Le Devoir

20 ans de Mutek

Précurseur puis fédérateur, le festival montréalai­s fête 20 ans de création numérique visionnair­e

- GRAND ANGLE PHILIPPE RENAUD COLLABORAT­EUR LE DEVOIR

«Personnell­ement, sans MUTEK, je n’existerais pas », affirme ment Scott Monteith, alias Deadbeat, qui était à l’affiche de la toute mière édition du festival, en 2000. « Je m’en souviens clairement, c’était un jeudi, à 15 h, juste à rieur du [défunt café-bistro] Laïka, avec Akufen et Martin Dumais [Les Jardiniers, Aum] pour le lancement de l’étiquette Hautec. Mon tout mier show live à vie ! »

« Sans MUTEK, ajoute Monteith, il n’y aurait probableme­nt pas

fen, pas de Tim Hecker, ni tous les autres amis musiciens. C’est ment incroyable, l’impact que cet événement a eu sur le ment de nos carrières. Et, avec tous les autres festivals qui ont tenté de faire leur place au cours des res années, c’est tout aussi ble que MUTEK soit encore là, jours aussi à l’avant-garde et curieux. Pendant vingt ans, le festival a gardé le cap tout en résistant à ces manditaire­s majeurs qui ont mé [l’âme] de plein d’autres festivals du genre. »

L’une des forces du festival, c’est le réseau de contacts qu’il s’est bâti au fil des ans, des amitiés qui se sont développée­s et qui, aujourd’hui re, profitent aux artistes émergents, estime le compositeu­r Guillaume Coutu-Dumont, qui présentera le 25 août la première de son nouveau projet baptisé Auflassen. « La mière tournée que j’ai faite en pe, c’est grâce à MUTEK. »

« Je pense que MUTEK a été un tremplin pour l’ensemble des res des artistes locaux, estime Marc Leclair, contacté à Berlin pendant sa tournée européenne. Et je ne parle pas uniquement des artistes alais, les Canadiens aussi : Deadbeat, Mathiew Jonson, Mike Shannon, tous ces gens-là. » Le concert gratuit que donnera Leclair le 22 août sera l’un

des moments forts des célébratio­ns du 20e anniversai­re de MUTEK ; plus Akufen associé est sans à MUTEK doute el lteà plarosject­ènlee j électroniq­ue d’avant-garde laise grâce à l’album My Way qu’il a lancé en 2002, considéré comme un classique du house minimalist­e — ou, pour être plus pointilleu­x, de ce qu’on a aussi appelé le micro-house et le click-house.

« Chaque année, on fa ait toujours un clin d’oeil aux éditions passées, explique Alain Mongeau, fondateur et directeur général du festival. Ça fait déjà deux ans que je me dis qu’il faut qu’on travaille sur ce 20e, avec l’idée de le souligner par un gros coup. Et puis, quelque part, la mameilleur­e nière de le célébrer, c’est en nuant de faire notre travail… mais peut-être en investissa­nt un peu plus d’émotions dedans. »

Bonne fête

« Je me disais que le 20e anniversai­re était important, mais après, en tant avec les gens autour de moi, on me disait : “Ah ! 25 ans, c’est encore plus important !”» raconte en riant Alain Mongeau, fondateur et teur général de MUTEK.

En vérité, le 20e anniversai­re est tout aussi important que le seront les suivants. En cette année du 50e de Woodstock, on tient un peu pour quis les anniversai­res des grands semblement­s de musique « tronique », rock, jazz, folk, etc. Or, souligner le 20e d’un festival cré aux musiques électroniq­ues de pointe est, ici comme en Europe, quelque chose d’inédit sur cette ne relativeme­nt jeune et longtemps restée dans l’undergroun­d.

Ainsi, les deux décennies du chage musical accompli par MUTEK sont d’autant plus méritoires qu’à l’origine peu de gens croyaient au concept d’un tel événement : « Je me rappelle qu’au début, ceux qu’on tait de convaincre de nous appuyer dans notre projet avaient cette ception, par ailleurs assez répandue à l’époque, que la musique que allait être un phénomène ger », dit Mongeau.

En 2000, la musique électroniq­ue était déjà enracinée dans la nocvie turne montréalai­se ; le phénomène des raves s’essoufflai­t, récupéré par des producteur­s d’événements à gros budget et les promoteurs

hours, et le son lui-même était nu une occasion d’affaires l’inpour dustrie musicale. « Notre idée était de doter un nouveau champ de que artistique d’un événement un peu plus sérieux et profession­nel, dit le directeur général. Donner ses lettres de noblesse à une forme de pratique artistique peu considérée, la musique électroniq­ue, qui est aujourd’hui tout, comme la création numérique. Notre but était de raviver la flamme de la création électroniq­ue en nous concentran­t sur la artistidém­arche que plutôt que sur les côtés festif et commercial. Quelque part, si on porte un regard rétrospect­if sur nos vingt dernières années, on peut dire qu’on a été des précurseur­s. »

La tribu

Précurseur­s et fédérateur­s. La première édition de MUTEK a mis en scène le travail de compositeu­rs à la fine pointe de la création électroniq­ue et donné une tribune musiaux ciens locaux. « Pour ceux s’intéqui ressaient à la musique électroniq­ue de pointe en Amérique, il ne se pasrapsait pas grand-chose à l’époque, pelle Alain Mongeau. Nous, on avait positionné MUTEK comme un événement unique en Amérique du Nord. Le public arrivait de partout, et c’est encore le cas aujourd’hui — 50 % de nos festivalie­rs viennent de rieur. Ça a mis un projecteur sur Montréal, les gens pensaient qu’il s’y passait quelque chose. »

Deux ans à peine après l’édition inaugurale, Montréal est devenue centre américain de la house et de la techno minimalist­es et les, inspirées par les pratiques des musiciens allemands tels que Thomas Brinkman et Frank Bretschnei­der, tous deux à l’affiche de cette re édition. « Au début, MUTEK, c’était beaucoup ça, cette esthétique allemande, minimale et expériment­ale », estime Vincent Lemieux, DJ, compositeu­r au sein du duo Flabbergas­t (avec Guillaume Coutu-Dumont) et coprogramm­ateur du festival. « On en a souffert un peu — on n’a pas été exactement accueillis à bras ouverts [par une partie de la scène montréalai­se], se rappelle Lemieux. Beaucoup de gens doutaient de MUTEK parce qu’ils trouvaient qu’on était des “gratteux de mentons”, des gens trop intellos. On choisissai­t d’abord ter les artistes qu’on appréciait, qui nous influençai­ent à cette époque, les Pole, Monolake [qui offrira le concert d’ouverture à la pyramide PY1 le 20 août], les gens des étiquettes Perlon et Raster-Noton. Les années vantes ont démontré que ce n’était pas ça, notre intention de base. »

L’exil, la suite

Vers la fin des fastes années 2000 sur la scène montréalai­se, une partie de la tribu de musiciens d’ailleurs au pays, que MUTEK avait attirés Montréal quelques années plus tôt, émigré à Berlin, forçant le festival s’ouvrir à d’autres créateurs et à d’autres tendances musicales que ce son minimalist­e qui avait fait sa nommée. « Je me souviens qu’au 10e anniversai­re, on avait un peu moins le goût à la fête », admet Alain Mongeau.

Le plus important coup de barre que la direction du festival a alors réussi fut d’intégrer à son équipe de programmat­ion Patti Schmidt, animatrice et conceptric­e de sion phare des musiques de pointe à la CBC Brave New Waves, de 1995 à 2006. En plus d’avoir contribué à élargir l’horizon sonore du festival, elle a aussi travaillé au ment des nouveaux volets de nement, tels que MUTEK_IMG, senté comme « un forum sur les pratiques actuelles de la création numérique réunissant artistes pendants et créatifs oeuvrant dans l’industrie du numérique » et qui, aujourd’hui, représente la moitié des 250 profession­nels d u milieu vités durant le festival.

« Je suis particuliè­rement fière du programme MUTEK_IMG, qui touche aux questions d’éthique, de ce sociale et qui aborde aussi des questions de politique, commente Schmidt. Le festival n’est plus jourd’hui que des sensations, des mières qui brillent et des projection­s

cool. Nous avons mis quelques nées à réfléchir au programme TEK_IMG, et au festival lui-même, en soulevant des questions comme “à quoi sert un festival ?”, “est-ce seulement une machine à provoquer des sensations ou une manière de fléchir au rôle de la communauté des musiques électroniq­ues ?”. On peut voir cette scène de façon que : d’un côté, sa culture du VIP et de la jet-set, et de l’autre, une munauté incroyable­ment engagée au sein de laquelle la communauté LGBTQ2S est forte, où on se tionne sur la notion du « safe space ».

Il y a toujours eu cette étrange sion entre les deux aspects de la ne électroniq­ue à propos de laquelle on doit avoir une conversati­on. »

Avec Patti Schmidt dans son pe, MUTEK donne l’exemple en ce qui a trait à la représenta­tion des femmes dans sa programmat­ion — elles constituen­t 23 % de l’affiche, et 17 % additionne­ls en considéran­t les groupes qui comptent au moins une femme en leur sein, selon les nées récemment compilées par dio-Canada.ca. MUTEK est ment le seul festival au Québec à s’être associé au mouvement tional Keychange, qui vise la parité dans sa programmat­ion d’ici 2022.

Solidifié par les éditions nales de MUTEK (à Mexico, San Francisco, Tokyo, Barcelone, Buenos Aires et Dubaï), le vaste réseau de contacts qui a tant fait pour carles rières des représenta­nts de la re vague de créateurs québécois et canadiens sert aujourd’hui les artistes de la relève en musique électroniq­ue d’avant-garde, une relève de plus en plus féminine, comme la ce et DJ Gene Tellem qui, après le concert qu’elle donnera le 24 août, ira pour la première fois à la rencontre du public brésilien en septembre.

Quelque part, si on porte un regard rétrospect­if sur nos vingt dernières années, on peut dire qu’on a été des précurseur­s

ALAIN MONGEAU

 ?? ADIL BOUKIND LE DEVOIR ?? Le noyau dur de MUTEK : Alain Mongeau, Patti Schmidt et Vincent Lemieux
ADIL BOUKIND LE DEVOIR Le noyau dur de MUTEK : Alain Mongeau, Patti Schmidt et Vincent Lemieux

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