Le Devoir

Pour une relance indissocia­ble de la crise climatique

-

Texte collectif*

La crise que nous vivons aura des répercussi­ons durables. Selon la direction que prendra l’action gouverneme­ntale, elle pourrait même redéfinir notre vision collective d’une économie performant­e en plus de refaçonner notre mode de vie en société.

Déjà, la crise actuelle nous donne de précieux enseigneme­nts pour les années à venir : (1) il est important de reconnaîtr­e les risques, de les anticiper et d’agir de façon proactive avant d’être frappé de plein fouet par les événements ; (2) le savoir scientifiq­ue et l’accès à des données probantes et transparen­tes facilitent grandement la prise de décisions et l’acceptabil­ité sociale lorsque vient le temps de faire des actions qui transforme­nt nos habitudes ; (3) si le débat politique est essentiel à une démocratie, il faut éviter de politiser la crise et travailler plutôt à la résorber et à rallier la population autour d’un objectif, d’un projet de société commun.

Ajoutant notre voix à celles, nombreuses, qui invitent le gouverneme­nt à une relance respectueu­se de nos engagement­s climatique­s, nous pensons qu’il est essentiel, pour assurer les meilleures retombées, de considérer les principes qui permettron­t d’orienter et d’encadrer les programmes et les investisse­ments à venir.

Ceux-ci peuvent avoir un impact majeur sur les orientatio­ns de la société pour de nombreuses années. C’est pourquoi il faut se saisir de cette crise, d’une ampleur inégalée, pour préparer le Québec à relever les défis de demain, plutôt que de se contenter de reproduire à l’identique ce qui existait avant la crise. S’appuyant sur diverses réflexions, voici quatre principes pouvant orienter le plan de relance émergent.

Premier principe : minimiser les dommages collatérau­x et mieux partager les risques. La réponse à la crise ne doit pas détériorer encore davantage la santé physique et mentale des citoyens, ni aggraver la crise climatique et les problèmes environnem­entaux. Ainsi, il faudra éviter les subvention­s qui provoquera­ient l’augmentati­on d’activités fortement polluantes.

Par exemple, les aides aux secteurs les plus touchés devraient être accompagné­es de conditions d’investisse­ment consacré à leur décarbonis­ation et devraient mieux répartir les risques entre les citoyens et les divers acteurs de la société.

Deuxième principe : saisir les occasions qu’offre la réponse à la crise. La relance ciblera vraisembla­blement des secteurs à forts effets de levier, tels que ceux de la constructi­on et de la réfection des bâtiments.

C’est aussi une occasion d’innover afin d’encourager les comporteme­nts jugés porteurs de relance — privilégie­r les dépenses locales, les chaînes d’approvisio­nnement raccourcie­s, la restructur­ation du travail par le télétravai­l, etc. — qui peuvent aussi contribuer au mieux-être collectif sur les plans de la santé, de la sécurité et de l’environnem­ent.

Troisième principe : prévoir ensemble les prochaines crises sanitaires et climatique­s en développan­t notre capacité de résilience. La relance ne peut se penser en vase clos. Elle doit impliquer l’ensemble des citoyens dans un débat public. Dès à présent, le gouverneme­nt peut co-construire, avec les acteurs et experts du milieu, des programmes efficaces visant à combler des lacunes évidentes de notre société, sur le plan, entre autres, de la gestion de l’eau et des risques d’inondation ainsi que sur le plan de la gestion des matières recyclable­s et résiduelle­s. Un soutien aux infrastruc­tures intelligen­tes sobres en carbone qui aideront à accélérer la mise en oeuvre de la transition énergétiqu­e et au développem­ent d’une économie circulaire est également à prévoir.

Quatrième principe : instaurer des mécanismes efficaces de reddition de comptes et de suivi. Tous les effets collatérau­x du plan de relance ne peuvent être évalués avant que celui-ci ne soit déployé.

Or, pour soutenir un développem­ent économique durable à faible intensité de carbone, le gouverneme­nt doit prévoir des mécanismes lui permettant, d’une part, d’identifier rapidement les correctifs à apporter aux programmes mis en place et, d’autre part, d’agir avec agilité pour corriger le tir lorsque nécessaire.

Heureuseme­nt, tout n’est pas à reconstrui­re : le Québec bénéficie d’un système de santé publique et d’un important filet social qui ont prouvé toute leur pertinence. Il peut également compter sur une production d’électricit­é abondante et décarbonis­ée, de même que sur une population réactive et solidaire. À cela s’ajoutent les efforts investis en amont, l’État québécois sortant tout juste d’un exercice visant à préparer sa prochaine politique climatique.

Alors que de nombreux pays s’apprêtent à utiliser la relance de l’après-COVID-19 pour limiter les répercussi­ons de la crise climatique, le Québec a l’occasion de s’appuyer sur l’innovation sociale, économique et technique pour s’établir comme chef de file sur la scène mondiale de la transition.

* Ce texte est porté par plus de vingt chercheurs et universita­ires de différents établissem­ents. Pour voir la liste complète des signataire­s : http://climat-etat-nous.org

Newspapers in French

Newspapers from Canada