L’anxiété grimpe chez les parents et les enseignants à Montréal
Les enseignants d’une école primaire de Montréal ont prévenu les parents que les « conditions insensées » du retour en classe contreviennent aux exigences de la santé publique. Ce message hors de l’ordinaire, envoyé à l’insu de la direction de l’école, augmente d’un cran l’anxiété des parents, qui sont déchirés à l’idée d’envoyer leurs enfants en classe en pleine pandémie de coronavirus.
Cette lettre de deux pages a été envoyée cette semaine aux parents de l’école Louis-Hippolyte-Lafontaine, sur le Plateau-Mont-Royal. Le message jette une lumière crue sur l’état d’esprit du personnel des écoles à Montréal. Et sur l’ambiance surréelle qui régnera en classe lors de la réouverture, prévue le 19 mai : les enseignants accueilleront les élèves en portant « masque, visière et sarrau ».
« Même si plusieurs d’entre nous éprouvent des craintes pour notre santé et celle des membres de notre famille, nous sommes prêts à revenir en classe, avec les risques que cela comporte, mais pas dans des conditions insensées pour les enfants et le personnel », écrivent les enseignants.
« Nous ne croyons pas qu’il soit réaliste de penser que nous rencontrerons les exigences de la santé publique, et ce, peu importe le scénario. Si la distanciation sociale et le respect des mesures d’hygiène sont les priorités du gouvernement, il faut tout simplement reporter l’ouverture et se préparer adéquatement pour septembre », ajoutent-ils.
Selon ce que Le Devoir a appris, les enseignants et la directrice de l’école sont pourtant d’accord sur une façon de procéder jugée moins risquée : le retour des élèves à mi-temps. La moitié des élèves seraient en classe le matin et l’autre moitié l’après-midi. Les élèves iraient au service de garde scolaire durant leur demi-journée hors des classes.
Tant les enseignants que la directrice ont déploré que le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, ait rejeté cette solution qui fait l’unanimité dans cette école.
La présence de tous les élèves en même temps obligera les équipes-écoles à faire des prouesses pour limiter les risques de propagation du virus.
« Vos enfants retrouveront une école complètement transformée. [Ils] seront accueillis par une équipe d’enseignants et d’éducateurs heureux de les revoir, mais portant masque, visière, sarrau. Vos enfants ne pourront pas les toucher », a écrit la directrice, AnneSophie Maguire Normand, dans un message aux parents.
Dans leur lettre, les enseignants expliquent certains défis de l’école en temps de pandémie : « Comment expliquer un problème à 2 mètres de distance à un élève qui ne comprend pas ? Comment aider un enfant qui n’arrive pas à fermer la fermeture éclair de son manteau ? Comment empêcher un enfant de maternelle de jouer avec les blocs qui viennent tout juste d’être utilisés par un autre élève ? »
Un devoir de vérité
Les parents de l’ école Louis-Hippolyte La fontaine ne sont pas rassurés parles mises en garde des enseignants. « J’hésitais à envoyer mon garçon à l’école, mais après avoir reçu ce message, je penche plus pour le garder à la maison jusqu’en septembre », dit la mère d’un élève, qui a demandé à garder l’anonymat.
Catherine Beauvais-Saint-Pierre, présidente de l’Alliance des professeures et des professeurs de Montréal, estime que les enseignants ont le devoir de dire la vérité aux parents. « Est-ce que ça va décourager certains parents à envoyer leurs enfants à l’école ? Peutêtre. Mais les parents ont le droit de savoir comment ça va se passer lors de la réouverture », dit-elle.
« On nous accuse de mettre des bâtons dans les roues pour bloquer la rentrée, mais on propose pourtant une solution acceptable pour tout le monde : l’école à mi-temps », ajoute-t-elle.
La directrice a tenté de rassurer les parents dans un nouveau message, mercredi en fin de journée : « Soyez assurés que malgré le contexte unique que nous vivons, toute l’équipe-école travaille à ce que la réouverture du 19 mai prochain se déroule en toute sécurité, bienveillance et solidarité. »