Les profs réclament de l’équipement de protection
La réouverture annoncée des écoles primaires soulève des craintes
Les syndicats d’enseignants exigent que le personnel des écoles soit muni de masques de protection pour la réouverture des classes. Ils disent être déçus que le gouvernement balaie dans la cour des écoles toute la logistique de la sécurité en pleine pandémie de coronavirus — tandis que surgissent des doutes sur la pertinence du déconfinement.
« Le ministre a dit qu’il ne fournirait pas de matériel de protection aux enseignantes et aux enseignants du primaire. Je le dis tout de suite : ça n’arrivera pas. Quand on va retourner dans les classes, ça sera avec l’équipement de protection », dit Sylvain Mallette, président de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE).
« Comment peux-tu dire dans un point de presse qu’il peut être dangereux de côtoyer un enfant de quatre ans dans un CPE, mais qu’il est moins dangereux de côtoyer un enfant de quatre ans dans une école ? » renchérit Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ).
Marie-Dominique Taillon, directrice générale de la Commission scolaire Marie-Victorin (CSMV), à Longueuil, envisage de fournir le matériel de protection à son personnel. La commission scolaire a livré au réseau de la santé 1250 visières de protection produites à l’aide d’imprimantes 3D qui fonctionnent jour et nuit. Elle compte vérifier auprès de son équipe s’il est possible de répondre à la demande pour son personnel.
« On a trois semaines pour se préparer au retour en classe. On a assez de temps pour organiser un retour sécuritaire », dit-elle.
Dès lundi en fin de journée, elle devait rencontrer par visioconférence 250 directions et directions adjointes d’école pour mettre en branle les préparatifs du retour en classe. Le défi est immense.
Il faut déterminer, pour chaque groupe, qui s’occupera des élèves en classe et qui fera le lien avec les enfants qui restent à la maison. Réaménager les locaux de façon à ce que les élèves restent à deux mètres les uns des autres, dans la mesure du possible. Réorganiser l’arrivée en classe, les repas du midi, les deux récréations obligatoires, le service de garde, les déplacements dans l’école, pour limiter les contacts entre élèves et avec les membres du personnel.
« On donnera la priorité à l’enseignement aux élèves les plus vulnérables, qu’ils viennent à l’école ou qu’ils restent à la maison », explique MarieDominique Taillon. Mission : réviser les apprentissages faits depuis le début de l’année scolaire et préparer les élèves à l’année prochaine. « On va aussi préparer les élèves de sixième année qui iront au secondaire et ceux de cinquième secondaire qui iront au cégep », dit-elle.
Enseignement à distance
La directrice de la CSMV dit s’attendre à des réouvertures et à des fermetures d’école au cours des prochains mois, à cause de la pandémie. L’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire (AMDES) se prépare aussi à ce que l’année scolaire 2020-2021 se fasse au moins en partie en formation à distance pour plusieurs élèves.
L’AMDES se réjouit des mesures annoncées pour permettre aux élèves, notamment du secondaire, de consolider leurs apprentissages grâce à l’accès à des outils numériques et à l’appui à distance de leurs professeurs. « Car, même si les jeunes du secondaire ne retournent pas en classe avant le mois d’août, il est important qu’ils aient accès à des contenus scolaires à partir de chez eux. »
La FAE s’interroge de son côté sur les risques d’un déconfinement à l’heure actuelle. Le syndicat rappelle que « l’Organisation mondiale de la santé (OMS) prône la plus grande prudence puisqu’il n’y a pas de preuves, à ce jour, que des personnes déjà infectées soient immunisées. De plus, l’administratrice en chef de la santé publique du Canada, la Dre Teresa Tam, partage l’avis de l’OMS et a émis des doutes à l’effet qu’un déconfinement progressif du Québec puisse contribuer à immuniser la population contre la COVID-19 ».
Les parents inquiets
Cette absence de consensus entre les responsables de la santé publique, les syndicats, le ministère de l’Éducation et les directions d’école, notamment, inquiète les parents. « C’est le pire scénario qui peut arriver : personne n’est content. Ça crée un peu d’insécurité chez les parents », a réagi Sylvain Martel, président du comité de parents de la Commission scolaire de Laval.
Son homologue de la Commission scolaire de Montréal, Marc-Étienne Deslauriers, et lui ne sont pas rassurés par les annonces faites lundi à Québec. Ils estiment que la réouverture annoncée des écoles primaires de la région montréalaise, même une semaine après celles du reste du Québec, passe sous silence la réalité de la métropole — qui est l’épicentre de la pandémie au Canada.
L’Alliance des professeures et professeurs de Montréal est du même avis : « Une fois de plus, les directives du ministère oublient de tenir compte de la réalité montréalaise : la pénurie de profs, les milieux défavorisés, les parents et les élèves allophones, etc. Nous avons plusieurs doutes sur la faisabilité de respecter les mesures de distanciation sociale dans le contexte montréalais », indique la présidente de l’Alliance, Catherine Beauvais-St-Pierre.
« La décision du gouvernement semble uniquement motivée par des intérêts économiques. Sinon, comment justifier la réouverture des écoles primaires et le prolongement de la fermeture des écoles secondaires ? »