part des investissements entre les transports collectif et routier à égalité de parts. Présentement, le transport routier reçoit 70 % des investissements contre 30 % pour le collectif.
De la campagne électorale jusqu’à ce jour, la CAQ a été malmenée pour son peu d’intérêt pour l’environnement. On oublie trop facilement sa promesse de ramener les investissements entre le routier et le collectif à parité.
Le gouvernement Legault n’y arrivera certes pas dès son premier budget. Il doit cependant se fixer des cibles pour y parvenir, ce qui exige un certain courage et des arbitrages délicats. Il vaudrait mieux concentrer les investissements en transport routier dans la réfection du réseau, qui en a besoin, et limiter la construction de nouvelles routes au strict nécessaire.
Utopie ? Pas du tout. L’Ontario veut ramener les investissements en transport collectif à 76 % dans la prochaine décennie contre 24 % pour le transport routier. Il dépense près de 6000 $ par habitant en transport collectif, contre un peu moins de 1100 $ pour le Québec. C’est une question de volonté.
Espérons enfin que le premier budget Girard répondra aux aspirations des municipalités, qui réclament depuis des lustres une diversification de leurs sources de revenus afin de relever les multiples responsabilités qui leur sont confiées, dont celle du transport collectif. Le transfert d’un point de pourcentage de la TVQ aux municipalités, ce qui représente 1,7 milliard, constitue une avenue intéressante pour que les villes puissent relever les défis de demain avec des outils modernes de fiscalité.