Affaire SNC-Lavalin : une enquête serait pertinente, estime un expert
Le rapport Dion ne donne pas toutes les réponses et une enquête sur les dessous de l’affaire SNC-Lavalin pourrait être pertinente, estime un expert en crimes financiers.
« Tout le monde saute aux conclusions, tout le monde veut dire que des gens sont coupables ou non coupables et je suis l’une des rares personnes qui ont déclaré ne pas être prêtes à le dire », explique Kenneth Jull, conseiller au cabinet d’avocats Gardiner Roberts à Toronto et professeur adjoint à l’Université de Toronto, où il donne le cours « Financial Crimes and Corporate Compliance » (crimes financiers et conformité d’entreprise).
Selon lui, les questions qui consistent à savoir pourquoi SNC-Lavalin n’a pas obtenu d’accord de poursuite différée et s’il y avait des raisons de ne pas le faire demeurent en suspens.
M. Jull est également d’avis que le commissaire Dion est « allé trop loin » dans les conclusions de son rapport en estimant que le premier ministre n’aurait pas dû contacter Mme Wilson-Raybould concernant l’affaire SNC-Lavalin. Selon lui, M. Trudeau était en droit de contacter la procureure générale.
Simplification de la situation
M. Jull estime que, tant du côté des libéraux que des conservateurs, il y a une simplification à l’excès de la situation. « Il y a une simplification excessive de ce qui sont des concepts légaux très compliqués », résume-t-il.
Le chef du Parti conservateur, Andrew Scheer, réclame la tenue d’une telle enquête par le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique. Cette requête survient après le dépôt cette semaine du rapport du commissaire à l’éthique, Mario Dion. Ce dernier a conclu que le premier ministre, Justin Trudeau, avait violé la Loi sur les conflits d’intérêts par l’exercice de pressions indues sur l’exministre de la Justice et ex-procureure générale, Jody Wilson-Raybould, dans le dossier SNC-Lavalin.
En conférence de presse, vendredi, à Moncton, le chef conservateur a accusé le premier ministre d’avoir «trahi la confiance » des Canadiens et du Parti libéral. Il a également demandé aux députés libéraux de ne pas se livrer à du camouflage en ne s’opposant pas à l’enquête.
Le premier ministre, Justin Trudeau, a déclaré accepter le rapport, en plus d’assumer la responsabilité de ce qui s’était passé. Il a ajouté être en désaccord avec certaines conclusions de M. Dion, notamment le fait qu’il n’aurait pas dû avoir de contacts avec Mme Wilson-Raybould au sujet de l’affaire SNC-Lavalin.
Une question d’approche
Selon M. Jull, il y a deux façons d’aborder l’affaire SNC-Lavalin.
La première est que, si Justin Trudeau avait tenté de changer l’opinion de Mme Wilson-Raybould sur la base d’intérêts nationaux économiques, c’était effectivement une approche « inappropriée ».
«Une entreprise ne peut pas dire par exemple : “Je suis tellement grosse, vous devez me donner un traitement de faveur.” » illustre-t-il, ajoutant que « la loi dit que vous ne pouvez pas faire ça ».
Toutefois, selon une autre approche, il n’y a aucune raison qui empêcherait le premier ministre de discuter d’erreurs de droit avec la procureure générale.
« L’une des dispositions de la loi permet au procureur général de considérer les conséquences sur des personnes innocentes, des employés innocents, explique M. Jull. Si le procureur général n’a pas considéré ce facteur adéquatement, cela pourrait potentiellement être une erreur de droit ».
Dans ce cas, M. Jull estime qu’il aurait été approprié pour le premier ministre ou ses collaborateurs d’avoir ce genre de discussions avec Mme WilsonRaybould.
Les députés conservateurs et néodémocrates ont réclamé une réunion d’urgence du comité de l’éthique, dans le but d’examiner le rapport Dion. Les deux partis d’opposition comptent suffisamment de membres au comité afin de forcer la tenue d’une telle réunion. Les libéraux détiennent toutefois la majorité des sièges au comité.