L'Inde des Beatles
Qu’il ait connu ou non l’époque « Peace and love », le voyageur sera envoûté par le sous-continent
Depuis le passage marquant des Fab Four et compagnie dans la première ville que traverse le Gange sur son cours, Rishikesh est devenue la capitale mondiale de la méditation transcendantale et du yoga. Dès qu’on s’approche du premier pont suspendu par le sentier pédestre qui longe le fleuve sacré, on sent la frénésie urbaine nous gagner. Se multiplient alors les temples en restauration, les ashrams recyclés en campus de méditation, les bâtiments déglingués qu i s’affichent en académie de yoga.
Dans les rues ponctuées de boutiques étroites circule une marée humaine oppressante. Les jeeps foncent sans sollicitude. Les tuk-tuks fument et pétaradent. Les rickshaws font leur chemin. Les motos se faufilent en klaxonnant avec leurs deux ou trois passagers. Les vaches roupillent en remâchant leur mantra et bouleurs ses attendent qu’on y dépose le pied. Les mendiants hirsutes (sâdhus) veloppent d’un air de sainteté. On se croirait parfois dans une prolongation de l’époque « Peace and love » en croisant des hippies, jeunes et vieux, sur leurs nuages.
L’engouement pour l’Inde
Lorsqu’on est assez âgé pour avoir vécu la Beatlemania (ce qui est mon cas) et que l’on se souvient du séjour prétendument mystique des quatre garçons en Inde, on comprend l’importance qu’a quand même eue ce périple dans leur musique, particulièrement dans la création du fabuleux « Album blanc ». Selon John Lennon, Paul McCartney et lui ont écrit une trentaine de chansons durant leur séjour de sept semaines. Plus une douzaine en solo pour Paul et six pour George Harrison, donc 48 au total. Il s’est agi de leur période créative la plus prolifique.
Cette expérience a mis l’Inde au goût du jour et toute la jeunesse rêvait de s’y rendre en chantant Hare
Krishna comme George. Le monde s’est mis à porter des chemises aux couleurs exubérantes, à méditer les doigts joints et à sniffer de l’encens en écoutant Ravi Shankar. Une vraie révolution !
Selon John Lennon, Paul McCartne y et lui ont écrit une trentaine de chansons durant leur séjour de sept semaines
Le Maharishi’s International my of Meditation, aussi appelé Chaurasi Kutia Ashram, a formé des milliers de professeurs de méditation et de disciples avant sa fermeture en 1997. L’endroit, s’étendant sur 57 000 m, était une véritable petite ville autosuffisante avec des dizaines de bungalows, plusieurs complexes ments, de grands bâtiments de service et 84 abris de pierre en forme de cône, en plus d’abris souterrains où les fidèles se réfugiaient pour se recueillir.
Entouré de fortifications, l’ashram abandonné b d a intégré le territoire de la réserve de tigres du parc national Rajaji, livré à la végétation envahissante de la forêt pluviale et aux pilleurs qui y ont fait des ravages. Il n’a dant jamais cessé d’accueillir des visiteurs internationaux, les gardiens fermant les yeux pour quelques roupies.
En avril 2012, un jeune graffiteur canadien, Pan Trinity Das, réalise 10 oeuvres picturales sur les murs de l’ashram, suscitant un nouvel intérêt de la part des médias et du public. Si bien que, devant la pression touristique, l’État de l’Uttarakhand finit par percevoir le potentiel de l’endroit en 2015, puis entreprend de sérieux travaux de déforestation et de nettoyage, lesquels ont mené à l’ouverture officielle du site en janvier 2017.
Il est surprenant aujourd’hui d’y croiser nombre de jeunes visiteurs se plongeant dans la nostalgie d’une que incomparable ayant modelé la culture de leurs parents et de leurs grands-parents. Le Val-Jalbert de la méditation transcendantale ne te qu’une succession de quasi-ruines sous l’ombre de grands arbres. Les murales de Pan Trinity Das demeurent le coeur de la visite.
Ce qui m’a le plus étonné, ce sont les alignements d’abris de pierres rondes le long du chemin d’entrée. D’autres, regroupés, devaient profiter de la vue sur le Gange alors que certains, assurément plus tranquilles, sont accolés dans des tunnels. Malgré la sobriété des lieux, il règne ici une merveilleuse magie qui s’abreuve sans doute à nos souvenirs de jeunesse, mais qui s’avère visiblement contagieuse pour des générations qui ne possèdent pas ces références.
Rishikesh
Rishikesh, c’est aussi l’Inde avec ses foules compactes, son vacarme incessant et ses odeurs saisissantes qui laissent parfois croire que le nirvana a un petit côté infernal. Dans ce contexte, des masses d’Indiens convergent ici en pèlerinage et des milliers d’Occidentaux viennent s’initier au yoga et à la méditation, ou perfectionner leur pratique de ces disciplines.
L’événement incontournable demeure la cérémonie religieuse (Ganga
Aarti) qui se déroule ment au coucher du soleil, sous l’arche triomphale du principal ashram de la ville, Parmath Niketan. Sur les marches de l’escalier monumental qui fait face au Gange, musiciens et chanteuses interprètent des chants religieux (bhajans) honorant la déesse Maa Ganga, repris par les jeunes qui y étudient les textes védiques. Simultanément, des prêtres exécutent un rituel de purification (ha
wan) en jetant au feu des poignées d’encens. En conclusion, après l’allumage de lampes et un court sermon, le public est invité à déposer sur le Gange des petits contenants de fleurs devant une gigantesque statue de Shiva.
Atali Ganga : expérience plein air
Tant qu’à être rendu en Uttarakhand, autant en profiter pour vivre une expérience plein air totalement inédite à la source du Gange. Là où la pollution n’affecte pas encore le cours d’eau sacré. Tout de suite après avoir traversé la ville voisine, Rishikesh, le niveau de qualité de l’eau passe apparemment de A+ à D -!
La grande spécialité d’Aquaterra Adventures et de sa magnifique hôÀ tellerie, Atali Ganga, est le rafting. quoi s’ajoutent le trekking et un peu de vélo tout-terrain. Les trois activités sont au programme de l’ auberge, en plus de sessions de yoga et d’une visite de Rishikesh. Les conditions de rafting sur la source du Gange sont classées « faciles », avec des rapides qui dépassent à peine le niveau 2.
Le séjour à Atali compte aussi une inoubliable randonnée pédestre sur une corniche élevée du Gange, au fil d’un sentier millénaire utilisé par les pèlerins. On complète ce « triathlon » par une très excitante descente en VTT sur une petite route vertigineuse et spectaculaire surplombant les eaux émeraude, avant de défaire notre chemin en rafting ou en kayak gonflable. C’est durant cette navigation que certains ont pu admirer un grand léopard mâle qui se déplaçait sur la rive.
Chaque midi, l’équipe logistique qui nous suit sert un repas de spécialités indiennes sur la plage. Délicieux et, éventuellement, déstabilisant. J’ai vécu un des moments les plus loufoques de ma vie alors que, durant que nous savourions paisiblement notre notre dîner sur nos chaises de camping, nous assistions à une cérémonie de crémation sur l’autre rive, les résidents du village voisin brûlant sur le bûcher le corps de leur prêtre décédé.
Les installations d’Atali Ganga sont situées sur un escarpement qui domine un segment grandiose du Gange. Il offre l’hébergement dans de petits cottages climatisés confortables et dispose d’une grande piscine. La cuisine propose une gastronomie ne variée et des amuse-gueule maison à l’apéro autour du feu de camp.
Depuis le passage marquant des Fab Four dans la première ville que traverse le Gange sur son cours, Rishikesh est devenue la capitale mondiale de la méditation transcendantale et du yoga