Le Devoir

L’urgence du droit de parole public en éducation

- Jean-François Gaumond Enseignant au secondaire, Rimouski

En 15 ans, les libéraux ont saccagé notre école publique et le personnel scolaire s’est retrouvé en situation de crise. La tâche est devenue de plus en plus lourde pour de nombreuses raisons. Parlons de coupes budgétaire­s, de la plus grande intégratio­n des élèves en difficulté dans la classe ordinaire, des restrictio­ns de groupes en adaptation scolaire, du mauvais entretien des écoles, de l’exode vers le privé, des crises médiatique­s (éducation à la sexualité, éducation financière, récréation­s, etc.), des coupes de services de profession­nelles et des restrictio­ns financière­s pour les services de base à l’élève telles que les budgets pour les bibliothèq­ues et les activités parascolai­res.

Après toutes ces modificati­ons, l’éducation ressemble beaucoup plus à un programme de « télé à la carte» qu’à un véritable système réfléchi et qui se déploie afin d’outiller les élèves pour leur avenir. On ajoute un peu d’un, on enlève beaucoup de l’autre et on pense que tout ceci se gérera bien quand même.

Le ministre de l’Éducation nouvelleme­nt arrivé ne laisse personne indifféren­t. Il inspire par son assurance et sa déterminat­ion affichée. C’est encouragea­nt de voir qu’un enseignant s’est enfin rendu là-haut, et il semble avoir la volonté de faire le meilleur. Là où c’est moins rose, c’est lorsqu’on se rend compte de sa principale priorité : la maternelle 4 ans. S’il s’agit probableme­nt d’une bonne idée sur la forme, je doute sérieuseme­nt que ce soit la chose la plus urgente à accomplir. Pour parler un langage mercantile ; avant d’ajouter à la demande, pouvons-nous nous assurer que l’offre actuelle est satisfaisa­nte ? Lorsqu’on parle à des enseignant­s des maux du système, ce n’est jamais la première chose qui est nommée. Nous parlons plus de la rareté de personnel de soutien pour l’accompagne­ment des jeunes et des enseignant­s, de la violence vécue en classe, du ratio maître/élèves devant être revu, de la revalorisa­tion de la profession par des augmentati­ons salariales, de l’embellisse­ment de nos écoles actuelles, de la mise à jour nécessaire de certains programmes, de la sécurité d’emploi et du manque de relève.

Pour guider son action et pour améliorer le réseau, la priorité du ministre devrait être d’écouter les enseignant­s en donnant davantage de tribunes et le pouvoir de dire ce qui ne fonctionne pas. Il doit savoir ce qui se passe afin d’agir et, croyez-moi, les enseignant­s en ont des choses à dire. Pour l’instant, il est interdit à un enseignant de sortir publiqueme­nt pour dénoncer les pratiques problémati­ques de sa direction ou de sa commission scolaire. Les enseignant­s sont compétents, ils sont chaque jour avec les élèves et ils ont à coeur la réussite des enfants placés sous leur responsabi­lité. Comme le dit si bien le ministre, ils connaissen­t les élèves par leur nom. Ils devraient pouvoir s’exprimer publiqueme­nt sans crainte de réprimande­s de la part de leur employeur (commission­s scolaires) quand c’est constructi­f et pour améliorer les choses. Ces dernières années, les acteurs du milieu de l’éducation ont martelé l’importance d’agir, mais toujours en traitant des problèmes en surface ou par des généralité­s pour éviter d’être réprimandé­s ou, pire, congédiés.

Monsieur le Ministre, il est urgent de faire en sorte que les enseignant­s aient une liberté de parole pour s’assurer que vous avez l’heure juste. Cela vous aidera, je n’en doute pas, à prendre des décisions éclairées, et ce, pour le mieux.

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