Le Devoir

La clef de voûte

- MARIE-ANDRÉE CHOUINARD

Les mesures annoncées la semaine dernière par la ministre de la Culture, Nathalie Roy, pour soutenir la sauvegarde du patrimoine bâti au Québec sont peut-être, comme elle le dit, la «première pierre» d’un grand chantier à venir, mais à l’évidence, ces annonces bonbons tournent toujours autour du pot: tant et aussi longtemps que la bonne volonté des municipali­tés dictera la protection des bâtiments patrimonia­ux, il manquera la clef de voûte de toute stratégie digne de ce nom. Une prochaine révision de la Loi sur le patrimoine culturel doit s’attaquer à ce vice de constructi­on.

La ministre Roy avait choisi le parterre de la Fédération québécoise des municipali­tés la semaine dernière pour annoncer la bonificati­on des incitatifs à la restaurati­on du patrimoine bâti — 30 millions d’enveloppe additionne­lle. Ça n’est pas anodin : ce sont les villes qui détiennent le pouvoir de « citer » un bâtiment, ce qui lui confère une protection quasi semblable à celle du « classement ». Mais encore faut-il pour user de ce pouvoir que les élus municipaux soient sensibilis­és à la valeur patrimonia­le des édifices érigés sur leurs terres. Disons-le franchemen­t : des millions supplément­aires et une pluie de mesurettes ne viendront pas combler le déficit de culture qui préside à ce vaste fiasco nommé protection du patrimoine au Québec.

Au chapitre des pas dans la bonne direction, soulignons le fait que Nathalie Roy encourage le recours par les municipali­tés et les MRC à des agents de développem­ent en patrimoine, dont le salaire sera financé à 50 % par le gouverneme­nt, pour effectuer un inventaire du patrimoine bâti de leur territoire — pour éviter qu’on découvre des joyaux au moment où leurs murs s’effondrent sous les yeux des caméras ! Toutefois, dans le cercle vicieux qui emprisonne l’évolution de ce dossier culturel au Québec, l’embauche de ces acteurs-clés experts est laissée… à la discrétion des villes, dont les principale­s récriminat­ions tiennent aux coûts imposants que sous-entendent la restaurati­on et l’entretien des bâtiments précieux. Courtisées par des promoteurs immobilier­s aux larges visées, les municipali­tés répondent mieux par les temps qui courent aux arguments de type fiscal qu’au chant de la valeur patrimonia­le. Et valse la boule de démolition !

On espère un remaniemen­t de la Loi promis par la ministre qui rééquilibr­era le trop-plein de pouvoirs dévolus à des municipali­tés qui n’ont pas l’expertise pour bien en user. Sans cela, nous resterons soumis à un régime de sauvegarde de l’urgence, qui ne sert personne et qui n’atteint pas le plus petit objectif de sensibilis­ation collective à la richesse du patrimoine bâti.

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