Vacciner à petites doses
Des pédiatres s’inquiètent des risques pour la santé des enfants
Tandis que plusieurs CLSC ont suspendu la vaccination des enfants en raison de l’épidémie de COVID-19, deux organisations pédiatriques insistent sur l’importance de poursuivre le programme de vaccination des nourrissons et des jeunes enfants contre les grandes maladies infectieuses malgré la pandémie. Elles soulignent que la vaccination de cette population est d’autant plus primordiale que les garderies et les écoles rouvriront prochainement au Québec.
Certains CLSC de Montréal ont interrompu toutes les vaccinations « temporairement en raison de la COVID19 », dit-on dans un message nous invitant à rappeler dans deux ou trois mois. D’autres vaccinent au compte-gouttes, privilégiant les nourrissons de deux et quatre mois et annulant les rendez-vous pour les enfants de quatre à six ans. D’autres encore accordent des rendezvous, mais « il peut y avoir des délais [avant de réussir à en obtenir un] parce qu’on a beaucoup de personnel [des CLSC] qui a été mobilisé pour aller prêter main-forte [aux CHSLD] », affirme Jocelyne Boudreau, agente d’information du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Îlede-Montréal.
Hier, dans une mise à jour sur l’impact de la COVID-19 sur les soins médicaux prodigués aux enfants, la Société canadienne de pédiatrie indiquait que respecter « le calendrier des vaccinations de routine », soit celui « des vaccinations primaires et leurs doses de rappel », pour « les nourrissons, les enfants et les jeunes » est d’une « importance vitale pendant cette pandémie ».
Le Dr Marc LeBel, président de l’Association des pédiatres du Québec (APQ), qui est membre du comité des maladies infectieuses et d’immunisation de la Société canadienne de pédiatrie (SCP), abonde dans le même sens et presse le Comité d’immunisation du Québec de recommander une reprise de la vaccination, en particulier des jeunes enfants, partout au Québec.
« Les pédiatres, nous sommes préoccupés par le fait que la vaccination a été suspendue dans certaines régions du Québec. Il est clair pour nous que si on envisage la réouverture des garderies et des écoles, il faudra mettre des énergies dans la vaccination », déclaret-il avant de préciser que « dans les régions peu affectées par la COVID-19, soit les régions autres que Montréal et Laval, la vaccination de routine s’est poursuivie. Seules les régions très affectées ont connu une interruption ».
Le Comité d’immunisation du Québec disposait jusqu’à maintenant d’une stratégie de vaccination en temps de pandémie qui prévoyait qu’en présence de circonstances exceptionnelles, on pouvait repousser les vaccinations de routine. Les régies régionales pouvaient ainsi décider de répartir leur personnel selon leurs priorités. Maintenant, alors qu’on envisage un déconfinement, cette stratégie doit être revue, explique le Dr LeBel.
« Le Comité procède actuellement à une révision de l’avis sur les activités de vaccination en période de pandémie de coronavirus [...] », a confirmé au Devoir la direction des communications du ministère de la Santé et des Services sociaux.
« Le comité fera donc de nouvelles recommandations au ministère qui prendra les décisions, dont la meilleure et la plus probable serait de vacciner les enfants. Mais, pour ce faire, le Ministère et la Santé publique devront libérer des effectifs. Or, la stratégie qu’ils adopteront n’est pas encore déterminée. Les CLSC où sont donnés les vaccins la plupart du temps doivent disposer des effectifs et respecter les normes de distanciation sociale, toute une logistique qui ne sera pas simple à organiser. Mais je fais confiance à mes collègues de la Santé publique pour le faire », précise le Dr LeBel qui espère aussi qu’on reprendra la vaccination des femmes enceintes contre la coqueluche afin de prévenir les cas de coqueluche sévères chez les enfants.
Le président de l’Ordre des pharmaciens du Québec, M. Bertrand Bolduc, affirme que ses membres ne refuseraient pas de contribuer à la vaccination des enfants, mais il faudrait leur fournir l’équipement de protection individuelle et les vaccins.
« Nous ne sommes pas sur la liste du personnel pour lequel on fournit des équipements de protection. Les pharmaciens se sont débrouillés tous seuls pour en trouver », dit-il.
Il est vraiment préférable de respecter le calendrier vaccinal habituel pour les tout-petits, qui prévoit l’administration de vaccins à l’âge de deux, quatre, 12 et 18 mois, souligne le Dr LeBel.
« Quand on repousse cette vaccination, la protection est moindre. Par contre, la vaccination contre les infections par les virus du papillome humain (VPH) qui est administrée dans les écoles demeure efficace même si on espace les doses. Les enfants ont reçu une première dose du vaccin l’automne dernier, ils devaient recevoir la seconde au printemps, mais celle-ci pourrait être retardée à l’automne sans problème. »
Au Québec, voire au Canada, « l’immunisation des jeunes est en général très élevée, ce qui nous donne une bonne immunité de groupe contre les grandes maladies infectieuses. Par exemple, on a très peu de cas de rougeole parce que la population est assez bien vaccinée. De plus, les enfants ont été relativement protégés durant le confinement. Ce dernier réduisait le risque de maladie, car les gens étaient moins exposés. Mais quand on commencera à rouvrir, il sera important que la vaccination reprenne. Cela fait 30 ans que je travaille en maladies infectieuses, je préfère vraiment prévenir ces maladies que les traiter ! Et j’ai même vu des enfants mourir de la rougeole », lance-t-il tout en rappelant qu’« il y a plusieurs maladies qu’il rencontrait quand il était jeune docteur et qui ont aujourd’hui disparu grâce à la vaccination ».
Le président de l’Ordre des pharmaciens du Québec, M. Bertrand Bolduc, affirme que ses membres ne refuseraient pas de contribuer à la vaccination des enfants, mais il faudrait leur fournir l’équipement de protection individuelle et les vaccins