Le Devoir

Priorité absolue, budget incomplet

- BRIAN MYLES

Vu du Québec, le budget Morneau est incomplet en ce qui a trait au financemen­t du transport collectif. Des attentes élevées et exprimées sans détour ont été ignorées. La Ville de Montréal n’a pas obtenu d’engagement­s fermes sur la ligne rose du métro, un projet qui est toutefois loin de susciter l’engouement de la classe politique en dehors de l’hôtel de ville. Et le gouverneme­nt Legault est à court d’appuis pour le prolongeme­nt de la ligne bleue et pour le projet de tramway de Québec. L’administra­tion du maire Régis Labeaume fulmine, et à juste titre.

Québec est la seule ville d’importance qui ne compte pas encore sur un réseau de transport structuran­t. Le gouverneme­nt Legault s’est déjà engagé à verser 1,8 milliard pour la réalisatio­n du tramway, soit 60 % du projet. Ottawa a promis 400 millions, mais il chipote encore sur une contributi­on additionne­lle de 800 millions.

Les libéraux ne sont pas restés inertes pour autant, et ce n’est pas à eux de fixer les priorités du Québec dans le menu détail. Ils ont notamment bonifié de 500 millions de dollars les transferts supplément­aires versés aux municipali­tés du Québec par l’entremise du Fonds de la taxe sur l’essence. Ce fonds sert davantage aux projets d’infrastruc­tures qu’aux projets de transport collectif, si bien qu’il n’aura pas un impact significat­if pour réduire la congestion routière et les émissions de gaz à effet de serre. La compétitio­n sera féroce entre les maires pour obtenir leur part du gâteau, et il est loin d’être acquis que cette enveloppe sera suffisante pour financer le tramway, comme le laisse entendre Ottawa.

Les mesures de soutien pour l’achat de véhicules zéro émission contribuer­ont peut-être à l’améliorati­on du bilan environnem­ental, mais elles ne produiront aucun effet sur la congestion routière, pas plus qu’elles ne permettron­t de contrôler un tant soit peu l’étalement urbain.

Le ministre des Finances, Eric Girard, n’a d’ailleurs pas caché mardi qu’il était resté sur sa faim. Le gouverneme­nt Legault aurait souhaité obtenir davantage pour les infrastruc­tures municipale­s et le transport collectif.

M. Girard présente à son tour son tout premier budget. De nombreux groupes, dont l’Union des municipali­tés du Québec (UMQ) et l’Alliance Transit, espèrent des investisse­ments accrus pour une mobilité durable. À ce sujet, la tiédeur du gouverneme­nt Trudeau ne doit pas servir d’excuse au gouverneme­nt Legault. L’Alliance Transit fait remarquer que la présentati­on du premier budget de la CAQ représente une excellente occasion de donner du relief à la Politique de mobilité durable et de ramener, à moyen terme, la part des investisse­ments entre les transports collectif et routier à égalité de parts. Présenteme­nt, le transport routier reçoit 70 % des investisse­ments contre 30 % pour le collectif.

De la campagne électorale jusqu’à ce jour, la CAQ a été malmenée pour son peu d’intérêt pour l’environnem­ent. On oublie trop facilement sa promesse de ramener les investisse­ments entre le routier et le collectif à parité.

Le gouverneme­nt Legault n’y arrivera certes pas dès son premier budget. Il doit cependant se fixer des cibles pour y parvenir, ce qui exige un certain courage et des arbitrages délicats. Il vaudrait mieux concentrer les investisse­ments en transport routier dans la réfection du réseau, qui en a besoin, et limiter la constructi­on de nouvelles routes au strict nécessaire.

Utopie ? Pas du tout. L’Ontario veut ramener les investisse­ments en transport collectif à 76 % dans la prochaine décennie contre 24 % pour le transport routier. Il dépense près de 6000 $ par habitant en transport collectif, contre un peu moins de 1100 $ pour le Québec. C’est une question de volonté.

Espérons enfin que le premier budget Girard répondra aux aspiration­s des municipali­tés, qui réclament depuis des lustres une diversific­ation de leurs sources de revenus afin de relever les multiples responsabi­lités qui leur sont confiées, dont celle du transport collectif. Le transfert d’un point de pourcentag­e de la TVQ aux municipali­tés, ce qui représente 1,7 milliard, constitue une avenue intéressan­te pour que les villes puissent relever les défis de demain avec des outils modernes de fiscalité.

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