« Une seule santé » pour un avenir durable
Cécile Aenishaenslin et Hélène Carabin Professeures à la Faculté de médecine vétérinaire et chercheuses pour l’Axe Une seule santé du Monde au Centre de recherche en santé publique, Université de Montréal et CIUSSS du Centre-Sud-del’Île-de-Montréal
S’il existe un consensus en lien avec la pandémie de la COVID-19, c’est qu’un retour aux façons de faire d’avant n’est pas envisageable. En matière sanitaire, cette crise nous enseigne, de façon douloureuse, qu’il n’y a pas, d’un côté, la santé de la faune et la santé des animaux domestiques et, de l’autre, la santé humaine. Il n’y a qu’une seule santé, qui est celle des écosystèmes à l’échelle planétaire.
Ce concept d’« Une seule santé » n’est pas nouveau. Il a pris corps au milieu des années 2000 peu après l’apparition en Chine d’un nouveau coronavirus, appelé SRAS-CoV-1, responsable du SRAS, une maladie respiratoire aiguë chez l’humain qui s’est propagée dans 26 pays. Cette épidémie, à l’origine de la mort de 770 personnes, nous semble presque anecdotique par rapport à l’ampleur de la crise mondiale actuelle.
Une pandémie comme celle de la COVID-19, causée par le SRAS-CoV-2, avait été anticipée par un grand nombre de chercheurs. Le SRAS-CoV-2, comme le SRAS-CoV-1, serait d’origine animale. En effet, le génome du virus s’apparente à celui d’autres coronavirus que l’on trouve notamment chez certaines espèces de chauvessouris et chez le pangolin, un mammifère insectivore.
Depuis toujours, animaux et humains partagent des environnements communs et échangent constamment des agents infectieux nombreux et variés, dont des virus, bactéries et parasites. On appelle zoonoses les maladies qui se transmettent ainsi de l’animal à l’humain. On estime aujourd’hui qu’environ les trois quarts des maladies infectieuses émergentes, et plus de 60 % de tous les agents infectieux qui affectent les populations humaines, sont d’origine animale. Et la fréquence d’émergence de nouvelles zoonoses semble augmenter à l’échelle de la planète. Pourquoi ?
Pour répondre à cette question, il faut examiner les facteurs qui facilitent l’adaptation des agents infectieux de l’animal à l’humain. Certains relèvent de la biologie, comme par exemple la capacité des agents infectieux à se transformer pour s’adapter à un nouvel hôte, et d’autres dépendent des changements, largement attribuables à l’activité humaine, qui affectent notre planète et nos sociétés, et qui transforment les interactions entre les humains, les animaux et leur environnement.
De nombreuses activités humaines, dont l’urbanisation, la croissance démographique et l’intensification de l’agriculture, détruisent à une vitesse inquiétante les habitats naturels de millions d’espèces animales à travers la planète. Les changements climatiques dérèglent les écosystèmes et altèrent la qualité des habitats qui deviennent plus ou moins propices à la survie de ces espèces. Conséquemment, ces animaux se déplacent, ce qui augmente les occasions de contact avec l’humain qui s’approprie leurs territoires, favorisant la transmission d’agents infectieux entre animaux et humains.
La pandémie de COVID-19 nous rappelle à nouveau que la santé humaine et la santé animale sont interdépendantes et liées à la santé des écosystèmes dans lesquels humains et animaux coexistent. Pour faire face à plusieurs défis, dont celui de la détection précoce des zoonoses, l’Université de Montréal forme, depuis 10 ans, une nouvelle génération de professionnels et de chercheurs qui seront en mesure d’appliquer l’approche « Une seule santé ».
Appliquer l’approche « Une seule santé » sera essentiel pour comprendre, puis promouvoir un équilibre durable entre la croissance des populations humaines, la santé, l’exploitation du territoire et la sauvegarde de notre planète. Voilà une leçon qui devra être impérativement tirée de la crise de la COVID-19 si nous voulons prévenir de nouvelles catastrophes, qui pourraient être encore pires que celle que nous vivons actuellement.