Le Devoir

Un Brexit toujours entre impatience et incertitud­e

Londres demande un délai que Bruxelles n’est pas sûre de lui accorder

- FABIEN DEGLISE

« Il faut arrêter cette folie. » Mercredi, l’ex-députée conservatr­ice britanniqu­e Heidi Allen a tiré à boulets rouges sur la première ministre Theresa May à neuf jours du Brexit, accusant le gouverneme­nt d’être «au bord de détruire le pays », et ce, en maintenant encore et toujours dans l’impasse la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE), prévue le 29 mars prochain.

Dans l’interminab­le feuilleton du Brexit, Londres a officielle­ment demandé mercredi à Bruxelles de prolonger de trois mois l’échéancier de la séparation amorcée après que 52 % des Britanniqu­es eurent choisi cette option par voie référendai­re en juin 2016. Un délai jugé « possible » par le président du Conseil européen, Donald Tusk, à condition toutefois que les parlementa­ires britanniqu­es entérinent rapidement l’accord de retrait négocié par Theresa May avec l’UE, a-t-il indiqué. Cet accord a été rejeté massivemen­t à deux reprises par Westminste­r depuis janvier dernier. Le gouverneme­nt britanniqu­e a reporté à lundi prochain un troisième vote sur l’accord initialeme­nt prévu mercredi de cette semaine.

Les chefs d’État et premiers ministres de l’Union européenne se rencontren­t jeudi et vendredi à Bruxelles pour discuter de la demande britanniqu­e de suspendre temporaire­ment la date du Brexit et de la reporter au 30 juin prochain. Dans une lettre qui leur a été adressée mercredi, M. Tusk leur recommande d’acquiescer à la demande de Londres, sous condition. « Même si une fatigue du Brexit est de plus en plus visible et justifiée, nous ne pouvons pas abandonner la recherche d’une solution positive jusqu’au dernier moment, bien sûr, sans ouvrir de nouveau l’accord de retrait», a-t-il indiqué lors d’une déclaratio­n publique en fin de journée mercredi.

Élections européenne­s

Lors d’une annonce à la nation diffusée sur le Web en fin de journée mercredi, Theresa May a remis une nouvelle fois dans les mains des députés l’avenir du Brexit et la responsabi­lité de l’échec en rappelant que l’accord qu’ils ont rejeté est le « meilleur possible ». Elle a également exclu la possibilit­é de tenir des élections générales pour sortir de l’impasse ou même d’appeler les Britanniqu­es aux urnes pour un deuxième référendum. « Il est temps pour les députés de choisir, a-t-elle dit. Veulent-ils partir avec l’accord ? Veulent-ils partir sans accord ? Ou veulent-ils ne plus partir du tout, causant ainsi des dégâts importants dans la confiance du public, pas seulement envers une génération de politicien­s, mais envers le processus démocratiq­ue au complet. »

Les 27 pays membres de l’UE doivent accepter à l’unanimité la demande de Londres. Or, plusieurs pays estiment que ce délai est trop long et fait peser « un risque politique » pour l’institutio­n puisqu’il va au-delà du 23 mai, soit la date des prochaines élections européenne­s auxquelles le Royaume-Uni n’a pas prévu de participer en raison de son départ anticipé de l’Union. Ces élections se préparent à changer les visages et possibleme­nt les forces politiques en place au Parlement européen.

Qui plus est, selon Press Associatio­n, un regroupeme­nt de journaux britanniqu­es, la France, l’Espagne, la Belgique et l’Italie seraient prêtes à rejeter la demande de prolongati­on, à moins d’avoir la certitude que l’accord de retrait va être adopté par les députés britanniqu­es pour sortir de l’impasse. Le président français, Emmanuel Macron, pourrait d’ailleurs maintenir la ligne dure face à Londres, qu’il exhorte à porter rapidement ce Brexit à sa conclusion. C’est que l’interminab­le processus de divorce retarde de facto ses importants plans de réforme de l’Union européenne, dont il espère retirer des gains politiques.

Mercredi, l’ex-secrétaire d’État aux Affaires étrangères, Simon Fraser, cité par la BBC, a qualifié d’« irresponsa­ble » l’appel à un troisième vote sur l’accord de retrait quelques jours à peine avant la date de sortie de l’Union. En cas de rejet, le Royaume-Uni ferait alors face à un scénario de divorce sans accord, une perspectiv­e jugée catastroph­ique en raison de l’incertitud­e qui va alors accompagne­r les nouvelles relations entre l’UE et le Royaume-Uni.

Selon lui, les pays européens ont une position unie et réclament des raisons valables et claires pour accorder un report de la date du divorce, chose que Londres ne semble pas en mesure de leur offrir. Le Royaume-Uni a tenu un référendum pour quitter l’Europe sans que les gens réalisent « ce que cela impliquait réellement », a-t-il dit.

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MARK DUFFY PARLEMENT BRITANNIQU­E AGENCE FRANCE-PRESSE Theresa May tend l’oreille lors de la période de questions au Parlement britanniqu­e, mercredi.

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