Le Devoir

Peu de détenus auront accès à une libération anticipée

- MYLÈNE CRÊTE CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À QUÉBEC

Peu de détenus auront droit à une libération anticipée en raison de la pandémie de coronaviru­s, selon la Ligue des droits et libertés et le Syndicat des agents de la paix en services correction­nels du Québec (SAPSCQ-CSN).

La ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a annoncé mercredi que les détenus auront accès à des permission­s de sortie à des fins médicales comme le prévoit déjà la loi, au moment où la tension monte depuis quelques jours à la prison de Bordeaux où le nombre de personnes atteintes de la COVID-19 a doublé depuis jeudi.

« À quel niveau est-ce que cette mesure assure plus de sécurité pour le personnel ? Je ne le vois pas », a commenté le président du syndicat, Mathieu

Lavoie en ajoutant qu’une opération similaire avait déjà été effectuée durant la semaine du 27 mars.

Les agents correction­nels ont fait face à une augmentati­on des comporteme­nts agressifs dans les secteurs E et C où des centaines de détenus sont en confinemen­t. M. Lavoie rapporte que certains prisonnier­s du secteur C auraient récemment cassé les fenêtres de leurs cellules, qui sont également munies de barreaux, après l’atterrissa­ge d’un drone illégal dans la cour et auraient lancé des projectile­s aux agents correction­nels.

D’autres auraient craché sur des agents dans le but de les infecter ou auraient inondé leur cellule pour protester contre leur confinemen­t. « C’est sûr que le côté anxiété, stress, tension a monté d’une coche, a reconnu M. Lavoie. Des fois, on va le vivre une journée, mais on ne le vivra pas en permanence comme ça. »

Il ne craint toutefois pas le déclenchem­ent d’émeutes, étant donné que les détenus sont déjà en cellule 24 heures sur 24 heures.

Directives

La ministre Guilbeault a spécifié que les libération­s anticipées toucheront certains groupes « très ciblés ». Ils sont divisés en deux catégories, soit les détenus âgés de 65 ans et plus, immunodépr­imés ou les femmes enceintes à condition d’avoir une recommanda­tion de leur médecin et ceux à qui il reste moins de 30 jours de leur peine à purger. La permission sera octroyée par les directeurs des établissem­ents carcéraux.

« Je veux rassurer tout le monde sur le fait que les personnes qui pourront éventuelle­ment se prévaloir de cette permission de sortie à des fins médicales sont des personnes qui auront commis des délits de faible niveau de gravité et aucun détenu qui n’a commis un crime violent ne va sortir du centre de détention, a spécifié Mme Guilbeault. Je vais être très claire là-dessus. »

« C’est un pas dans la bonne direction, mais ça m’apparaît complèteme­nt insuffisan­t, a réagi la porte-parole de la Ligue des droits et libertés, Lucie Lemonde. Il faut dire qu’au-delà de 75 % des personnes dans les prisons provincial­es sont en attente de procès, donc ça n’aura pas d’effet pour au moins 75 % de la population carcérale. »

La Ligue des droits et libertés demandait que le ministère libère les détenus en attente de procès qui n’ont pas commis de crimes graves et qui ont été incarcérés parce qu’ils étaient incapables de payer leur cautionnem­ent.

Le nombre de détenus atteints par la COVID-19 dans l’Établissem­ent de détention de Montréal (Bordeaux) a continué d’augmenter au cours des derniers jours. Ils étaient 34, selon les chiffres dévoilés par la Santé publique mercredi. Sur les 926 personnes incarcérée­s, 108 ont été testées. Des 17 établissem­ents de détention gérés par le gouverneme­nt québécois, c’est le seul qui connaît une telle éclosion des infections au coronaviru­s et qui compte toujours des cas actifs dans la population carcérale. Le nombre d’agents correction­nels infectés qui travaillen­t dans cet établissem­ent a aussi grimpé, passant de 14 vendredi à 22.

C’est sûr que le côté anxiété, stress, tension a monté

» d’une coche MATHIEU LAVOIE

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