Le Devoir

Le retour de la politique

- MICHEL DAVID

Maintenant que les enfants s’apprêtent à rentrer à l’école ou à la garderie, tout au moins à l’extérieur de Montréal, il aurait été étrange que les parlementa­ires restent chez eux. Après deux mois de confinemen­t, il est grand temps que l’Assemblée nationale reprenne ses travaux, même si c’est avec un nombre réduit de parlementa­ires, qui devront effectuer une rotation.

La gestion de la crise du coronaviru­s, qui s’est inévitable­ment doublée d’une crise économique, relevait pour l’essentiel du gouverneme­nt, et il était sans doute préférable pour les partis d’opposition de ne pas se retrouver dans l’obligation de le critiquer quotidienn­ement, alors qu’il faisait tout son possible. Il faut reconnaîtr­e qu’ils ont pris leur mal en patience de façon remarquabl­e et réussi à éviter les petites mesquineri­es auxquelles les conservate­urs n’ont pas pu résister à Ottawa.

À partir du moment où la société québécoise retournera progressiv­ement à une vie plus normale, la politique doit faire de même. Tirer les leçons de la pandémie doit être un exercice collectif, qu’il revient à l’Assemblée nationale d’animer. Si un Québec nouveau doit en sortir, le gouverneme­nt ne peut pas décider seul des réorientat­ions qui s’imposent, même s’il aura toute la légitimité requise pour les mettre en oeuvre.

Le petit mois dont disposeron­t les députés d’ici à l’ajournemen­t prévu le 12 juin ne permettra évidemment pas de faire ce débat. Avant de discuter de la suite des choses, le rythme et les conséquenc­es du déconfinem­ent monopolise­ront avec raison la période de questions. Enfin, les journalist­es n’auront plus l’accès exclusif au premier ministre !

Tout au plus pourra-t-on commencer à faire l’état des lieux à la lumière de la mise à jour économique et financière que présentera le ministre des Finances. Quand on lui a demandé où on en était, le premier ministre Legault a simplement dit : « c’est pas beau ».

C’est seulement à l’automne, quand on aura une idée plus claire de la situation, que le vrai débat pourra réellement commencer, et le gouverneme­nt semble déjà avoir une bonne idée de la façon dont il entend le lancer.

Le 1er octobre, il arrivera à mi-mandat. Il n’y aura donc rien d’anormal à ce que la session parlementa­ire soit prorogée et qu’une nouvelle session s’ouvre sur un message inaugural dans lequel le gouverneme­nt pourra exposer son programme des deux années suivantes. On pourra juger concrèteme­nt de l’ordre de ses priorités dans le nouveau budget qui devra impérative­ment être déposé. Quand la session a été interrompu­e, le 17 avril, l’étude en commission parlementa­ire des prévisions de dépenses des différents ministères a été reportée au 17 août, mais il est clair qu’elles ne tiennent plus.

La pandémie n’a pas provoqué à Québec la même explosion du déficit qu’à Ottawa, et la situation budgétaire y était beaucoup plus saine au départ. La mise sur pause de l’économie n’en provoquera pas moins une baisse dramatique des revenus. Il est également à prévoir que les transferts fédéraux, dont l’augmentati­on allait déjà en décroissan­t avant la pandémie, chuteront davantage. Tout cela imposera des choix douloureux, qui pourraient faire fondre rapidement la grande popularité que sa gestion de la crise a value au gouverneme­nt Legault.

Le temps de la solidarité touche à sa fin. Avec le déconfinem­ent de la politique vient aussi celui des ambitions. Aussi bien le PLQ que le PQ avaient sagement mis leur course à la chefferie en veilleuse, mais Dominique Anglade semble incapable de se contenir plus longtemps. Il est sidérant d’apprendre qu’en pleine pandémie, des membres de son organisati­on ont menacé de poursuivre le PLQ devant les tribunaux si l’échéancier de la course n’était pas maintenu comme prévu au départ. Une telle indifféren­ce au drame que vit l’ensemble du Québec est pour le moins inquiétant­e chez une femme qui aspire à le diriger.

On peut comprendre qu’à Ottawa, où le gouverneme­nt est minoritair­e et peut théoriquem­ent tomber à tout moment, le Parti conservate­ur soit pressé de se donner un nouveau chef. Au Québec, la prochaine élection n’aura cependant lieu qu’en octobre 2022. Qui plus est, le seul adversaire de Mme Anglade, Alexandre Cusson, a pris des allures de fantôme et ne constitue pas réellement une menace.

Il est sans doute gênant pour le PLQ d’exhiber plus longtemps sa déconnexio­n et son incapacité de se renouveler, mais l’image de la fanfare qui s’entêtait à jouer sur le pont du Titanic pourrait suivre Mme Anglade pendant longtemps.

Tirer les leçons de pandémie doit être un exercice collectif, qu’il revient à l’Assemblée nationale d’animer. Si un Québec nouveau doit en sortir, le gouverneme­nt ne peut pas décider seul des réorientat­ions qui s’imposent, même s’il aura toute la légitimité requise pour les mettre en oeuvre.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada