Escapade
Pour l’amour de la musique et de la beauté, à coups de pédalier
Saint-Joseph-de-la-Rive, Les Éboulements, L’Isle-aux-Coudres : c’est toute la région avoisinante que Philémon Cimon, auteur-compositeur-interprète et poète à ses heures, est venu chanter au « Festif ! » de Baie-SaintPaul sous les arbres matures de la cour à Johanne.
C’est là le chic de ce festival créé il y a 10 ans par de (très) jeunes et entreprenants gens du coin : des spectacles annoncés à la dernière minute dans des endroits inusités.
Après l’agitation du concert-surprise du rappeur KNLO en pleine rue caniculaire, il était bon de retrouver la douceur des mélodies de Cimon et de son acolyte, la chanteuse française Pomme.
Quelques minutes plus tôt, alors que j’enfourchais mon BaieCycle — version locale de Bixi —, une charmante mamie charlevoisienne aux joues roses et rebondies m’a souhaité un « Bon festif ! » du haut de son perron. L’avant-veille, deux garçons prépubères croisés sur le pont au-dessus de la rivière du Gouffre m’avaient
d’un volontaire cordialement saluée. « Bonjour-Hi-Holà » Il faut dire que la petite communauté s’implique activement, avec plus de 350 bénévoles du cru, pour accueillir les 40 000 visiteurs qui la prennent d’assaut pencroisé dant trois jours chaque année.
C’est simple, jamais je n’ai autant de sourires que dans les rues de Baie-Saint-Paul pendant le Festif !, un peu comme si je touconnaissais tes les personnes croisées. Parfois c’est le cas ; sinon, c’est tout comme. Difficile de redescendre d’un tel nuage, surtout quand on a la chance de dormir dans un lit d’hôtel moelleux et d’arroser les chaudes soirées de la cuvée spéciale du festival (composée de pains invendus d’une boulangerie locale et de blé cultivé et transformé dans Charlevoix).
Sitôt la fin du festival — à l’aube en ce qui me concerne, après un concert de Philippe B sur les herbes folles de la ferme de l’Hôtel & Spa Le Germain —, j’ai à peine pris le temps de lâcher un grand « ouf ! » que je partais faire le tour de l’île aux Coudres à vélo.
En excellente compagnie féminine et sur une nouvelle monture nommée « Vélo Coudre », je me suis surprise à chanter en pédalant et à lâcher des « Oh ! » et des « Ah ! » à tout bout de champ. La marée était basse et la beauté, à faire exploser les rétines.
Outre le paysage, ce qui est extraordinaire avec l’île, ce sont les personnages qui l’animent. Si les insulaires sont des conteurs, cela prend de plus grandes proportions au pays des coudriers. Aux Traverseux, un
établissement muséal (aussi comptoir de lunch et boutique) qui met en valeur les traditions maritimes de la petite communauté, on a été reçues par Annie Harvey, petite fille de Louis Harvey, dit Grand Louis, figure marquante du film Pour la
suite du monde ». Un portrait géant de ce cultivateur et chantre d’église orne les lieux.
Plus tôt cet été, Philémon Cimon — encore lui — a participé avec un ami à une course de bateaux en carton en partance de cet endroit. « L’équipe des beaux naïfs en maillot jaune », a-t-il raconté avec son caractéristique sens de l’autodérision. Les pauvres, ils ont dû terminer à la nage, leur embarcation de fortune ayant bu la tasse.
D’ailleurs, tant qu’à parler de Philémon, mentionnons qu’une ritournelle entendue dans le célèbre « cumentaire » de Brault et Perrault lui a inspiré la chanson Ma mère au nord, que l’on retrouve sur son plus récent album, sous forme d’ode à sa région natale. Tout’est dans tout’, comme disait le grand Raoul. Je suis repartie avec le t-shirt, pour la suite du de et des traversées.
Papilles ravies
En principe, faire le tour de cette île aussi fascinante que belle n’est pas très long : à peine 24 kilomètres. Par contre, si comme nous vous vous arrêtez un peu partout pour goûter à tout, alors prévoyez au moins une demi-journée ou, encore mieux, une journée entière. Parmi les nombreux coups de coeur, il faut mentionner Safran Charlevoix et ses sirops parfumés des précieux pistils (nature au miel ou au sureau), idéaux pour l’apéro, de même que ses gelées et tartinades safranées salées ou sucrées, qui font merveille avec le foie gras et les pâtés (jalapeno, fraises et roses sauvages, framboise et pivoine…).
Une mention aussi à la boulangerie Bouchard et à ses fameux pâtés croches. Si vous avez la chance d’y croiser Nöelle-Ange Harvey, la propriétaire, c’est encore mieux. Elle vous en contera la légende avec talent et en profitera peut-être aussi pour vous faire le récit de l’acquisition de son merce, un mélange de foi et de superstition assez répandu dans cette île où l’on implore encore sainte Anne et où l’on retrouve une roche pleureuse et plusieurs statues de la Sainte Vierge.
D’ailleurs, le maire, Patrice Desgagné, ne s’est pas fait prier pour raconter ses souvenirs de messe en latin jusque dans les années 1970 et pour nous rappeler que la première messe de toute l’histoire du Canada s’est déroulée sur l’île aux Coudres en 1535, le 7 septembre a-t-il ment précisé. Autre tradition qui perdure au pays des coudriers : celle de la cueillette de l’eau de Pâques. M. Desgagné la recueille depuis qu’il est en âge de marcher, nous a-t-il assuré, avant de nous conter la légende de son oncle Horace, un original bien connu des insulaires, aujourd’hui disparu. La maison croche ? C’est son oeuvre, tout comme la tour médiévale du restaurant Le Corylus.
Nouvellement copropriétaire d’une pâtisserie, monsieur le maire nous a servi des échantillons d’à peu près tout ce que produit la maison : cupcakes, mignardises, et surtout les délicieuses galettes à Yvonnie (à essayer sans faute !). Sur la terrasse, alors qu’on se goinfrait, il nous a parlé des 30 variétés de pomme du verger familial, dont les plus vieux arbres ont 101 ans.
La famille cultive aussi des pruniers, des poiriers, des cerisiers et des argousiers. Leurs fruits se retrouvent dans la composition des nectars de la Cidrerie Vergers Pedneault, qui compte plus d’une trentaine de cuvées, selon que l’on aime son cidre sec, gazéifié, liquoreux ou quelque part entre tout cela. Nous ? On aime tout, voyons !
Aussi l’un des propriétaires de la cidrerie (« Coudons, vous possédez l’île au complet ou quoi ? » a lâché l’amie Juliette. « Plutôt le tiers », a-t-il répondu), le maire nous a présenté les mistelles, cidres et autres apéritifs, pendant qu’on goûtait un peu à tout. On est reparties vers le traversier les jambes molles et le coeur gai. « Nous reviendrons ici », nous sommes-nous dit en regardant l’île rapetisser au loin. Oui, nous reviendrons.