« Pas de retour à la normale avant 2021 »
Le ministre du Patrimoine canadien, Steven Guilbeault, promet un déblocage de fonds le plus rapide possible pour les médias et le secteur culturel
Steven Guilbeault ne se berce pas d’illusions : il n’y aura pas de reprise normale des activités culturelles avant 2021, pense le ministre du Patrimoine canadien. Celui-ci promet toutefois que le gouvernement étendra son soutien au secteur. « Il est difficile de voir un retour à la normale avant le début de l’année prochaine, et c’est peut-être ça aussi, un scénario optimiste », a indiqué le ministre lundi lors d’une activité organisée en ligne par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM).
« Qui voudra, d’ici à ce qu’on ait un vaccin, se retrouver dans une salle de spectacles, pour un concert, de l’opéra, du théâtre ? s’est-il demandé. Tant que ces conditions ne seront pas réunies, c’est difficile » d’envisager une reprise complète des arts de la scène.
Pour le moment, le programme de subvention salariale mis en place par le gouvernement fédéral (et qui est accessible aux travailleurs et aux employeurs du secteur culturel, s’ils y sont admissibles) doit se terminer au début juin. Or, « nous sommes bien conscients qu’il y a des secteurs, des entreprises, qu’on devra aider au-delà du 6 juin », a affirmé M. Guilbeault lundi. « Je ne suis pas en mesure de dire : voici les mécanismes. Mais l’engagement, c’est d’être là. »
Détails à venir
Michel Leblanc, président et chef de la direction de la CCMM, a fait remarquer au ministre que le public virtuel « espérait des détails », vu l’ampleur des répercussions que provoque la crise de la COVID-19 dans le milieu culturel et médiatique. « Il y a de la curiosité… et de l’impatience aussi », a mentionné M. Leblanc avant l’allocution de M. Guilbeault.
Ce dernier a pu préciser qu’il annoncerait « dans les prochains jours » les paramètres du fonds d’aide de 500 millions de dollars annoncé le 17 avril pour soutenir les artistes, les sportifs amateurs et leurs organisations pendant la crise. « Il reste quelques fils à attacher, a-t-il dit. Mais nous voulons agir rapidement, pour que l’argent se rende le plus rapidement possible. »
Ottawa essaiera autant que faire se peut de passer par des programmes existants, de manière à accélérer le processus. Mais on reconnaît que ceux-ci ne pourront pas couvrir l’étendue des besoins. « Il va falloir créer de nouvelles choses, a dit Steven Guilbeault. Ça risque d’être un peu plus long [que pour les programmes existants], mais pas tellement plus long. »
Le ministre ne s’attend pas à pouvoir sauver toutes les entreprises du secteur culturel. « Mais je veux m’assurer que l’écosystème demeure à peu près intact, qu’on ne perde pas de pans entiers. »
Médias
Questionné sur le secteur particulier des médias — pour qui la crise actuelle se greffe à une crise sectorielle déjà grave —, Steven Guilbeault n’a pu offrir de garantie claire sur ce qu’Ottawa pourrait faire de plus que ce qui a été annoncé dans la dernière année.
« Je sais que les médias écrits attendent le crédit d’impôt [sur la masse salariale des journalistes — une mesure officialisée dans le budget 2019 du gouvernement Trudeau] avec impatience, a-t-il dit. Tout est en place maintenant à l’Agence de revenu du Canada [ARC], et notre souhait, c’est que les chèques puissent arriver d’ici la fin de l’été. Et on va regarder pour voir s’il n’y aurait pas des mécanismes permettant [de les faire] arriver plus vite. Je sais que la fin de l’été, ça peut paraître très loin. »
Annoncé par Ottawa à l’automne 2018, ce crédit d’impôt est rétroactif au 1er janvier 2019. Le comité indépendant chargé de déterminer quels médias remplissent les critères d’admissibilité a été formé à la fin mars. Il sera présidé par la professeure Colette Brin, directrice du Centre d’études sur les médias de l’Université Laval.
Le comité sera véritablement fonctionnel à compter de la semaine prochaine, a indiqué Mme Brin au Devoir lundi (Ottawa doit livrer mardi des ordinateurs sécurisés aux membres du comité, puis leur offrir une formation à distance). « On a convenu qu’on travaillerait pour que ça débloque le plus rapidement possible, dit-elle. Mais après, il y a une autre étape : nous, on fait un rapport, mais c’est l’ARC qui reprend le dossier ensuite. »
Selon Steven Guilbeault, il n’aurait pas vraiment été possible d’aller plus vite (et cela, même si un processus semblable à Québec a trouvé son aboutissement beaucoup plus rapidement). « Il fallait quand même que les entreprises fassent leur rapport d’impôt… Ce mécanisme a suivi son cours de façon normale et de façon temporelle tout à fait logique », estime-t-il.
Le ministre a par ailleurs réitéré ce que Justin Trudeau avait dit la veille à l’émission Tout le monde en parle : si le Canada poursuit sa réflexion sur la manière fiscale d’agir contre les géants du Web, il n’y aura pas d’action sans une « approche concertée » avec les pays de l’OCDE… et ce n’est pas une priorité immédiate.