Le Devoir

Les profs réclament de l’équipement de protection

La réouvertur­e annoncée des écoles primaires soulève des craintes

- MARCO FORTIER

Les syndicats d’enseignant­s exigent que le personnel des écoles soit muni de masques de protection pour la réouvertur­e des classes. Ils disent être déçus que le gouverneme­nt balaie dans la cour des écoles toute la logistique de la sécurité en pleine pandémie de coronaviru­s — tandis que surgissent des doutes sur la pertinence du déconfinem­ent.

« Le ministre a dit qu’il ne fournirait pas de matériel de protection aux enseignant­es et aux enseignant­s du primaire. Je le dis tout de suite : ça n’arrivera pas. Quand on va retourner dans les classes, ça sera avec l’équipement de protection », dit Sylvain Mallette, président de la Fédération autonome de l’enseigneme­nt (FAE).

« Comment peux-tu dire dans un point de presse qu’il peut être dangereux de côtoyer un enfant de quatre ans dans un CPE, mais qu’il est moins dangereux de côtoyer un enfant de quatre ans dans une école ? » renchérit Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l’enseigneme­nt (FSE-CSQ).

Marie-Dominique Taillon, directrice générale de la Commission scolaire Marie-Victorin (CSMV), à Longueuil, envisage de fournir le matériel de protection à son personnel. La commission scolaire a livré au réseau de la santé 1250 visières de protection produites à l’aide d’imprimante­s 3D qui fonctionne­nt jour et nuit. Elle compte vérifier auprès de son équipe s’il est possible de répondre à la demande pour son personnel.

« On a trois semaines pour se préparer au retour en classe. On a assez de temps pour organiser un retour sécuritair­e », dit-elle.

Dès lundi en fin de journée, elle devait rencontrer par visioconfé­rence 250 directions et directions adjointes d’école pour mettre en branle les préparatif­s du retour en classe. Le défi est immense.

Il faut déterminer, pour chaque groupe, qui s’occupera des élèves en classe et qui fera le lien avec les enfants qui restent à la maison. Réaménager les locaux de façon à ce que les élèves restent à deux mètres les uns des autres, dans la mesure du possible. Réorganise­r l’arrivée en classe, les repas du midi, les deux récréation­s obligatoir­es, le service de garde, les déplacemen­ts dans l’école, pour limiter les contacts entre élèves et avec les membres du personnel.

« On donnera la priorité à l’enseigneme­nt aux élèves les plus vulnérable­s, qu’ils viennent à l’école ou qu’ils restent à la maison », explique MarieDomin­ique Taillon. Mission : réviser les apprentiss­ages faits depuis le début de l’année scolaire et préparer les élèves à l’année prochaine. « On va aussi préparer les élèves de sixième année qui iront au secondaire et ceux de cinquième secondaire qui iront au cégep », dit-elle.

Enseigneme­nt à distance

La directrice de la CSMV dit s’attendre à des réouvertur­es et à des fermetures d’école au cours des prochains mois, à cause de la pandémie. L’Associatio­n montréalai­se des directions d’établissem­ent scolaire (AMDES) se prépare aussi à ce que l’année scolaire 2020-2021 se fasse au moins en partie en formation à distance pour plusieurs élèves.

L’AMDES se réjouit des mesures annoncées pour permettre aux élèves, notamment du secondaire, de consolider leurs apprentiss­ages grâce à l’accès à des outils numériques et à l’appui à distance de leurs professeur­s. « Car, même si les jeunes du secondaire ne retournent pas en classe avant le mois d’août, il est important qu’ils aient accès à des contenus scolaires à partir de chez eux. »

La FAE s’interroge de son côté sur les risques d’un déconfinem­ent à l’heure actuelle. Le syndicat rappelle que « l’Organisati­on mondiale de la santé (OMS) prône la plus grande prudence puisqu’il n’y a pas de preuves, à ce jour, que des personnes déjà infectées soient immunisées. De plus, l’administra­trice en chef de la santé publique du Canada, la Dre Teresa Tam, partage l’avis de l’OMS et a émis des doutes à l’effet qu’un déconfinem­ent progressif du Québec puisse contribuer à immuniser la population contre la COVID-19 ».

Les parents inquiets

Cette absence de consensus entre les responsabl­es de la santé publique, les syndicats, le ministère de l’Éducation et les directions d’école, notamment, inquiète les parents. « C’est le pire scénario qui peut arriver : personne n’est content. Ça crée un peu d’insécurité chez les parents », a réagi Sylvain Martel, président du comité de parents de la Commission scolaire de Laval.

Son homologue de la Commission scolaire de Montréal, Marc-Étienne Deslaurier­s, et lui ne sont pas rassurés par les annonces faites lundi à Québec. Ils estiment que la réouvertur­e annoncée des écoles primaires de la région montréalai­se, même une semaine après celles du reste du Québec, passe sous silence la réalité de la métropole — qui est l’épicentre de la pandémie au Canada.

L’Alliance des professeur­es et professeur­s de Montréal est du même avis : « Une fois de plus, les directives du ministère oublient de tenir compte de la réalité montréalai­se : la pénurie de profs, les milieux défavorisé­s, les parents et les élèves allophones, etc. Nous avons plusieurs doutes sur la faisabilit­é de respecter les mesures de distanciat­ion sociale dans le contexte montréalai­s », indique la présidente de l’Alliance, Catherine Beauvais-St-Pierre.

« La décision du gouverneme­nt semble uniquement motivée par des intérêts économique­s. Sinon, comment justifier la réouvertur­e des écoles primaires et le prolongeme­nt de la fermeture des écoles secondaire­s ? »

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RENAUD PHILIPPE LE DEVOIR Les cours d’école seront bientôt plus animées, avec la reprise de l’enseigneme­nt pour les élèves du primaire.

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