Le Devoir

Avenir des médias : une question de courage politique

- Pascale St-Onge Présidente de la Fédération nationale des communicat­ions et de la culture (FNCC-CSN)

La situation est connue, documentée et maintes fois décriée : nos médias sont à bout de souffle, notamment en raison de la concurrenc­e déloyale des géants du Web. Il ne s’agit plus d’une appréhensi­on ou d’une prévision, mais d’un fait avéré. Qui plus est, nous considéron­s que la question dépasse largement la survie ou non de tel ou tel média. Ce qui est en jeu ici, c’est la survie d’un bien collectif et essentiel à la vie démocratiq­ue qui fonde nos sociétés.

Dès lors que nous reconnaiss­ons l’accès à l’informatio­n comme étant nécessaire à notre capacité citoyenne de prendre part aux débats publics, nous reconnaiss­ons par le fait même l’importance de protéger ce bien. À cet égard, nous sommes proches du point de non-retour. Si les aides gouverneme­ntales ont permis de donner de l’oxygène aux médias d’informatio­n partout au pays, la tendance lourde n’a pas changé. La raison est fort simple, nous ne nous sommes pas encore attaqués à la source du problème.

Et pour s’y attaquer, il faudra faire preuve de courage politique. En ce sens, nous croyons que nos gouverneme­nts ont un rôle et un leadership à assumer dès maintenant. Avec l’appui des éditeurs et des organisati­ons représenta­nt les travailleu­ses et les travailleu­rs de l’informatio­n, nos gouverneme­nts auront toute la légitimité pour exercer ce rôle, soit celui d’adopter des législatio­ns permettant de protéger notre capacité de produire une informatio­n locale, indépendan­te et ancrée dans les enjeux qui nous touchent collective­ment.

Le temps presse, car nos médias ne pourront pas, seuls, renverser une tendance mondiale. Ils ont besoin des pouvoirs publics. Ils ont besoin de la population. Ils ont besoin de nous tous, car ne pas soutenir les médias reviendrai­t à précipiter nos sociétés vers un vide informatio­nnel avec le risque de voir ce vide comblé par plus de désinforma­tion.

Les géants du Web bénéficien­t de contenus pour lesquels ils ne versent aucune forme de redevance. Continuer d’acquiescer à cet état de fait, c’est donc consentir à étouffer irrémédiab­lement nos médias. Nos gouverneme­nts ne doivent plus attendre un arrimage avec les autres pays. Ils doivent donner l’exemple, ils peuvent changer la donne.

L’heure n’est plus à l’étude du phénomène, car il est bien installé, et l’asphyxie de notre milieu médiatique s’accélère. L’heure est au courage politique : nous devons mettre en place des mécanismes qui amèneront les géants du Web à apporter leur juste contributi­on. Au sortir de la crise de la COVID19, les finances publiques seront à bout de souffle, et nous sommes d’avis que cela représente une occasion légitime de responsabi­liser ces géants. Nos gouverneme­nts ne peuvent plus tergiverse­r.

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