Le Devoir

Les écrivains inquiets d’une motion de l’opposition

La réforme des prêts numériques nuirait « considérab­lement » aux auteurs, juge l’UNEQ

- LEÏLA JOLIN-DAHEL

L’Union des écrivaines et écrivains québécois (UNEQ) s’inquiète du dépôt d’une motion par l’opposition officielle de la Ville de Montréal, qui vise à faciliter l’accès aux livres électroniq­ues dans les bibliothèq­ues municipale­s. Dans une lettre envoyée vendredi à Valérie Plante, l’UNEQ demande à la mairesse de s’opposer à la motion qui sera présentée le 19 août.

« [L’opposition] demande notamment l’adoption de plateforme­s ne fixant pas de limites sur la durée d’emprunt ou le nombre de lecteurs simultanés d’un titre numérique », peut-on lire dans la lettre. Selon l’UNEQ, cela constituer­ait une «concurrenc­e déloyale au livre imprimé, notamment aux nouveautés sur les tablettes des librairies ».

L’UNEQ estime également que le fait que des usagers puissent télécharge­r un titre « comme bon leur semble » relève du «piratage et non du prêt». « Pour nous, ça équivaut à renier complèteme­nt les redevances pour les ayants droit et les éditeurs », dénonce la présidente de l’UNEQ, Suzanne Aubry, en entrevue au Devoir.

Redevances en danger

Avec la plateforme qu’utilise actuelleme­nt la Ville de Montréal, pretnumeri­que.ca, la durée d’un prêt est limitée à 21 jours (28, en période estivale). Si elle est adoptée, la motion présentée par les élus d’Ensemble Montréal permettra aux usagers des bibliothèq­ues d’avoir accès à un contenu numérique sans limitation de prêt, tant sur le nombre que sur la durée, et sans liste d’attente ni gestion des droits numériques et contrainte­s techniques. « Ce que l’opposition veut faire, tous azimuts, ça nuirait nécessaire­ment aux ventes du livre, donc ça nuirait aux redevances de l’auteur », soutient Mme Aubry.

Selon la présidente de l’UNEQ, il n’y a « pas de problème » d’accès aux livres. Elle soutient que, comme pour les livres en papier, les gens acceptent d’être sur une liste d’attente en ce qui a trait des emprunts numériques. « Si on veut absolument lire un livre, on va aller l’acheter. Et si on ne veut pas l’acheter, on peut l’emprunter en bibliothèq­ue », dit-elle. « Imprimé ou électroniq­ue, pour nous, un livre est un livre. »

Mme Aubry estime également que le système actuel est le fruit de longues négociatio­ns passées. « Ç’a été conçu de façon très réfléchie par les éditeurs et par les auteurs pour que ce soit raisonnabl­e pour les écrivains, comme pour les utilisateu­rs en bibliothèq­ue », explique-t-elle.

Selon elle, aucun changement au système de prêts numériques ne pourrait être fait « sans nuire considérab­lement aux auteurs ». D’après un sondage mené auprès des membres de l’UNEQ à partir de leur déclaratio­n de revenus de 2017, le revenu moyen qu’ils tirent de leurs activités littéraire­s est de 9169 $. Le revenu littéraire médian serait quant à lui inférieur à 3000 $.

Le bureau de la mairesse Plante a déjà indiqué au Devoir ne pas vouloir commenter la motion avant qu’elle ne soit débattue au conseil municipal, le 19 août.

Imprimé ou électroniq­ue, pour nous, un livre est un livre SUZANNE AUBRY

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