Quand les anglos montent au créneau
Les neuf commissions scolaires anglophones du Québec jugent que c’est à elles et non pas à l’État québécois de décider quand leurs écoles primaires rouvriront. Pour le président de l’Association des commissions scolaires anglophones du Québec (ACSAQ), Dan Lamoureux, il serait « prématuré » de rouvrir les écoles primaires le 19 mai dans la grande région de Montréal et le 11 mai dans le reste du Québec. Pour la grande région de Montréal, l’ACSAQ estime que l’épidémie de la COVID-19 n’est pas encore maîtrisée partout et qu’elle ne le sera peut-être pas dans deux semaines.
Pour le reste du Québec, ce sont des problèmes d’organisation insolubles qui empêcheront une réouverture généralisée le 11 mai, et même après, avance l’association.
La mise en oeuvre des mesures sanitaires, la disponibilité du personnel et la complexité d’assurer le transport scolaire varieront d’une commission scolaire à une autre, et d’une école à une autre, fait-on valoir.
Comme nombre de parents anglophones prennent leurs informations au Canada anglais, ils sont nombreux à mettre en doute la stratégie de déconfinement du gouvernement du Québec puisqu’elle diffère de celle du reste du Canada. Après tout, leur gouvernement national est à Ottawa, et Justin Trudeau a laissé entendre qu’il n’enverrait pas ses enfants à l’école s’il en avait la possibilité. Bien qu’il n’ait pas encore annulé l’année scolaire, le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a dit qu’il voulait protéger les enfants à tout prix et que les écoles, dans son plan de déconfinement, seraient parmi les derniers endroits à rouvrir. D’autres provinces, comme l’Alberta, ont tout simplement mis un terme définitif à l’année scolaire.
Contrairement aux commissions scolaires francophones, qui sont dirigées par un directeur général relevant du ministère, leurs pendants anglophones sont chapeautés par des conseils d’administration, dont les membres sont élus au suffrage universel. En ce sens, ces commissions scolaires demeurent des entités politiques même en se transformant en centres de services.
Pour affirmer leur droit à rouvrir les écoles selon leur bon vouloir, elles s’appuient sur une interprétation de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui garantit aux minorités linguistiques un droit d’avoir leurs propres écoles et d’en assurer la gestion. Elles aspirent à une certaine souveraineté scolaire, contestant devant les tribunaux la loi 21 afin de permettre à leurs enseignantes de porter des signes religieux ou, encore, la décision du ministre Jean-François Roberge de transférer deux de leurs écoles au réseau francophone.
De son côté, le ministre a soutenu que les commissions scolaires n’avaient pas le pouvoir de reporter l’ouverture des écoles. Mais il n’est pas seulement question de prérogatives de l’État québécois dont les anglophones voudraient qu’elles ne s’appliquent pas à eux. D’autres voix se sont élevées, du côté des directeurs d’écoles et des commissions scolaires francophones, pour prévenir que les écoles ne pourront pas toutes rouvrir aux dates fixées.
Dans son point de presse lundi, le premier ministre François Legault a reconnu que « ce ne serait pas parfait la première journée ».
C’est sans doute un euphémisme. Dans la mesure où tous les acteurs sont de bonne foi, le ministre Roberge devrait faire preuve de souplesse et accepter certains accrocs à l’échéancier. Après tout, à l’impossible, nul n’est tenu.