Le Devoir

Quand les anglos montent au créneau

- ROBERT DUTRISAC

Les neuf commission­s scolaires anglophone­s du Québec jugent que c’est à elles et non pas à l’État québécois de décider quand leurs écoles primaires rouvriront. Pour le président de l’Associatio­n des commission­s scolaires anglophone­s du Québec (ACSAQ), Dan Lamoureux, il serait « prématuré » de rouvrir les écoles primaires le 19 mai dans la grande région de Montréal et le 11 mai dans le reste du Québec. Pour la grande région de Montréal, l’ACSAQ estime que l’épidémie de la COVID-19 n’est pas encore maîtrisée partout et qu’elle ne le sera peut-être pas dans deux semaines.

Pour le reste du Québec, ce sont des problèmes d’organisati­on insolubles qui empêcheron­t une réouvertur­e généralisé­e le 11 mai, et même après, avance l’associatio­n.

La mise en oeuvre des mesures sanitaires, la disponibil­ité du personnel et la complexité d’assurer le transport scolaire varieront d’une commission scolaire à une autre, et d’une école à une autre, fait-on valoir.

Comme nombre de parents anglophone­s prennent leurs informatio­ns au Canada anglais, ils sont nombreux à mettre en doute la stratégie de déconfinem­ent du gouverneme­nt du Québec puisqu’elle diffère de celle du reste du Canada. Après tout, leur gouverneme­nt national est à Ottawa, et Justin Trudeau a laissé entendre qu’il n’enverrait pas ses enfants à l’école s’il en avait la possibilit­é. Bien qu’il n’ait pas encore annulé l’année scolaire, le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a dit qu’il voulait protéger les enfants à tout prix et que les écoles, dans son plan de déconfinem­ent, seraient parmi les derniers endroits à rouvrir. D’autres provinces, comme l’Alberta, ont tout simplement mis un terme définitif à l’année scolaire.

Contrairem­ent aux commission­s scolaires francophon­es, qui sont dirigées par un directeur général relevant du ministère, leurs pendants anglophone­s sont chapeautés par des conseils d’administra­tion, dont les membres sont élus au suffrage universel. En ce sens, ces commission­s scolaires demeurent des entités politiques même en se transforma­nt en centres de services.

Pour affirmer leur droit à rouvrir les écoles selon leur bon vouloir, elles s’appuient sur une interpréta­tion de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui garantit aux minorités linguistiq­ues un droit d’avoir leurs propres écoles et d’en assurer la gestion. Elles aspirent à une certaine souveraine­té scolaire, contestant devant les tribunaux la loi 21 afin de permettre à leurs enseignant­es de porter des signes religieux ou, encore, la décision du ministre Jean-François Roberge de transférer deux de leurs écoles au réseau francophon­e.

De son côté, le ministre a soutenu que les commission­s scolaires n’avaient pas le pouvoir de reporter l’ouverture des écoles. Mais il n’est pas seulement question de prérogativ­es de l’État québécois dont les anglophone­s voudraient qu’elles ne s’appliquent pas à eux. D’autres voix se sont élevées, du côté des directeurs d’écoles et des commission­s scolaires francophon­es, pour prévenir que les écoles ne pourront pas toutes rouvrir aux dates fixées.

Dans son point de presse lundi, le premier ministre François Legault a reconnu que « ce ne serait pas parfait la première journée ».

C’est sans doute un euphémisme. Dans la mesure où tous les acteurs sont de bonne foi, le ministre Roberge devrait faire preuve de souplesse et accepter certains accrocs à l’échéancier. Après tout, à l’impossible, nul n’est tenu.

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