Le retour de la politique
Maintenant que les enfants s’apprêtent à rentrer à l’école ou à la garderie, tout au moins à l’extérieur de Montréal, il aurait été étrange que les parlementaires restent chez eux. Après deux mois de confinement, il est grand temps que l’Assemblée nationale reprenne ses travaux, même si c’est avec un nombre réduit de parlementaires, qui devront effectuer une rotation.
La gestion de la crise du coronavirus, qui s’est inévitablement doublée d’une crise économique, relevait pour l’essentiel du gouvernement, et il était sans doute préférable pour les partis d’opposition de ne pas se retrouver dans l’obligation de le critiquer quotidiennement, alors qu’il faisait tout son possible. Il faut reconnaître qu’ils ont pris leur mal en patience de façon remarquable et réussi à éviter les petites mesquineries auxquelles les conservateurs n’ont pas pu résister à Ottawa.
À partir du moment où la société québécoise retournera progressivement à une vie plus normale, la politique doit faire de même. Tirer les leçons de la pandémie doit être un exercice collectif, qu’il revient à l’Assemblée nationale d’animer. Si un Québec nouveau doit en sortir, le gouvernement ne peut pas décider seul des réorientations qui s’imposent, même s’il aura toute la légitimité requise pour les mettre en oeuvre.
Le petit mois dont disposeront les députés d’ici à l’ajournement prévu le 12 juin ne permettra évidemment pas de faire ce débat. Avant de discuter de la suite des choses, le rythme et les conséquences du déconfinement monopoliseront avec raison la période de questions. Enfin, les journalistes n’auront plus l’accès exclusif au premier ministre !
Tout au plus pourra-t-on commencer à faire l’état des lieux à la lumière de la mise à jour économique et financière que présentera le ministre des Finances. Quand on lui a demandé où on en était, le premier ministre Legault a simplement dit : « c’est pas beau ».
C’est seulement à l’automne, quand on aura une idée plus claire de la situation, que le vrai débat pourra réellement commencer, et le gouvernement semble déjà avoir une bonne idée de la façon dont il entend le lancer.
Le 1er octobre, il arrivera à mi-mandat. Il n’y aura donc rien d’anormal à ce que la session parlementaire soit prorogée et qu’une nouvelle session s’ouvre sur un message inaugural dans lequel le gouvernement pourra exposer son programme des deux années suivantes. On pourra juger concrètement de l’ordre de ses priorités dans le nouveau budget qui devra impérativement être déposé. Quand la session a été interrompue, le 17 avril, l’étude en commission parlementaire des prévisions de dépenses des différents ministères a été reportée au 17 août, mais il est clair qu’elles ne tiennent plus.
La pandémie n’a pas provoqué à Québec la même explosion du déficit qu’à Ottawa, et la situation budgétaire y était beaucoup plus saine au départ. La mise sur pause de l’économie n’en provoquera pas moins une baisse dramatique des revenus. Il est également à prévoir que les transferts fédéraux, dont l’augmentation allait déjà en décroissant avant la pandémie, chuteront davantage. Tout cela imposera des choix douloureux, qui pourraient faire fondre rapidement la grande popularité que sa gestion de la crise a value au gouvernement Legault.
Le temps de la solidarité touche à sa fin. Avec le déconfinement de la politique vient aussi celui des ambitions. Aussi bien le PLQ que le PQ avaient sagement mis leur course à la chefferie en veilleuse, mais Dominique Anglade semble incapable de se contenir plus longtemps. Il est sidérant d’apprendre qu’en pleine pandémie, des membres de son organisation ont menacé de poursuivre le PLQ devant les tribunaux si l’échéancier de la course n’était pas maintenu comme prévu au départ. Une telle indifférence au drame que vit l’ensemble du Québec est pour le moins inquiétante chez une femme qui aspire à le diriger.
On peut comprendre qu’à Ottawa, où le gouvernement est minoritaire et peut théoriquement tomber à tout moment, le Parti conservateur soit pressé de se donner un nouveau chef. Au Québec, la prochaine élection n’aura cependant lieu qu’en octobre 2022. Qui plus est, le seul adversaire de Mme Anglade, Alexandre Cusson, a pris des allures de fantôme et ne constitue pas réellement une menace.
Il est sans doute gênant pour le PLQ d’exhiber plus longtemps sa déconnexion et son incapacité de se renouveler, mais l’image de la fanfare qui s’entêtait à jouer sur le pont du Titanic pourrait suivre Mme Anglade pendant longtemps.
Tirer les leçons de pandémie doit être un exercice collectif, qu’il revient à l’Assemblée nationale d’animer. Si un Québec nouveau doit en sortir, le gouvernement ne peut pas décider seul des réorientations qui s’imposent, même s’il aura toute la légitimité requise pour les mettre en oeuvre.