Les citoyens à travers la planète face à la nouvelle normalité
Le déconfinement s’est amorcé de manière prudente dans plusieurs pays d’Europe, mais reste encore incertain à New York et au Royaume-Uni
La conversation a été courte, parce que la journée de travail n’était pas « terminée » et qu’il fallait encore « nettoyer le salon de coiffure ». « Les clientes étaient bien contentes de me revoir, a résumé au téléphone Keila Clemenz, coiffeuse au centre-ville de Genève en Suisse. C’était une journée presque normale, car il faut maintenant porter un masque et désinfecter tout le temps le matériel. Mais on va s’habituer. Il faut bien recommencer à travailler. »
Lundi, comme d’autres pays d’Europe, la Suisse a fait un premier pas timide vers son «nouveau normal» en temps de pandémie avec la réouverture de plusieurs petits commerces, dont les salons de coiffure, mis sur « pause » dans les six dernières semaines. Les quincailleries, les salons de tatouage, les cabinets de dentistes, les cliniques, les garderies et les fleuristes ont également rouvert leurs portes lundi matin, en mettant en place désormais des mesures de protection strictes. Le gouvernement ne recommande pas le port du masque, mais les entreprises peuvent le faire et le rendre obligatoire. Des stations de désinfection des mains sont désormais généralisées à l’entrée des commerces. Une distance de deux mètres
doit être respectée entre les individus.
La Suisse, où le niveau de décès de la COVID-19 est équivalent à celui du Québec avec 19 morts pour 100 000 habitants, a opté pour un déconfinement en trois phases. Le 11 mai, les écoles primaires, les autres commerces et les marchés publics vont se remettre au travail. Le 8 juin, ce sera au tour des établissements d’enseignement secondaire et professionnel, des universités, des musées, des bibliothèques et des zoos.
Les petits Norvégiens à l’école
Une semaine après les « barnehager », les maternelles / garderies en Norvège, ce sont les écoles primaires qui ont également repris du service lundi matin dans ce pays scandinave où le déconfinement a poursuivi sa marche lundi. Avec des classes désormais de 15 élèves maximum.
La courbe des hospitalisations liées à la COVID-19 a fléchi dans les dernières semaines dans un pays où le coronavirus a fait à ce jour 3,5 morts pour 100 000 habitants. La semaine prochaine, le gouvernement doit également présenter son plan pour la réouverture de toutes les écoles. « Il reste à peine 40 jours d’école avant les vacances d’été », a indiqué la ministre de l’Éducation, Guri Melby. « Notre objectif, c’est que tout le monde soit de retour [à l’école] avant ça. »
L’étapisme tchèque
À Prague, en République tchèque, ce lundi a été marqué par l’exécution de la suite du plan de déconfinement en cinq étapes du gouvernement avec la réouverture des salles de sport et des commerces de moins de 2500 mètres carrés situés à l’extérieur des centres commerciaux. La semaine dernière, les artisans, les concessionnaires automobiles et les marchés publics ont commencé à redonner un semblant de vie normale à ce pays de l’Europe de l’Est.
Dans les premiers pays d’Europe à avoir déclaré l’état d’urgence, le 11 mars dernier, la république est également dans les premiers à avoir desserré les règles strictes de confinement au début du mois en autorisant ses citoyens à sortir de chez eux pour la pratique de sport, seuls ou en duo. Les terrains de golf et de tennis sont désormais ouverts. Les rassemblements dans les lieux de culte sont autorisés depuis lundi, pour des groupes de moins de 15 personnes.
Le 11 mai, le pays permettra également la réouverture des écoles, mais aussi des salons de coiffure et des terrasses de bars et de restaurants — l’accès à l’intérieur de ces établissements est prévu pour le 25 mai. Le gouvernement a toutefois indiqué que ce plan pouvait être révisé en fonction de l’évolution de la maladie que la République tchèque arrive très bien à contrôler pour le moment. Au dernier décompte, la COVID-19 y avait fait 2,2 décès pour 100 000 habitants.
La France sous pression
Après sept semaines de confinement, la pression se fait de plus en plus forte sur le gouvernement français pour sortir progressivement de ce régime de contraintes. Dimanche, un sondage YouGov indiquait que 43 % de la population appuyait ces mesures de protection contre la pandémie, en baisse de 8 points par rapport à la semaine dernière. C’est dans ce contexte que, mardi après-midi, le premier ministre, Édouard Philippe, doit dévoiler son plan de déconfinement progressif qui va chercher à relancer l’économie sans redonner de la force à la contamination. Et ce, à partir du 11 mai prochain. La France enregistre 34 morts pour 100 000 habitants au dernier comptage, soit près du double du Québec.
Le pays envisage ainsi une rentrée scolaire progressive en préconisant notamment le port obligatoire pour le personnel et les élèves d’un masque antiprojections dans les collèges et les lycées du pays. Les experts suggèrent également la prise de température à la maison chaque matin avant l’école et des stratégies pour éviter les mélanges d’élèves.
Les rues de New York aux piétons
Après avoir repoussé l’idée d’un déconfinement avant le 15 mai prochain, l’État de New York a annoncé lundi l’annulation de la tenue des primaires démocrates prévues le 23 juin prochain, signe que l’allégement des mesures de restriction risque d’être tardif en plus d’être très progressif. L’État est l’épicentre de la pandémie aux États-Unis. La COVID-19 y a fait 85,5 morts pour 100 000 habitants, soit 4 fois plus qu’au Québec.
Lundi, le maire de New York, Bill de Blasio, a tenté de mettre un baume sur les frustrations grandissantes de la population en annonçant son intention de libérer 160 kilomètres de rues de la ville des voitures pour les donner aux piétons, et ce, afin de faciliter leurs déplacements et leurs activités dans le respect des règles de distanciation physique. Les rues dans les « communautés les plus durement touchées » par le coronavirus et proches des parcs seront fermées en priorité, a-t-il indiqué.
Flegme et patience britanniques
Un mois après avoir été contaminé par le coronavirus, le premier ministre britannique, Boris Johnson, a repris du service lundi sans offrir immédiatement une perspective d’avenir hors confinement à sa population. Durement frappé par la maladie, le Royaume-Uni n’envisage toujours pas un allégement prochain des contraintes. « Je refuse de gâcher les efforts et les sacrifices du peuple britannique et de risquer une deuxième épidémie majeure », a dit le premier ministre, en maintenant le confinement dans son pays.
Il a été un des leaders qui avaient minimisé l’ampleur de la crise sanitaire en février et en mars dernier, avant d’en devenir une victime. « Nous commençons maintenant à inverser la tendance », a-t-il ajouté devant le 10 Downing Street. « Si ce virus était un assaillant, un agresseur inattendu et invisible, et je peux vous dire de ma propre expérience que c’en est un, ce serait le moment où nous commençons à le maîtriser au sol. […] Mais c’est aussi un moment de risque maximum. » La COVID-19 a fait 32 morts pour 100 000 habitants, à ce jour, au Royaume-Uni.
Si ce virus était un assaillant, un agresseur inattendu et invisible, et je peux vous dire de ma propre expérience que c’en est un, ce serait le moment où nous commençons
» à le maîtriser au sol BORIS JOHNSON