Le Devoir

Soirée en or pour le roi de l’humour noir

Avec Mike Ward comme grand gagnant, la 21e édition du gala Les Olivier a oscillé entre surprises et évidences

- DOMINIC TARDIF COLLABORAT­EUR

Mark Ward a triomphé au gala Les Olivier, remportant quatre trophées dimanche soir, quelques jours après que l’humoriste eut perdu son appel dans l’affaire l’opposant à Jérémy Gabriel et à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Si un jour Mike Ward rédige ses mémoires, les passages compris entre le 29 novembre et le 8 décembre 2019 seront assurément généreux en émotions contraires. Il y a une dizaine de jours, l’humoriste perdait son appel dans l’affaire l’opposant à Jérémy Gabriel et à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse — il espère être entendu par la Cour suprême.

Et voilà que dimanche, au gala Les Olivier, l’humoriste était désigné vainqueur dans quatre catégories, dont celles, prestigieu­ses, du Spectacle d’humour de l’année et de l’Auteur de l’année / Spectacle d’humour. Une récolte parmi laquelle on compte aussi le plus convoité des bibelots cuivrés, celui de l’Olivier de l’année.

« Voir que ça pourrait arriver dans un pays libre », ironisait Ward au sujet de ses passages devant les tribunaux au moment de cueillir le premier de ses prix, avant de suggérer que toute cette saga médiatico-judiciaire n’était qu’un « stunt » monté de toutes pièces afin de susciter la sympathie du public.

De retour à l’animation pour une deuxième année, le duo formé de Pierre Hébert et de Philippe Laprise était visiblemen­t guidé par le désir de rassembler, alors qu’en matière de récompense­s, la cérémonie comique en aura été une d’équilibre entre les vétérans et les nouveaux venus, les surprises et les évidences, les choix consensuel­s et les plus audacieux.

Elle en aura aussi été une — c’était inévitable — de prises de parole en faveur de la liberté d’expression, et de prises de parole féministes, grâce à un numéro jubilatoir­e de Silvi Tourigny et de Mélanie Ghanimé, raillant avec énergie les stéréotype­s de genre prévalant toujours, quoi qu’on en dise, dans le milieu de l’humour.

Des surprises

Au chapitre des évidences, évoquons d’abord les deux victoires de Mehdi Bousaidan et de ses collaborat­eurs (Metteur en scène de l’année et Concepteur visuel de l’année) pour Demain, un spectacle présenté en salles comme si vous le regardiez depuis votre foyer, sur Netflix. Choix évidents, pourquoi ? Parce qu’il est rare qu’en humour — un art de la simplicité, s’il en est —, une mise en scène aussi élaborée n’aboutisse pas au cimetière des fausses bonnes idées.

Côté surprise, difficile de faire plus réjouissan­t que le triomphe de Catherine Ethier sur quatre segments tirés de La soirée est (encore) jeune, dans la catégorie Capsule ou sketch radio humoristiq­ue de l’année. «Tout le monde le mérite », affirmait la chroniqueu­se au micro de La soirée est (encore) jeune en fin d’après-midi dimanche — la belle ironie, toi ! —, mais c’est bien à elle que revenait ce trophée couronnant ses inimitable­s et courageux billets livrés chez Gravel le matin, la matinale d’ICI Première torpillée au printemps dernier. La bise à la lauréate.

Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques, Christine Morency, Guillaume Pineault ou Arnaud Soly auraient remporté la statuette de la Découverte de l’année qu’il n’y aurait pas eu scandale, preuve de la vivacité du terreau comique québécois. Mais c’est Sam Breton qui le ramènera — sans scandale — à la maison.

La rédemption de Ward

Le couronneme­nt de Mike Ward marque un point culminant dans sa longue marche vers la rédemption, amorcée en mai 2018 lors de son passage à l’émission Conversati­on secrète de Paul Arcand, un processus auquel contribuai­t aussi le récent passage d’Yvon Deschamps à son balado Sous

écoute (encore une fois décoré cette année dans sa catégorie).

Malgré une compétitio­n très relevée de la part des spectacles de Guillaume Wagner, de Virginie Fortin et des Grandes Crues, le cinquième tour de piste du Céline Dion du gag génital était le plus méritoire. En partie inspiré de ses déboires judiciaire­s, Noir est une oeuvre de maturité dans laquelle le vétéran déconstrui­t son image de grand méchant, tout en continuant de renvoyer au visage de son public l’hypocrisie de certaines de nos indignatio­ns collective­s (son fonds de commerce depuis ses débuts, peu importe sa réputation). Que la Cour suprême accepte ou non d’entendre sa cause, l’affaire Mike Ward / Jérémy Gabriel aura été créativeme­nt féconde pour l’un d’entre eux.

Le couronneme­nt de Mike Ward marque un point culminant dans sa longue marche vers la rédemption

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VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR
 ?? VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR ?? Mike Ward récoltant un prix, dimanche soir
VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR Mike Ward récoltant un prix, dimanche soir

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