Le Devoir

Odile Tremblay

-

L’autre jour, je prenais un café à une terrasse, rue Côte-des-Neiges, juste vant un petit parc aménagé avec des bancs, des tables où les gens venaient lire ou placoter avec des amis. Un no public était posé là et un homme est venu jouer des airs d’Édith Piaf et d’autres chansons françaises. Il naissait bien son répertoire. Plusieurs se taisaient pour mieux écouter, tres se laissaient bercer l’oreille tout en devisant. L’air était doux comme la musique. Le pianiste contribuai­t coup à cette ambiance des jours d’été quand les esprits semblent s’apaiser.

Peu d’initiative­s sont célébrées si unanimemen­t à Montréal ou ailleurs. Entre les cônes orange et les retards du métro, il y a bien celle-ci. Née chez nous sur le Plateau MontRoyal en 2012, cette route des pianos en libre-service de mai à octobre, de 10 h à 20 h, tous peints et décorés, s’allonge chaque année (on en te environ 35 dans la métropole), bordant jusque dans les écoles et les centres culturels. Ils aident au « vivre ensemble », comme on dit. La que peut vraiment adoucir les moeurs.

Bon ! Certains doigts y pianotent un peu lourdement, mais la plupart du temps, le niveau est bon. Parfois, un musicien inconnu se joint à un autre pour le duo improvisé d’une pièce de Ravel, de Chopin, de Duke Ellington ou de Claude Léveillée (son air des Vieux pianos, tiens donc !). Des pianistes comme Patrick son, Fanny Bloom, Alex Nevsky, ver Jones sont venus jouer sur l’un ou l’autre de ces claviers extérieurs, fois en chantant de concert. Des cations naissent parmi les enfants qui tapotent leurs touches.

Tenez, jeudi prochain, le 22 août, à 12 30, se tiendra la sixième édition des Pianos publics au diapason. 35 instrument­s dans 11 arrondisse­ments de la métropole comme ailleurs au Québec, à Laval, Saint-Hyacinthe, res, etc., résonneron­t en même temps sur l’air du Petit roi de Jean-Pierre land, afin de souligner ses 85 ans.

Une histoire de recyclage

Avec l’aide d’associatio­ns et nismes comme Musimétro — qui groupe des musiciens du métro de Montréal —, chaque arrondisse­ment de la ville participe à ce projet et gne des responsabl­es chargés d’ouvrir et de fermer les instrument­s à heures dites, de trouver des musiciens pour les événements spéciaux. Le Plateau Mont-Royal offre ses propres pôts d’hiver aux pianos du quartier et joue souvent un rôle de concertati­on auprès des autres arrondisse­ments.

Pour être ainsi exposés aux quatre vents, ces instrument­s ne sont pas des Steinway, mais des pianos droits plutôt simples dont les propriétai­res cherchaien­t à se départir. Offerts, pectés (plusieurs, trop abîmés, sont rejetés), rafistolés, accordés, entreposés dans un lieu sec, décorés par des artistes, soignés au printemps, clés, ils se voient offrir une seconde vie, désormais publique. En cas de pluie soudaine, il y a toujours les ches, dont une main secourable vient recouvrir les pianos inondés, ailleurs des boîtiers sur mesure se referment sur eux, empêchant les infiltrati­ons d’eau. Certains meurent à l’ouvrage comme les chevaux épuisés, d’autres vivent longtemps.

Derrière les initiative­s, on trouve en général une personne allumée. Le grand éclaireur à Montréal s’appelle Julien Leblond, accordeur de pianos de son état. Lui-même s’est laissé inspirer par l’artiste britanniqu­e Luke Jerram, qui avait remis en état et rendus disponible­s gratuiteme­nt pour les niens, durant trois semaines en 2008, des pianos, à travers le projet Play Me, I’m Yours. Plusieurs villes d’Europe ont développé leurs propres circuits.

Julien Leblond a décidé d’étendre en 2012 un projet du genre à Montréal pendant les mois de l’été, en plus d’ofAtrackti­v frir avec l’équipe de sa boîte les soins et le gîte hivernal aux pianos publics dans son « Sanctuaire », situé entre Lachine et LaSalle.

Ainsi, depuis sept ans, des amitiés au Québec se nouent autour d’un clavier, des talents prennent la mière, de petits malfaiteur­s sévissent, des miracles surviennen­t ici et là.

Au printemps, un adolescent nien, Kian Nojounian, récemment vé à Montréal avec sa famille, ayant dû laisser son piano au pays, est venu jouer sur l’i nstrument public du Palais des congrès. La mélomane Maddy Sammadar-Johnson, remarquant la virtuosité de son jeu, a capté sa prestasur tion dans une vidéo bientôt relayée sa page Facebook. De fil en aiguille, le compositeu­r américain Jason Howland a offert un clavier au jeune homme.

À l’opposé, en juillet et août derniers, un piano tout blanc d’un parc de Granque by fut vandalisé, bombardé d’oeufs, écrasé dans ses parties fines, avant ses tourmenteu­rs ne tentent de l’incencultu­rels dier, poussant les responsabl­es de la Ville à le retirer de la circulatio­n.

Le pire et le meilleur cohabitent autour des harmonies des pianos blics, comme partout, mais j’ai eu envie en passant de leur tirer le coup de chapeau que voici.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada