Le Devoir

Faire accéder le conte aux salles

Le Circuit Paroles vivantes permettra à cinq conteurs de prendre les routes du Québec dès le printemps

- CAROLINE MONTPETIT

Le conte se passe de bouche à oreille, partout où on prend le temps de l’accueillir, autour d’un feu, dans un bar, dans une bibliothèq­ue ou au-dessus du lit d’un enfant. Il se transmet là où il le peut, sans tambour ni trompette, et marque souvent à jamais les mémoires. En fait, le conte est peu diffusé dans les salles de spectacle. Pour pallier cet état de fait, le Conseil des arts et des lettres du Québec et le Secrétaria­t à la promotion et à la valorisati­on de la langue française ont annoncé mardi la création du Circuit Paroles vivantes, qui favorisera­it la diffusion de l’art du conte en salle de spectacle.

Grâce à ce circuit, le Regroupeme­nt du conte au Québec a pu organiser des tournées à cinq conteurs dans différente­s salles de spectacle à travers le Québec. Dès ce printemps, on pourra y voir Franck Sylvestre, Renée Robitaille, Suzanne De Serres, Simon Gauthier et Nadine Walsh, de Gaspé à Saint-Eustache en passant par TroisRiviè­res et Joliette. Ils aborderont, chacun à leur façon, l’histoire d’Ulysse ou celle de Beowulf, celle du Fossoyeur ou de Gilgamesh.

Dans un rapport intitulé Raconte-moi la diffusion, réalisé au cours de la dernière année pour le compte du Regroupeme­nt du conte au Québec, les chercheurs ont par ailleurs constaté le peu de représenta­tivité de conteurs autochtone­s ou dits de la diversité dans les rangs des membres du Regroupeme­nt du conte au Québec. On y constate que « le bouche-à-oreille reste le moyen principal pour la découverte de conteur.euse.s par les diffuseur.e.s ». On lit encore que « presque tous les diffuseur.e.s se sont désolés d’un manque de propositio­ns d’oeuvres d’artistes en conte. Le manque devient plus important en ce qui concerne les conteur.euse.s. autochtone­s et dit.e.s de la diversité culturelle ».

Mo Carpels, directeur du Regroupeme­nt du conte au Québec, entend aborder ce problème au moment d’un symposium sur le conte qui se tiendra à Montréal le 11 avril prochain. Les recherches du Regroupeme­nt lui ont démontré qu’il pouvait entre autres y avoir un problème de dénominati­on auprès des conteurs dits de la diversité. « Beaucoup de conteurs ne se voient pas comme des conteurs, mais plutôt comme des raconteurs. On se retrouve avec une démarche en matière de mémoire et de transmissi­on, bien loin du conte-spectacle », reconnaît M. Carpels. De 34 projets qui ont été présentés pour la sélection du Circuit Paroles vivantes, seulement deux provenaien­t de conteurs dits « de la diversité ».

« Attirer les publics est un autre enjeu, lit-on encore dans le rapport, car même la proximité géographiq­ue d’une communauté autochtone ou “dite culturelle” ne parvient pas à favoriser la participat­ion de celle-ci en tant que public ou artistes. Parfois, c’est la perte d’une langue ou un processus de dévitalisa­tion qui sont à blâmer. »

Pourtant, le conte voyage bien, de culture en culture. « Les conteurs québécois s’exilent littéralem­ent durant les mois d’été dans toute la francophon­ie, en Afrique ou en Belgique et en Suisse », dit Mo Carpels. « Qu’ils viennent du Québec ou de Ouagadougo­u, ils ont les mêmes concepts, les mêmes symboles», dit-il. Mais le conte autochtone ne se transmet peut-être pas si naturellem­ent sur une scène, devant 200 personnes, constate M. Carpels.

Il faut trouver les moyens de lui permettre de rayonner.

Qu’ils viennent du Québec ou de Ouagadougo­u, [tous les conteurs] ont les mêmes » concepts, les mêmes symboles MO CARPELS

 ?? DAMIAN SIQUEIROS ?? Suzanne De Serres livrera un conte musical inspiré du mythique Ulysse, d’Homère.
DAMIAN SIQUEIROS Suzanne De Serres livrera un conte musical inspiré du mythique Ulysse, d’Homère.

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