Le Devoir

Québecor lance son Spotify

QUB Musique se veut un véhicule pour mettre en lumière la musique d’ici et la sortir de la « cachette » à laquelle d’autres plateforme­s la destinent

- NATALIA WYSOCKA

En 2012, le Groupe Archambaul­t lançait zik.ca, un service de musique en continu qui regroupait 12 millions de chansons. En août 2015, Québecor mettait un terme à l’initiative, soit trois mois après que Pierre Karl Péladeau (PKP) fut devenu chef du Parti québécois. C’est PKP lui-même qui a fait un lien, ténu, entre ces événements lors d’une conférence vidéo lundi, au cours de laquelle il a annoncé la renaissanc­e du service sous une nouvelle forme : QUB Musique.

« zik.ca, c’était un embryon qui n’a pas accouché de sa pleine adolescenc­e, s’est-il souvenu. J’ai quitté pour faire de la politique. Et pour toutes sortes de raisons qui ne m’appartienn­ent pas, parce que je n’étais pas là, nous avons cessé le projet. Ça me turlupinai­t depuis mon retour à Québecor. »

En réalité, QUB Musique et son catalogue de 50 millions de morceaux devaient être dévoilés dans quelques mois. En raison du confinemen­t, le lancement a été devancé. D’où le mode bêta. « La musique en ce temps de crise est très importante pour passer au travers », a précisé à ce sujet Mathieu Turbide. Le vice-président contenu numérique chez Québecor Média a souligné que le milieu de la musique d’ici souffre en raison des innombrabl­es annulation­s de spectacles. Et qu’une plateforme comme QUB permettra aux artistes de continuer à entretenir des liens avec le public.

Le milieu de la musique souffre également, et ce, depuis des années, de la présence de gros joueurs de la webdiffusi­on. On se souviendra de la sortie de Pierre Lapointe contre Spotify au gala de l’ADISQ, l’an dernier. QUB Musique sera-t-il assez solide pour mettre au tapis, ou du moins concurrenc­er, de tels titans ? « Devant nous, il ne faut pas se le cacher, il y a des géants, a concédé

PKP. Ce n’est pas David contre Goliath, mais… Notre avantage, c’est d’avoir une connaissan­ce et une sensibilit­é beaucoup plus importante à nos interprète­s, à notre richesse culturelle. »

Si, visuelleme­nt, QUB Musique est conçue sur le modèle des Apple Music de ce monde, la plateforme souhaite se distinguer en célébrant réellement les créateurs d’ici. Notamment par des listes de lecture (« plus de 1000 »), ainsi que des articles et des dossiers « préparés par des journalist­es et des profession­nels du domaine qui travaillen­t à orchestrer le contenu aux goûts des Québécois ». Et à mettre en parallèle les tendances internatio­nales et locales. « Dans les années 1970, quand ailleurs on écoutait du Genesis, ici on écoutait du Offenbach, a illustré Mathieu Turbide. Aujourd’hui, quand on écoute Drake, on peut aussi vouloir écouter Loud. »

Par ailleurs, sur la page d’accueil, Simple Plan côtoie autant Florent Vollant, Godspeed You ! Black Emperor qu’Arcade Fire. « Évidemment le français est la langue principale, mais ça ne laisse pas de côté les autres. »

Écoutes et redevances

En vidéo, quelques artistes ont salué l’arrivée de QUB Musique, dont Alex Nevsky. Yann Perreau a affirmé qu’il s’agissait « d’un pas dans la bonne direction » pour mettre les musiques et textes d’ici en avant. France D’Amour, elle, a tenu à apporter une nuance : « Je suggère fortement à QUB d’adopter une répartitio­n des revenus qui tient compte des écoutes. »

À propos de ce bémol, Mathieu Turbide a avancé que « le modèle auquel Mme D’Amour fait référence, appelé

user centric, favorise les artistes qui ont une grande écoute. Donc les artistes de musique urbaine ».

Même si elle s’est engagée à analyser ledit modèle, la plateforme procédera pour l’instant en remettant un pourcentag­e du prix d’abonnement à QUB aux artistes et ayants droit. Puisque ledit prix est plus élevé que les autres plateforme­s (Spotify et Apple Music sont offerts à 9,99 $, et QUB demandera principale­ment 2 $ de plus), la somme remise le sera également, a promis M. Turbide. « Dans tous les cas, il faut comprendre qu’aucun système n’est parfait. »

Malgré les imperfecti­ons, la réception semble être fort positive. Edgar Bori, président de la Société profession­nelle des auteurs et des compositeu­rs du Québec, et Luc Fortin, président de la Guilde des musiciens et musicienne­s du Québec, ont salué la naissance comme l’importance de la plateforme. Solange Drouin, vice-présidente aux affaires publiques et directrice générale de l’ADISQ, a exprimé son plaisir d’assister à ce lancement. « Nous comprenons qu’il s’agit là d’un engagement durable. » Elle a par ailleurs annoncé un partenaria­t entre PalmarèsAD­ISQ et QUB.

Et pour ce qui est des détails techniques ? Pour les trois prochains mois, l’abonnement est gratuit. Ensuite, les abonnés au service de téléphonie de Vidéotron paieront 4,99 $. Les autres, 11,99 $. Pour l’instant, chaque compte est assigné à un seul usager. « Le forfait famille devrait arriver plus tard dans l’année. » L’option balado est aussi examinée.

Et quelles leçons le grand patron aura-t-il tirées de l’échec de zik ? « Il faut que je fasse attention à ce que je dis », a dit en riant Pierre Karl Péladeau avant de rappeler qu’à l’époque, le paysage était encore fort différent. « La musique en continu dans ce temps-là n’avait pas l’ampleur qu’elle a aujourd’hui. »

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RENAUD PHILIPPE LE DEVOIR En réalité, QUB Musique et son catalogue de 50 millions de morceaux devaient être dévoilés dans quelques mois. En raison du confinemen­t, le lancement a été devancé.

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