L’urgence du droit de parole public en éducation
En 15 ans, les libéraux ont saccagé notre école publique et le personnel scolaire s’est retrouvé en situation de crise. La tâche est devenue de plus en plus lourde pour de nombreuses raisons. Parlons de coupes budgétaires, de la plus grande intégration des élèves en difficulté dans la classe ordinaire, des restrictions de groupes en adaptation scolaire, du mauvais entretien des écoles, de l’exode vers le privé, des crises médiatiques (éducation à la sexualité, éducation financière, récréations, etc.), des coupes de services de professionnelles et des restrictions financières pour les services de base à l’élève telles que les budgets pour les bibliothèques et les activités parascolaires.
Après toutes ces modifications, l’éducation ressemble beaucoup plus à un programme de « télé à la carte» qu’à un véritable système réfléchi et qui se déploie afin d’outiller les élèves pour leur avenir. On ajoute un peu d’un, on enlève beaucoup de l’autre et on pense que tout ceci se gérera bien quand même.
Le ministre de l’Éducation nouvellement arrivé ne laisse personne indifférent. Il inspire par son assurance et sa détermination affichée. C’est encourageant de voir qu’un enseignant s’est enfin rendu là-haut, et il semble avoir la volonté de faire le meilleur. Là où c’est moins rose, c’est lorsqu’on se rend compte de sa principale priorité : la maternelle 4 ans. S’il s’agit probablement d’une bonne idée sur la forme, je doute sérieusement que ce soit la chose la plus urgente à accomplir. Pour parler un langage mercantile ; avant d’ajouter à la demande, pouvons-nous nous assurer que l’offre actuelle est satisfaisante ? Lorsqu’on parle à des enseignants des maux du système, ce n’est jamais la première chose qui est nommée. Nous parlons plus de la rareté de personnel de soutien pour l’accompagnement des jeunes et des enseignants, de la violence vécue en classe, du ratio maître/élèves devant être revu, de la revalorisation de la profession par des augmentations salariales, de l’embellissement de nos écoles actuelles, de la mise à jour nécessaire de certains programmes, de la sécurité d’emploi et du manque de relève.
Pour guider son action et pour améliorer le réseau, la priorité du ministre devrait être d’écouter les enseignants en donnant davantage de tribunes et le pouvoir de dire ce qui ne fonctionne pas. Il doit savoir ce qui se passe afin d’agir et, croyez-moi, les enseignants en ont des choses à dire. Pour l’instant, il est interdit à un enseignant de sortir publiquement pour dénoncer les pratiques problématiques de sa direction ou de sa commission scolaire. Les enseignants sont compétents, ils sont chaque jour avec les élèves et ils ont à coeur la réussite des enfants placés sous leur responsabilité. Comme le dit si bien le ministre, ils connaissent les élèves par leur nom. Ils devraient pouvoir s’exprimer publiquement sans crainte de réprimandes de la part de leur employeur (commissions scolaires) quand c’est constructif et pour améliorer les choses. Ces dernières années, les acteurs du milieu de l’éducation ont martelé l’importance d’agir, mais toujours en traitant des problèmes en surface ou par des généralités pour éviter d’être réprimandés ou, pire, congédiés.
Monsieur le Ministre, il est urgent de faire en sorte que les enseignants aient une liberté de parole pour s’assurer que vous avez l’heure juste. Cela vous aidera, je n’en doute pas, à prendre des décisions éclairées, et ce, pour le mieux.