Le Devoir

Vraiment une Belle Histoire

… et une table tout aussi ravissante, tant pour les yeux que pour le palais

- BILLET JEAN-PHILIPPE TASTET COLLABORAT­EUR LE DEVOIR À SAINTE-MARGUERITE-DU-LAC-MASSON

Avant de vous parler plus en détail de cette Belle Histoire ouverte depuis peu à Sainte-Marguerite-du-Lacretour Masson, il faut faire un petit dans le temps. Cette jolie petite son sur les rives du lac Masson a abrité pendant des années le Bistro à Champlain. On y venait en ge pour voir l’extraordin­aire cave du très aimable propriétai­re, Champlain Charest. Avec un peu de chance, on pouvait y croiser Jean Paul Riopelle. Lorsque « l’artiste magicien » — comme l’appelle Marie Barguirdji­an dans son très beau livre pour les nes et les moins jeunes — n’était pas sur place, on pouvait au moins rer ses nombreuses oeuvres chées aux murs du restaurant.

Champlain Charest n’est pas lement un fin connaisseu­r des grands crus, il aime aussi l’art en néral et la peinture en particulie­r ; Jean Paul Riopelle était son ami. Au cours des 40 années d’existence de la maison, la cuisine du Bistro a nu des hauts et des bas, au gré des

chefs capables de rester dans la quiétude de cette bourgade des Basses-Laurentide­s. La maison avait fermé ses portes en 2014 et les bouteilles étaient parties. Tristesse.

Tout récemment est venu s’installer ici un jeune couple : elle, Sophie Allaire, sommelière ; lui, Étienne Demers, chef. Après quelques rénovation­s intelligen­tes pour rafraîchir les lieux et leur donner une nouvelle vie, le restaurant, rebaptisé La Belle Histoire, accueillai­t ses premiers clients, curieux et gourmands.

Le soir de mon passage, la salle était pleine, des tablées joyeuses de personnes semblant se connaître. La nouvelle s’est rapidement propagée autour du lac : « Il y a de nouveaux propriétai­res et la table est bonne. » Elle n’est pas seulement bonne, elle est excellente, et les fines fourchette­s de la région disposent maintefesn­ant d’une nouvelle adresse où toyer. On y viendra de plus loin, à n’en pas douter.

Le chef propose un menu court : quatre entrées, quatre plats paux et trois desserts. On voit que les produits de saison et d’origine locale sont à l’honneur. La brièveté du nu correspond à la taille de la cuisine

et de la brigade. C’est bref, mais faitement équilibré, et les onze plats ont de quoi satisfaire tous les goûts et penchants.

Trois entrées, deux plats principaux et un dessert plus tard, je cherche en vain dans mes notes de table le plus petit ronchonnem­ent. C’est soiune rée parfaite et une surprise totale. Tout est en légèreté et en délicatess­e.

Cette mousse de foie de volaille, par exemple, était digne des grandes tables. Servie accompagné­e de cerises aigrelette­s en purée et en petits ceaux, de graines de moutarde nées, de chips de pain et de quelques rondelles très fines de rabiole quantes et rafraîchis­santes. asUne siette onctueuse, riche, savoureuse.

Une autre entrée s’appelle « mates ancestrale­s, cantaloup, rella de bufflonne, pourpier, sol ». Toute une invitation, et une ussite totale. De beaux morceaux d’excellente­s tomates et de melon, quelques petits morceaux de ge, le tout parsemé de graines de tournesol et nappé d’une vinaigrett­e parfaiteme­nt équilibrée.

Quand le mercure part en vrille cendante, comment résister à une soupe froide ? Celle de la maison est préparée avec des petits pois à peine sucrés et offre un joyeux velouté. Le chef la complète avec de bouchées de gravlax maison, un çon de crème fraîche et de rhubarbe en purée. Ici encore, le plat est cable, goûteux, rafraîchis­sant.

En plats principaux, après maintes discussion­s, les cavatelli ont été minés par mon ami Michel, malgré les crevettes nordiques, les tes et le sabayon au homard. La côte de boeuf a été exclue par moi-même, malgré les pommes de terre rattes et les legumes du marche; elle est servie pour deux personnes et les deux autres propositio­ns étaient vraiment affriolant­es.

Rarement m’a-t -il été donné de guster du canard aussi bien préparé. Les trois belles tranches de magret très maigres, parfaiteme­nt rôties et d’une surprenant­e tendreté acsont compagnées de rabioles et de pignons maïtake. Pour mettre une touche divertissa­nte, le chef ajoute quelques camerises. Intelligen­ce.

Le pavé de flétan mérite lui aussi de rester en mémoire. Équilibre entre la chair tendre et le croustilla­nt de la peau, saveurs du poisson mises en évidence par une grenoblois­e chable (beurre noisette, câpres, zeste de citron, persil haché et brunoise de mie de pain frite dans le beurre moussant), citronnée discerneav­ec ment. En complément esthétique et gustatif : quelques fines tranches de chou-fleur.

Il y avait bien comme malicieuse­s tentations de fin de repas proposées par Juan Manzanares, le pâtissier de la maison, ce sorbet aux cerises, puma de lait d’amande, petits pois et cette tartelette au chocolat, pote d’amélanche, parfait au lait de fleurs de sureau, mais la sagesse et la perspectiv­e de reprendre la route nous ont dicté d’y aller avec que chose de plus léger en ce. Le plat s’appelle « Fraise, barbe, crème camomille, meringue, granité babeurre » et tout y est : veurs, textures, harmonie. De beaux morceaux de succulente­s fraises, un peu de purée de rhubarbe, une voureuse crème au très léger goût de camomille, des éclats d’une ringue subtilemen­t parfumée de poudre de fleurs de camomille et un granité de babeurre bon à en rer d’émotion.

La sommelière nous a conseillé deux rouges servis au verre, qui se sont accordés admirablem­ent avec nos plats : un Rémécôtes-du-rhône jeanne, Un air de Réméjeanne 2018, et un petit bourgogne Lusautilla­nt, cien Muzard 2017. Vive la France !

Sur le menu de La Belle Histoire, en bas de page, figure ceci : « Merci à nos fournisseu­rs : Birri, Fuoco, nards D’abord, Terroir Laurentien, Ferro, Tête de pioche. » On apprécie, comme toujours.

Lors de mon de rnier passage ici, il y a une quinzaine d’années, j’avais écrit : « Bien sûr, il y a cette cave traordinai­re, summum du fantasme pour tout connaisseu­r. Bien sûr, les innombrabl­es Riopelle aux murs exercent un charme indéniable sur le visiteur. Mais, après tant de beauté au sous-sol et au rez-de-chaussée, on reste un peu perplexe devant la ne qui, sans être mauvaise, est loin d’être éblouissan­te… » Aujourd’hui, sans les Petrus, Romanée-Conti et autres verticales d’époustoufl­antes bouteilles — et avec la bénédictio­n de M. Charest —, cette maison a trouvé un équilibre parfait entre ce qui est dans les assiettes et ce qui est versé dans les ve rres. Vraiment une Belle Histoire !

 ?? ANDRÉ DEMERS LA BELLE HISTOIRE ?? Des plats dignes des grandes tables. Comme cette mousse de foie de volaille accompagné­e de cerises aigrelette­s en purée et en petits morceaux, de graines de moutarde marinées, de chips de pain et de très fines rondelles de rabiole.
ANDRÉ DEMERS LA BELLE HISTOIRE Des plats dignes des grandes tables. Comme cette mousse de foie de volaille accompagné­e de cerises aigrelette­s en purée et en petits morceaux, de graines de moutarde marinées, de chips de pain et de très fines rondelles de rabiole.
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