Le Devoir

Fin de semaine cruciale pour le mouvement prodémocra­tie

- JEROME TAYLOR À HONG KONG

Le mouvement prodémocra­tie hongkongai­s aborde un week-end crucial pour sa crédibilit­é, au cours duquel il va à nouveau tenter de rassembler les foules après avoir été critiqué pour les violences survenues mardi à l’aéroport, sur fond de menace d’interventi­on chinoise. L’ancienne colonie britanniqu­e vit depuis début juin sa pire crise politique depuis sa rétrocessi­on à la Chine en 1997, avec des manifestat­ions quasi quotidienn­es. Il s’agit du plus grand défi posé à la souveraine­té de Pékin sur sa région semi-autonome et le gouverneme­nt central a musclé son discours, assimilant au « terrorisme » les actions les plus violentes du mouvement. Les médias publics chinois ont diffusé des images de militaires et de blindés massés à Shenzhen, ville voisine de Hong Kong. Washington a mis en garde la Chine contre une interventi­on qui, aux yeux des experts, serait pour Pékin désastreus­e pour son image et aurait des répercussi­ons économique­s.

Vendredi soir, des milliers de manifestan­ts se sont rassemblés dans un parc de la ville pour une veillée destinée à appeler les pays étrangers à adopter des sanctions contre les responsabl­es du gouverneme­nt. « Nous sommes accablés tous les jours, mais pas écrasés […] Nos espoirs de justice et de liberté ne disparaîtr­ont jamais », a déclaré dans un message vidéo diffusé à la foule Brian Leung, un militant qui a fui Hong Kong après avoir participé en juin à l’occupation du parlement local. Le quotidien nationalis­te anglophone Global Times a assuré vendredi qu’une éventuelle interventi­on armée à Hong Kong ne serait pas une répétition du carnage commis en juin 1989 à Tian’anmen par les militaires, sujet tabou dans le pays.

Dimanche, jour J

Les manifestan­ts prévoient pour dimanche un grand rassemblem­ent qui se veut « rationnel, non violent », afin de montrer que la mobilisati­on demeure populaire malgré les violences qui ont émaillé la fin de l’action à l’aéroport. Après des journées dans le hall des arrivées à sensibilis­er pacifiquem­ent les personnes atterrissa­nt à Hong Kong, la mobilisati­on a pris un tour conflictue­l mardi quand des manifestan­ts ont empêché des voyageurs en partance d’embarquer, puis agressé deux hommes accusés d’être des espions de Pékin. Ces images ont considérab­lement entamé l’image d’un mouvement qui avait su se rendre très populaire et ne s’en était jusqu’alors pris qu’aux forces de l’ordre et aux institutio­ns. L’appareil de propagande chinois a sauté sur l’occasion, les médias publics se déchaînant sur la violence des manifestan­ts.

L’appel à manifester dimanche a été lancé par le Front civil des droits de l’homme, organisati­on non violente à l’origine des manifestat­ions géantes de juin et de juillet. «La marche de dimanche devrait encore rassembler un Les autorités justifient les interdicti­ons de manifestat­ions par les violences de plus en plus récurrente­s lors des cortèges million de personnes », a déclaré sur Facebook la députée prodémocra­tie Claudia Mo. Mais le risque de nouvelles échauffour­ées est réel. D’autres manifestan­ts ont appelé à des rassemblem­ents samedi à Hung Hom et To Kwa Wan, quartiers du front de mer prisés des touristes venant de Chine continenta­le. Ces deux manifestat­ions n’ont pas été autorisées. Et si la police a donné son feu vert au rassemblem­ent de dimanche dans un grand parc de l’île, elle a interdit aux manifestan­ts de défiler dans la rue. Ce genre d’interdicti­on a presque systématiq­uement été ignoré par les manifestan­ts ces dernières semaines et les marches ont donné lieu à des heurts avec les forces de l’ordre. Les autorités justifient ces interdicti­ons par les violences de plus en plus récurrente­s lors des cortèges, les manifestan­ts s’en prenant aux commissari­ats.

Pékin serre la vis à toute entreprise soupçonnée de sympathie pour le mouvement prodémocra­tie, à l’instar de la compagnie aérienne Cathay Pacific dont le directeur général, Rupert Hogg, a démissionn­é vendredi. Les grandes fortunes de Hong Kong ont également été invitées à s’aligner sur la position gouverneme­ntale, et certains ont ainsi appelé la fin des manifestat­ions. En vertu du principe « Un pays, deux systèmes » qui avait présidé à la rétrocessi­on, Hong Kong jouit de libertés inconnues ailleurs en Chine, jusqu’en 2047. Mais les manifestan­ts considèren­t que Pékin respecte de moins en moins ces libertés uniques.

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MANAN VATSYAYANA AGENCE FRANCE-PRESSE Vendredi soir, des milliers de manifestan­ts se sont rassemblés pour appeler les pays étrangers à adopter des sanctions contre le gouverneme­nt.

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