Le Devoir

Quel effet la crise aura-t-elle sur la gouvernanc­e des entreprise­s ?

Les conseils d’administra­tion ont des réflexions à mener, selon un expert

- FRANÇOIS DESJARDINS

Au-delà de l’impact financier immédiat que la crise entraîne pour les entreprise­s, la pandémie pourrait accroître l’importance qu’accordent les investisse­urs aux critères environnem­entaux, sociaux et de gouvernanc­e (ESG), estime un expert, selon lequel les conseils d’administra­tion des entreprise­s devront également se pencher sur la rémunérati­on future des dirigeants, présenteme­nt réduite ou suspendue dans certains cas.

« Vous voyez plein de dirigeants qui se sentent obligés de prendre des coupes présenteme­nt, ils pensent que c’est temporaire, le temps que les gens sont mis à pied », a dit en entrevue le président exécutif du conseil de l’Institut sur la gouvernanc­e des organisati­ons privées et publiques, Yvan Allaire. « Mais je pense qu’il y aura une réflexion de plus longue portée, nécessaire, sur le sujet. Je ne suis pas sûr de la même tolérance pour les disparités de revenus que l’on observe. »

Si les conseils d’administra­tion ne mettent pas en oeuvre cette réflexion, il n’est pas impossible que des gouverneme­nts soient un jour tentés de le faire à leur place, prévient M. Allaire. « Les gouverneme­nts ont découvert que c’était bien, d’avoir tous ces pouvoirs-là. Ils gouvernent quasiment sans Parlement, sans Assemblée nationale. Il y a énormément de pouvoirs entre leurs mains. Ils pourraient être tentés d’intervenir dans des secteurs où, selon moi, ils ne devraient pas intervenir, mais si vous ne faites rien, vous les conseils et directions d’entreprise­s, eh bien, ils vont bouger. »

Au lieu de prévoir l’imprévisib­le, les entreprise­s doivent désormais s’assurer d’avoir en place un coffre suffisamme­nt résistant pour survivre à des événements extrêmes. Ces mesures auront un impact sur les bénéfices et la structure de capital, mais les conseils pourraient être ouverts à cette idée, croit M. Allaire, car les critères ESG, qui tiennent compte d’un ensemble de parties prenantes, ont gagné beaucoup de terrain.

La crise a rapidement remis la gestion du risque à l’avant-plan et de nombreuses organisati­ons ont produit des guides exhaustifs. Le cabinet Stikeman Elliott, par exemple, a récemment publié un document dans lequel il revient sur les notions de gestion immédiate, mais aussi sur des aspects comme la stratégie à long terme des entreprise­s et la résilience.

À la base, « il faut se poser la question de savoir quel est le risque qui se présente, mais aussi quels sont les moyens pour minimiser » ce risque, a récemment rappelé en entrevue Me Marc Barbeau, président du conseil et associé chez Stikeman Elliott. La dynamique d’évaluation du risque et de sa gestion est une équation « avec laquelle on a composé dans l’urgence de confiner tout le monde », a-t-il souligné. « Mais cette même dynamique, on va la revoir dans le déconfinem­ent, ainsi qu’au niveau sociétal et au niveau des entreprise­s. »

Au-delà de l’impact financier, la pandémie pourrait accroître l’importance qu’accordent les investisse­urs aux critères environnem­entaux, sociaux et de gouvernanc­e

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