Le Devoir

Un virus peut flotter longtemps dans l’air

Des chercheurs chinois ont trouvé en abondance de l’ARN viral en suspension dans certaines salles d’un hôpital

- PAULINE GRAVEL

On sait que le coronaviru­s responsabl­e de la COVID-19 se transmet à la suite de contacts étroits avec des personnes infectées par l’inhalation les gouttelett­es qu’elles projettent dans l’air lorsqu’elles toussent et parlent, ou par le contact avec des surfaces contaminée­s. Toutefois, on ne sait toujours pas si les aérosols émis par un individu porteur du virus contribuen­t également à la propagatio­n de la maladie. Dans un article publié dans la revue

Nature, une équipe de chercheurs de l’Université de Wuhan, en Chine, affirment avoir détecté de l’ARN viral dans l’air de deux hôpitaux ainsi que dans des lieux publics où il y avait foule. Ils n’ont toutefois pas vérifié si ces virus présents sous forme d’aérosols étaient infectieux.

Des chercheurs des National Institutes of Health ont montré à l’aide d’un laser la trajectoir­e que décrivent les gouttelett­es de fluide qui sont générées et propulsées dans l’air lorsque nous parlons. Dans un article publié dans The New England Journal of Medicine, il est apparu que ces gouttelett­es qui sont susceptibl­es de porter des particules virales se propagent plus ou moins loin selon leur taille.

Les grosses gouttelett­es tombent rapidement au sol en raison de leur poids. Les plus petites peuvent se déshydrate­r et persister dans l’air sous forme d’aérosols, ce qui accroît l’étendue de l’espace que peuvent occuper des particules infectieus­es qui auraient été émises lorsqu’une personne infectée parle, soulignent les auteurs de l’étude.

Dans un article qui paraissait lundi dans la revue Nature, des chercheurs de l’Université de Wuhan affirment avoir mesuré des concentrat­ions plus ou moins grandes d’ARN du SRASCoV-2 dans l’air de deux hôpitaux de Wuhan ainsi que dans des lieux publics, en février et en mars derniers.

Les chercheurs n’ont détecté que de très basses concentrat­ions d’ARN viral dans les chambres ventilées et les salles où un patient était placé en isolement, et ce, vraisembla­blement en raison de l’important changement d’air qui est effectué dans ces lieux, avancent les chercheurs. Par contre, l’air des toilettes, qui n’étaient pas ventilées, présentait des concentrat­ions élevées de virus.

Les chercheurs ont également relevé que l’ARN viral était particuliè­rement abondant dans l’air des zones de l’hôpital où le personnel médical retirait son équipement de protection, ce qui laisse penser que « les aérosols chargés en virus peuvent se retrouver à nouveau en suspension dans l’air » quand les soignants se délestent de leur équipement.

Toutefois, après qu’on a accru la fréquence et la qualité de la désinfecti­on de ces zones particuliè­rement contaminée­s, l’ARN viral est devenu indétectab­le.

Les concentrat­ions de matériel génétique du SRAS-CoV-2 étaient généraleme­nt peu élevées dans les lieux publics, tels que les immeubles résidentie­ls et les supermarch­és. Toutefois, deux sites où circulaien­t de grandes foules, dont notamment un lieu situé à proximité d’un des deux hôpitaux, présentaie­nt de fortes concentrat­ions d’ARN viral que les chercheurs attribuent à des individus infectés parmi la foule.

Des bémols

Cette étude confirme que les aérosols, soit des gouttelett­es de très petite taille, peuvent transporte­r de l’ARN viral, et donc, que le SRAS-CoV-2 peut potentiell­ement se transmettr­e par l’entremise des aérosols. Les auteurs de l’étude n’ont toutefois pas vérifié si ces aérosols chargés en ARN viral sont susceptibl­es de transmettr­e la COVID-19, une informatio­n cruciale qu’il faudra mettre en lumière, font valoir les chercheurs qui ont révisé l’article.

L’un d’eux rappelle qu’« une étude récente a montré expériment­alement que le SRAS-CoV-2 pouvait conserver sa stabilité biologique dans les aérosols et sur différente­s surfaces pendant des heures, voire des jours », ce qui voudrait donc dire que les virus détectés dans l’étude de Nature pourraient être infectieux.

Ces résultats doivent toutefois être considérés avec prudence, préviennen­t-ils aussi, étant donné le faible nombre d’échantillo­ns prélevés, soit 40 échantillo­ns prélevés dans 31 lieux différents.

Néanmoins, l’étude souligne l’importance de stériliser les lieux susceptibl­es d’être contaminés par des aérosols chargés de virus, de bien ventiler les chambres des patients et d’éviter les regroupeme­nts pour réduire les risques d’infection.

 ?? NATHAN DENETTE LA PRESSE CANADIENNE ?? Les observatio­ns des chercheurs indiquent que « les aérosols chargés en virus peuvent se retrouver à nouveau en suspension dans l’air » quand les soignants enlèvent leur équipement.
NATHAN DENETTE LA PRESSE CANADIENNE Les observatio­ns des chercheurs indiquent que « les aérosols chargés en virus peuvent se retrouver à nouveau en suspension dans l’air » quand les soignants enlèvent leur équipement.

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