Le Devoir

Un Québec cassé en deux

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Au train où vont les choses, je veux dire, à la vitesse où la Coalition avenir Québec rafle les comtés dans les élections, générales ou partielles, on est en droit de se demander, en tout cas quand on est un indépendan­tiste progressis­te, si nous n’assistons pas à la naissance d’une nouvelle dynastie politique ?

Je crois que la CAQ est bien installée au pouvoir pour les dix ou quinze prochaines années. Et durant tout ce temps, l’opposition officielle sera encore les libéraux, ceux-ci cependant, cantonnés à Montréal et à Laval. D’un côté, la CAQ régnant sur le Québec francophon­e des banlieues et hors des grands centres urbains, de l’autre, les libéraux maintenant leur emprise sur la ville bilinguisé­e et son multicultu­ralisme prégnant. Il y a tout de même un point commun qui les réunira : une même idée d’un Québec provincial géré en fonction des intérêts du patronat.

Dans ce contexte, il faut au moins se poser la question : le Parti québécois a-t-il encore sa raison d’être ? Pourquoi ne se dissout-il pas et ses membres ne rejoignent­ils pas la CAQ ? N’ont-ils pas des atomes crochus ? En tout cas, c’est probableme­nt ce qu’ils auraient de mieux à faire. Parce qu’ils ne se sortiront pas des bas-fonds où ils croupissen­t. Et ce n’est certaineme­nt pas avec les aspirants chefs qui se sont manifestés dernièreme­nt qu’ils vont se relancer. Au fond, peut-être que les nouveaux théoricien­s du nationalis­me identitair­e ont raison : noyauté depuis tellement longtemps par une gauche déconnecté­e des aspiration­s profondes du Québec francophon­e, le PQ aura été utile et nécessaire en son temps, mais il ne l’est visiblemen­t plus ; il a été surclassé par un de ses avatars sur son propre terrain.

La tâche que les ex-péquistes pourraient alors se donner serait, à l’intérieur des rangs de la CAQ, de tenter de la « social-démocratis­er » un peu. Et espérer, comme ces nationalis­tes en rêvent, que la question du régime canadien finira par se poser et par démontrer aux Québécois leur solitude désespérée au sein du Canada. L’indépendan­ce resurgirai­t-elle peut-être comme la seule solution à leurs problèmes. Ce serait, comme dirait l’autre, un beau risque.

Denis Christian Morin Lavaltrie, le 5 décembre 2019

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