Le Devoir

Fermée jusqu’au 25 mai

Le délai imposé à Montréal pour amorcer son déconfinem­ent en raison de la situation toujours instable creusera davantage encore son retard sur le reste du Québec

- MARIE-MICHÈLE SIOUI À QUÉBEC

L’écart entre le Grand Montréal et le reste du Québec se creuse encore davantage : 119 des 121 décès annoncés jeudi ont eu lieu dans la communauté métropolit­aine, où Québec a finalement décidé de reporter les réouvertur­es des commerces et des écoles au 25 mai.

« Montréal, c’est fragile. Le reste du Québec, c’est le paradis », a lancé le directeur national de la santé publique, Horacio Arruda, lors du point de presse quotidien.

D’ici à ce que les choses aillent mieux « over the rainbow » — pour reprendre l’expression du Dr Arruda — les Montréalai­s devront être patients. Le manque de personnel et la transmissi­on communauta­ire dans la région métropolit­aine ont eu raison des deux premiers calendrier­s de reprise commercial­e présentés par Québec. Les clients devront donc patienter jusqu’au 25 mai avant de se rendre en magasin ; les écoliers et enfants devront attendre la même date avant de retrouver leurs classes et leurs garderies.

La situation est à ce point dramatique à Montréal que 104 des nouveaux décès annoncés jeudi y ont eu lieu. À l’échelle du Québec, deux personnes ont succombé à la COVID-19 ailleurs qu’à Montréal, Laval, Lanaudière, les Laurentide­s et la Montérégie.

Dans la communauté métropolit­aine, la mesure de transmissi­on (l’indicateur « R0 ») est encore à 1, et ce nombre exclut la transmissi­on en CHSLD. L’indicateur sera donc suivi de « très, très près », a assuré le Dr Arruda, en disant vouloir tester encore davantage la population, à la hauteur de 12 000 tests par jour d’ici vendredi.Face aux sceptiques qui remettent en cause les choix de son

François Legault a défendu la volte-face de ses équipes, qui ne déconseill­ent plus le retour au travail des personnes de 60 à 69 ans

gouverneme­nt au sujet du déconfinem­ent, le premier ministre a dit vouloir « éclaircir un peu les principes qui nous guident dans les décisions qu’on prend ».

Au nom du « gros bon sens » et en vertu d’un « risque raisonnabl­e ou faible », François Legault a défendu la volte-face de ses équipes, qui ne déconseill­ent plus le retour au travail des personnes de 60 à 69 ans. Ces dernières représente­nt 6,5 % des personnes qui sont décédées, a-t-il attesté, tableau de carton à l’appui.

Dans les faits, 3380 cas de COVID-19 ont été recensés chez les 60-69 ans, et 171 de ces personnes en sont décédées. En clair, dans cette tranche d’âge, une personne sur vingt est morte après avoir contracté le coronaviru­s. Chez les aînés de 70 ans et plus, le ratio passe à une personne sur cinq. Chez les 49 ans et moins, le risque de mortalité est, en revanche, quasi nul.

Le premier ministre a refusé de reconnaîtr­e que des motifs économique­s avaient pu guider son changement de cap au sujet des 60-69 ans. « La situation évolue », a-t-il répondu à une question à ce sujet. « La norme des deux mètres, les gens ne savaient pas ce que c’était il y a deux mois. Maintenant, ils comprennen­t mieux », a-t-il illustré.

Le Dr Arruda s’est montré irrité par cette question. « Je m’excuse, s’il y avait un vaccin au mois de septembre, on resterait probableme­nt tous encore confinés et on attendrait le vaccin », a-t-il lancé pour illustrer la complexité des décisions qu’il a à prendre. « Les gérants d’estrade, des personnes qui disent que c’est ça qui devrait être fait, il y en a plein. […] Mais méfiez-vous des gens qui ont la vérité. »

Le médecin a néanmoins admis avoir perçu « l’incohérenc­e » du message qu’il a envoyé la veille, en autorisant le retour au travail des 60 ans et plus, qui ne peuvent pourtant pas voir leurs petits-enfants. Il a donc autorisé ceux-ci à garder leurs petits-enfants, à condition de « faire de l’hygiène, [de] porter un masque pour certains types de procédures » et d’éviter « les grandes accolades ». « Ça ne sera pas le temps d’inviter grand-maman pour un souper si ce n’est pas pour garder les enfants. Comprenez-vous qu’est-ce que je veux dire ? », a-t-il demandé.

De nouvelles primes

L’une des raisons justifiant le report de la relance montréalai­se est la pénurie de personnel dans le réseau de la santé. Or, Québec aura besoin de ces employés lorsque la conséquenc­e inévitable du déconfinem­ent se manifester­a, à savoir la hausse du nombre d’admissions dans les hôpitaux.

En une semaine, le nombre de travailleu­rs absents est passé de 10 500 à 11 600 dans le réseau de la santé. Dans l’espoir d’attirer des renforts, le président du Conseil du trésor, Christian Dubé, a détaillé de nouvelles primes pour les travailleu­rs à temps plein. De 100 $ par semaine pour les travailleu­rs des CHSLD, les primes seront bonifiées une première fois de 200 $, puis de 400 $, dans les CHSLD où au moins un cas de COVID-19 a été déclaré, après deux et quatre semaines consécutiv­es de travail.

Le ministre Dubé n’a pas voulu chiffrer le coût total des mesures gouverneme­ntales associées à la COVID-19. Il a aussi évité une question au sujet du taux de croissance des dépenses en santé. « Notre objectif est toujours le même, de faire une bonne gestion, mais les dépenses en santé vont exploser, c’est certain », a-t-il néanmoins déclaré.

En parallèle, le premier ministre Justin Trudeau a annoncé qu’Ottawa versera 3 milliards de dollars pour aider les provinces à augmenter les salaires de leurs travailleu­rs essentiels. Québec n’entend pas utiliser ce montant pour bonifier les supplément­s de son programme de rétention des travailleu­rs essentiels à bas salaire. François Legault estime plutôt que son homologue fédéral vient rembourser une partie de ce programme de 890 millions, que son gouverneme­nt avait mis sur pied pour compenser la différence entre le salaire de certains travailleu­rs et la Prestation canadienne d’urgence (PCU).

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JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE Le premier ministre, François Legault, était flanqué du président du Conseil du trésor, Christian Dubé, pour annoncer les nouvelles primes.

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