Le Devoir

Les limites des statistiqu­es

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Tous les jours, M. Legault (ou son représenta­nt) présente à la population les statistiqu­es les plus récentes : le nombre de cas confirmés de COVID-19, de personnes guéries, de décès, de patients hospitalis­és et de ceux aux soins intensifs. Y a-t-il de l’espoir que l’on nous donne enfin un portrait plus exact de la COVID-19 ? Bien entendu, le nombre de personnes déclarées positives dépendra du nombre de tests pratiqués. Cela a été mentionné, mais ne serait-il pas possible d’exprimer le nombre de cas confirmés en pourcentag­e des tests effectués ce jour-là ? De quelle façon comptabili­se-t-on les personnes guéries ? Est-ce que ce sont les personnes qui ont été malades et qui ne le sont plus, qui ont été testées pour le coronaviru­s et qui ont été déclarées négatives ? A-t-on utilisé des réactifs précieux pour la confirmati­on de l’absence du virus ou se fit-on à l’état clinique ? Les décès rapportés sont-ils tous dus à la COVID-19 ou sont-ils survenus chez des personnes qui étaient infectées par le coronaviru­s ? Les décès dus à l’influenza, par exemple, semblent avoir disparu, alors que l’on en compte environ 300 par année selon l’Associatio­n pulmonaire du Québec. Les causes de décès sont plus faciles à établir à l’hôpital, chez un patient positif au coronaviru­s présentant le syndrome clinique correspond­ant. Qu’en est-il dans les CHSLD ? Quelle est la proportion des personnes décédées de la COVID-19 et quelle part est attribuabl­e aux maladies sous-jacentes et, horribleme­nt, au manque de soins de base comme l’alimentati­on et l’hydratatio­n ? Le nombre de personnes qui demeurent hospitalis­ées sera influencé par la possibilit­é de les retourner dans leur milieu naturel une fois qu'elles seront gué-ries. Comme des patients en provenance des résidences pour personnes âgées ne peuvent pas y retourner, ce qui est tout à fait justifié, le nombre de personnes hospitalis­ées ne reflète pas nécessaire­ment la gravité de la COVID-19. Il n’y a que le nombre de patients aux soins intensifs qui, je crois, est incontesta­blement attribuabl­e à la COVID-19. Il serait tout de même intéressan­t de savoir combien de ces patients ont besoin d’un respirateu­r, une machine dont on a tant eu peur de manquer. Je comprends que le gouverneme­nt en a plein les bras, mais la Santé publique ainsi que les CISSS et les CIUSSS pourraient aider les politicien­s à raffiner leurs présentati­ons au public.

Jana Havrankova, endocrinol­ogue à la retraite, et Michel Duplessis, neurologue Saint-Lambert, le 30 avril 2020

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