L’insouciance douce-amère du voyag e
Alex B. Martin offre un premier film d’une rare finesse
C’est sans équipe technique, sans buteur, sans argent et sans permis qu’Alex B. Martin et ses deux complices et comédiennes, Alexa-Jeanne Dubé et Emmanuelle Boileau, se sont envolés vers Cuba pour tourner un premier long métrage de fiction, bouclé en à peine plus d’une semaine.
De cet intense séjour découle une chronique d’une troublante intimité et d’une rare finesse contemplative sur souciance douce-amère du voyage et ses retentissements irréversibles sur l’amitié itié et sur la compréhension de l’autre.
Manu et Alexa-Jeanne, deux jeunes Québécoises, prennent du bon temps à La Havane, errent dans la beauté trie de ses rues, dansent au rythme de ses vagues, goûtent ses saveurs ennes et se font dorer sous ses chauds rayons. Au fil de leurs rencontres et de leurs discussions d’un réalisme à la fois anodin et existentiel, leurs tés distinctives s’affirment et les tours de leur amitié s’estompent pour mieux se définir.
Plus que les dialogues — amoindris par une improvisation manifeste —, c’est la caméra qui esquisse avec le plus de profondeur la complexité de la dynamique relationnelle qui s’installe entre les deux protagonistes.
Elle se loge au creux de leur intimité, sur leurs épaules ou sur leurs talons, pour raconter en images les sentiments contradictoires d’attachement, de tude, de conflit, d’admiration et patience, créant une tension qui grandit et éclôt en une finale triomphante de paradoxes et de vérité.
La caméra caresse le paysage et le peuple cubain avec une attention qui évolue à mesure que les deux jeunes femmes explorent le pays au-delà de l’exotisme, passant de la désinvolture paresseuse et festive à une certaine
forme de complicité et de curiosité envers la communauté.
Cette ouverture à l’autre, cet drement des préjugés et cette réflexion sur les rapports Nord-Sud transparaissent malheureusement trop peu dans les échanges entre les personnages. En flirtant de trop près avec le réalisme, en manipulant avec insistance les codes du réel, le scénario tombe bien souvent dans le piège de la superficialité.
Ce sont les scènes muettes et mersives de ce film présenté en première mondiale au Festival du nouveau cinéma en octobre 2018, dont une en particulier qui se déroule dans un dio de danse, qui exposent le refus d’appropriation et la sensibilité du néaste à la culture cubaine.
Ce désir d’authenticité et de gestivité est d’ailleurs perceptible dans le court documentaire expérimental
Toraja qui précède le long métrage en salle. Alexis B. Martin y introduit le spectateur aux rites funéraires de la communauté de Tana Toraja, dans les montagnes de Sulawesi en Indonésie, dans une série de tableaux contemplatifs et évocateurs accompagnés des chants d’une chorale chrétienne. Une voix distincte à découvrir. Cuba Merci Gracias
Drame d’Alex B. Martin. AlexaAvec Jeanne Dubé et Emmanuelle Boileau. Canada, 2019, 65 minutes.