Le Devoir

Une histoire de pandémie

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En cette période de pandémie, me revient à la mémoire une autre histoire de pandémie. Dans les années 1960-1965, j’étais étudiant en histoire à l’Université de Montréal. Au cours de l’année universita­ire, je demeurais chez pépère (le Dr Séraphin Venne, père de ma mère).

Chaque soir, après le souper, nous nous installion­s au salon. Au gré de nos conversati­ons, il me donnait un véritable cours d’histoire. Un soir, je me rappelle que nous avons abordé le sujet de la grippe espagnole qui, au lendemain de la Première Guerre mondiale, a ravagé le monde en général et le Québec en particulie­r.

À cette époque, racontait-il, « je ne suis pas entré dans ma résidence durant près de trois mois. Ta grand-mère lavait mon linge que je déposais sur le seuil de la porte. Elle me préparait les repas que je dégustais sur le perron. Je vivais et dormais dans mon auto. Pour me prévenir de la maladie, je me versais une rasade de gros gin chaque fois avant d’entrer dans un immeuble où je devais soigner une ou deux douzaines de malades. » Je lui avais alors demandé : « Est-ce que chacun te payait ? » « Non, avait-il répondu. Seulement quelquesun­s. » À l’époque, l’assurance maladie n’existait pas. « Mais pourquoi allais-tu leur rendre visite au risque de ta propre santé ? » lui avais-je demandé. Il m’avait alors regardé dans les yeux en disant : « Une vie n’a pas de prix. Un médecin ne laisse pas les gens mourir. » Michel Allard, historien

Sainte-Agathe-des-Monts, le 5 mai 2020

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