Encore des JO sans la Russie ?
Les membres du comité des athlètes de l’Agence mondiale antidopage (AMA), parmi lesquels figure l’ex-fondeuse canadienne Beckie Scott, ont demandé que la Russie soit totalement exclue des Jeux olympiques, a révélé la chaîne BBC dimanche. L’AMA se réunit à Lausanne, en Suisse, ce lundi, afin de discuter d’éventuelles sanctions contre le pays européen.
La Russie a été déclarée inadmissible à la suite des révélations explosives portant sur la manipulation des bases de données provenant du laboratoire antidopage de Moscou, avant qu’elles ne soient acheminées aux enquêteurs de l’AMA. Un comité avait d’ailleurs recommandé une série de sanctions, dont l’interdiction pour la Russie d’organiser des compétitions sportives internationales ou d’y participer.
Le Comité international olympique avait déjà laissé planer la possibilité de permettre aux athlètes russes de participer aux compétitions sous une bannière neutre, comme ce fut le cas aux JO d’hiver de Pyeongchang en 2018. Mais la plupart des membres du comité des athlètes de l’AMA ont indiqué qu’« ils croient que la seule mesure appropriée est une suspension totale de la Russie », ce qui signifie que ses athlètes devraient être écartés des JO de Tokyo l’été prochain et — possiblement — de ceux d’hiver de Pékin, en 2022. Par voie de communiqué, 9 des 17 membres du comité, dont Scott, ont déclaré que cette décision « était la seule sanction appropriée ».
Un géant incontournable
Menacée d’exclusion pour quatre ans des Jeux olympiques et paralympiques, la Russie reste un géant du sport mondial, qui sait jouer de son poids économique et institutionnel pour garder de l’influence. « Nous avons toujours été et nous serons partenaires des organisations sportives internationales dans le développement du sport et dans l’organisation des compétitions. Je pense que toutes les organisations internationales ont intérêt à ce que leur niveau de coopération avec la Russie reste le même. »
La menace à peine déguisée envers les fédérations internationales vient du ministre des Sports, l’ancien épéiste Pavel Kolobkov, qui a succédé en octobre 2016 au sulfureux Vitali Moutko à ce poste clé du sport russe. Elle résume en deux phrases l’influence de la Russie, acteur économique phare, solidement installée dans les instances sportives internationales et hôte d’événements pour lesquels les candidats ne sont pas légion.
Avec ses multinationales de l’énergie (Gazprom) ou du secteur bancaire (VTB), l’économie russe a investi le champ de la commandite des fédérations internationales sportives. Gazprom est ainsi commanditaire officiel de la Ligue des champions, la compétition reine en soccer pour les clubs, au même titre que l’américain Mastercard ou le japonais Nissan.
Le deuxième aspect de la superpuissance sportive russe, c’est sa présence dans les instances dirigeantes. Un tiers des fédérations internationales de sports olympiques d’été comptent dans leurs comités exécutifs un représentant russe, et six d’entre elles ont un président ou vice-président russe. La présence russe remonte même jusqu’au sommet de l’État. Vladimir Poutine, 8e dan de judo, est président honoraire de la Fédération internationale.
Un autre aspect de la prépondérance russe est son statut d’hôte de multiples compétitions sportives, que la Russie étend surtout aux disciplines moins lucratives. « La Russie est influente, parce qu’elle accueille et veut accueillir de nombreuses compétitions, notamment pour les fédérations internationales qui n’ont pas beaucoup d’argent. Beaucoup de ces compétitions sont chères à organiser, elles n’attirent pas une grande audience », souligne pour l’AFP l’avocat canadien et membre historique du CIO Richard Pound.
Les sanctions décidées par l’AMA accompagneraient une déclaration de non-conformité au code mondial antidopage de l’agence antidopage russe Rusada. Cette structure aurait donc la possibilité de faire appel dans les 21 jours devant le Tribunal arbitral du sport (TAS). Mais comme l’a clarifié l’AMA dans un communiqué jeudi, si Rusada ne fait pas appel, d’autres parties pourraient le faire, comme le comité olympique russe (ROC), ou les fédérations internationales. Cet appel suspendrait les sanctions prises par l’AMA, sauf si l’agence demande au TAS de prononcer des mesures provisoires.