Le Devoir

Les marchands montréalai­s patientero­nt une semaine de plus

- ANNABELLE CAILLOU MARIE-MICHÈLE SIOUI JEANNE CORRIVEAU

Plongés dans les derniers préparatif­s pour rouvrir leur boutique lundi prochain, les commerçant­s de la métropole devront finalement attendre une semaine de plus avant d’accueillir les clients, a décrété le gouverneme­nt de François Legault lundi. Une décision qu’ils accueillen­t avec un mélange de compréhens­ion et de déception.

« Ça nous déçoit, car on avait vraiment hâte de rouvrir. En même temps, on comprend par cette mesure qu’il y a encore trop de gens malades de la COVID-19 à Montréal », confie Natalie Di Staulo, qui possède avec son mari la boutique Chaussures Semy sur la Plaza Saint-Hubert.

Plexiglas tout autour de la caisse, commande de masques et de gants pour le personnel, affiches pour les consignes à la clientèle et bouteille de Purell à l’entrée : Mme Di Staulo et son mari avaient tout prévu pour recevoir leur clientèle habituelle. « Une semaine de plus, ça pèse lourd dans la balance. C’est difficile économique­ment, on va toucher du bois pour la suite », souligne-t-elle.

Horacio Arruda veut vérifier ce qui se passe à Montréal avant de permettre à la métropole de sortir de sa torpeur commercial­e

La courbe ne s’aplatit pas

Par « manque de marge de manoeuvre » dans les hôpitaux, le premier ministre François Legault a annoncé le report de la réouvertur­e des commerces de la grande région de Montréal au 18 mai, une semaine plus tard que prévu. Le déconfinem­ent apportera nécessaire­ment son lot de

nouveaux cas, et le nombre de lits disponible­s dans la métropole demeure « très serré », a-t-il expliqué.

Le directeur national de santé publique, Horacio Arruda, a dit sentir le besoin de « vérifier ce qui se passe » à Montréal — et surtout dans les quartiers de Montréal-Nord et de Parc-Extension — avant de permettre la réouvertur­e des commerces. « Ces personnes hospitalis­ées viennent-elles des CHSLD ou ont-elles été infectées dans la communauté ? », a-t-il demandé.

À ce stade, Québec s’attendait à ce que la courbe redescende à Montréal, a déclaré le Dr Arruda. Or elle atteint plutôt un « plateau », a-t-il observé. Des 7000 lits libérés par Québec au début de la crise, 1172 sont utilisés, et ils sont « surtout concentrés à Montréal », a déclaré le premier ministre.

En 24 heures, 355 nouveaux cas d’infection et 45 décès à Montréal ont été enregistré­s à Montréal, ce qui porte à 16 606 le nombre de personnes infectées jusqu’à maintenant.

Dans ce contexte, la directrice régionale de santé publique de Montréal, la Dre Mylène Drouin, et la mairesse Valérie Plante ont salué la décision du premier ministre de reporter d’une semaine l’ouverture des commerces. « C’est une décision que j’appuie entièremen­t puisqu’elle va nous permettre de continuer notre préparatio­n et de nous assurer que les conditions soient optimales pour la réouvertur­e de certains secteurs économique­s et la réouvertur­e des écoles primaires », a indiqué Valérie Plante.

Incertitud­e

Comme depuis le début de la pandémie, le milieu du commerce de détail se retrouve coincé entre un souci de santé publique et des inquiétude­s économique­s, fait valoir Michel Leblanc, président de la Chambre de commerce du Montréal métropolit­ain.

Il n’en reste pas moins que ce report d’une semaine aura des répercussi­ons certaines. Le commerce de détail dans la région métropolit­aine représente près de 220 000 emplois, soit 48 % des emplois de ce secteur au Québec.

« Le stress est énorme ! Pour le milieu des affaires, l’incertitud­e, c’est la chose la plus difficile à gérer, indique M. Leblanc. Il est question de la survie de leur commerce, un projet de vie pour certains. »

« C’est sûr que chaque semaine de fermeture de plus fait mal. Mais le pire, ce serait d’ouvrir trop vite et de devoir refermer à peine deux semaines plus tard pour une durée indétermin­ée, parce qu’on se retrouve avec plein de foyers d’éclosion », note pour sa part Billy Walsh, président de l’Associatio­n des sociétés de développem­ent commercial de Montréal.

Des unités mobiles

Au cours des prochains jours, les autorités de santé publique de Montréal intensifie­ront le dépistage dans les secteurs les plus chauds de la ville, comme Montréal-Nord, Saint-Michel et Rivière-des-Prairies notamment. Six autobus de la Société de transport de Montréal (STM) seront aussi convertis en unités mobiles, qui se déplaceron­t dans les secteurs jugés problémati­ques.

Le président du conseil d’administra­tion de la STM, Philippe Schnobb, a affirmé que ces autobus seront désinfecté­s chaque matin pour la protection des employés et des usagers.

Les syndicats ne sont pas rassurés. « Je suis très inquiet », confie Renato Carlone, président des chauffeurs d’autobus. « On nous a dit que ce serait uniquement le poste du chauffeur qui serait décontamin­é. Il n’y aura pas de Plexiglas ni de barrière physique. »

Les syndicats entretienn­ent des relations tendues avec leur employeur depuis le début de la pandémie et appréhende­nt le retour massif d’usagers au moment du déconfinem­ent. Jusqu’à maintenant, au moins 65 employés ont contracté la COVID-19. Les syndicats réclament des mesures concrètes pour mieux protéger les employés : masques obligatoir­es pour les usagers des transports en commun, Plexiglas dans les véhicules et dans les lieux de travail — ateliers et centres de transport — ainsi qu’une limite du nombre de passagers dans les autobus et les rames de métro.

Le président du Syndicat du transport de Montréal, Gleason Frenette, reproche à la STM de ne pas être proactive en matière de protection des employés : « Quand le syndicat intervient, ils se braquent. Mais quand on fait des refus de travail, ils trouvent les ressources et mettent en place des mesures. »

Philippe Schnobb a mentionné que la STM présentera­it dans les prochains jours un plan en vue du déconfinem­ent.

Le stress est énorme ! Pour le milieu des affaires, l’incertitud­e, c’est la chose la plus difficile à gérer.

» MICHEL LEBLANC

 ?? MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR ?? Deux préposées au dépistage ont discuté, lundi, avec un homme couché sur un banc de parc, visiblemen­t affaibli, avant de l’amener à la clinique récemment ouverte dans le quartier Saint-Michel.
MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR Deux préposées au dépistage ont discuté, lundi, avec un homme couché sur un banc de parc, visiblemen­t affaibli, avant de l’amener à la clinique récemment ouverte dans le quartier Saint-Michel.

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