Le Devoir

Racialisés et moins bien payés

L’effet perdure sur plusieurs génération­s

- ÉRIC DESROSIERS

Les enfants et petits-enfants des immigrants noirs ou latino-américains continuent, au Canada, d’avoir des salaires de 25% à 35% inférieurs à ceux des immigrants moins reconnaiss­ables sur la rue.

Les revenus d’emploi des immigrants issus de groupes racialisés sont, en moyenne, inférieurs de 26 % à ceux des autres immigrants au Canada, rapporte une étude du Centre canadien de politiques alternativ­es (CCPA) qui doit être dévoilé ce lundi. Cet écart varie cependant selon les groupes, les immigrants issus des communauté­s noire, arabe ou coréenne gagnant aussi peu que 68 % du salaire des immigrants qui ne s’identifien­t à aucun groupe racialisé, alors que les Chinois font un peu mieux à 81 %.

Basée sur les données du dernier recensemen­t de la population canadienne, en 2016, l’étude du CCPA compare les travailleu­rs en fonction des groupes auxquels ils s’identifien­t eux-mêmes. Le concept de « communauté­s racialisée­s » pourrait ressembler à celui de « minorités visibles », mais pas parfaiteme­nt, a expliqué l’un des coauteurs de l’étude, Ricardo Tranjan, lors d’un entretien téléphoniq­ue au Devoir. «À une certaine époque, les Polonais étaient un groupe racialisé au Canada, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui », dit-il en exemple.

Les écarts ne se limitent pas aux revenus. Les taux de chômage des immigrants noirs (12,5 %), arabes (13,5 %) ou issus d’Asie occidental­e (Iran, Égypte, Turquie, Arabie saoudite…) sont aussi plus élevés que celui des immigrants non racialisés (7,3 %), alors que c’est le contraire pour les Japonais (6,4 %) ou les Philippins ( 5,2 %). La situation est souvent pire pour les femmes, celles appartenan­t à des groupes racialisés gagnant en moyenne 59 ¢ pour chaque dollar versé en salaire à un homme non racialisé.

Troisième génération

N’est-il pas assez prévisible qu’un immigrant ait un revenu inférieur à son arrivée dans un pays étranger ? Si, mais «l’immigratio­n n’est pas le seul problème », précise l’étude.

Lorsqu’on regarde le revenu d’emploi moyen de la deuxième, et même de la troisième génération de ces catégories d’immigrants, certains de ces égards n’ont pas bougé, ou si peu. C’est le cas notamment des immigrants latinoamér­icains, qui gagnent en moyenne 71 ¢ pour chaque dollar gagné par un immigrant non racialisé, et dont les petitsenfa­nts devront se contenter d’encore moins, à 64 ¢. Alors qu’en moyenne, les immigrants issus de groupes racialisés passent de 74 ¢, à la première génération, à 93 ¢, à la troisième génération, les immigrants noirs et d’Asie occidental­e doivent se contenter de passer d’environ 68 ¢ à 75 ¢, les Philippins de 70 ¢ à 77 ¢ et les ressortiss­ants du Sud-Est asiatique (comme le Vietnam) de 71 ¢ à 80 ¢.

D’autres s’en tirent mieux, les Arabes passant de 69 ¢ à 1 $, les Chinois de 81 ¢ à 1,03 $, les Japonais de 72 ¢ à 1,24 $ et les Coréens de 68 ¢ à 1,53 $.

L’étude du CCPA ne se risque pas à expliquer tous ces écarts et trajectoir­es. « Les données ne nous permettent pas de nous avancer sur ce terrain », explique Ricardo Tranjan. La taille des échantillo­ns n’a pas permis, non plus, de comparer les provinces canadienne­s entre elles.

L’étude conclut néanmoins que, « prises ensemble, les données pointent vers une tendance sans équivoque d’une inégalité économique racialisée au Canada. En l’absence de politiques audacieuse­s pour combattre le racisme, cette inégalité économique ne se résorbera pas. »

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