Le Devoir

Une journée dans la vie d’un écolier

- MARCO FORTIER

Les enfants qui retournero­nt en classe à compter de lundi entreront dans un monde fait de flèches au sol, de barrières de plexiglas et de règles strictes, où il y a peu de place pour l’insoucianc­e. Chacun devra garder ses distances. Et se laver les mains, bien sûr.

Le Devoir a pu établir de quoi sera fait le quotidien des élèves et du personnel en consultant les directives du retour à l’école dans une série d’établissem­ents de trois commission­s scolaires, à Québec (où la rentrée aura lieu le 11 mai), ainsi qu’à Montréal et sur la Rive-Sud (la réouvertur­e y a été reportée d’une semaine, au 25 mai).

Chaque école a ses propres procédures, mais on peut dégager des façons de faire communes, toujours axées sur une priorité : la sécurité. Un incontourn­able, en pleine pandémie de coronaviru­s. L’heure est néanmoins à l’anxiété, tant chez les parents que chez le personnel scolaire.

Les tout-petits auront peut-être un mouvement de recul s’ils sont accueillis par des enseignant­s arborant masque, visière, gants et sarrau, comme le suggèrent des écoles. Pour limiter les contacts, les élèves n’arriveront pas tous en même temps à l’école. Ils n’entreront pas tous par la même porte. À l’intérieur, des espaces seront protégés par un mur de plexiglas.

Les enfants et les membres du personnel seront heureux de se revoir après deux mois de confinemen­t, mais la consigne est claire : pas de câlins. On reste à deux mètres de distance. En suivant les flèches ou les pastilles de couleur sur le plancher.

Les directions d’école ont aussi prévenu les parents : pour limiter le nombre d’élèves à un maximum de 15 par classe (dans certains locaux plus exigus, ce sera même huit ou dix élèves), il est possible que certains se retrouvent dans

un autre local, avec un autre enseignant. Peut-être pas avec leurs amis habituels. Certains, sans doute des grands de sixième année, iront dans une école secondaire si leur école déborde.

Par exemple, la Commission scolaire de la Capitale, à Québec, prévoit de loger une dizaine de groupes du primaire (environ 100 élèves) dans deux écoles secondaire­s, confirme la porteparol­e Véronique Gingras.

Une nouvelle routine

Une fois en classe, que se passera-t-il ? Attention : d’abord, on se lave les mains. Avec du savon désinfecta­nt à l’entrée de chaque local, comme à l’école Saint-Romain de Longueuil, que Le Devoir a visitée, ou encore au lavabo des toilettes. On fait la file. Deux mètres de distance. Puis on peut aller s’asseoir en classe.

Les pupitres seront placés à deux mètres l’un de l’autre. Plusieurs meubles ont été entreposés dans le gymnase ou au sous-sol. Les « matières de base » seront enseignées en priorité, a décrété le ministère de l’Éducation : français, maths. Dans certaines écoles, il y a des variations, en fonction des niveaux aussi. Mais en général, il faut s’attendre à faire peu ou pas de musique, d’arts plastiques ou d’éducation physique.

Envie de pipi ? Il y aura des périodes pour ça. Envie de te lever ? Attends la récréation de 20 minutes, qui se fera par petits groupes, à intervalle­s réguliers. Tu ne pourras pas jouer au ballon. Ni à la tag, bien sûr. Tu resteras bien sagement dans le périmètre qui t’est assigné dans la cour de récréation. Et les modules de jeux ? Ils sont interdits, évidemment !

Le repas du midi se prendra dans le local de classe. Le service de garde du matin et de l’après-midi, c’est dans le local de classe aussi. Les enfants passeront beaucoup, beaucoup de temps assis à leur pupitre.

Des parents méfiants

Les parents commencent à comprendre les conditions plutôt particuliè­res

Les élèves ne seront pas en confiance s’ils sentent que leur »

enseignant est inquiet SARA DION

du retour à l’école. Ils sont déchirés. Ils savent que leurs enfants ont besoin d’aller à l’école. Des parents n’auront pas le choix d’envoyer leurs enfants en classe, car ils doivent travailler. Mais ceux qui peuvent se permettre de garder leurs enfants à la maison y réfléchiss­ent sérieuseme­nt.

Les données préliminai­res des commission­s scolaires font état d’environ 60 % des élèves qui iront à l’école à compter de lundi, dans tout le Québec excluant le Grand Montréal.

« J’ai l’impression que ça ne va pas se passer tout en douceur partout. Si le prof est stressé, s’il a peur, il ne peut pas faire appel à ses réflexes de pédagogue. Les élèves ne seront pas en confiance s’ils sentent que leur enseignant est inquiet », dit Sara Dion, mère d’un garçon de première année dans une école du Plateau Mont-Royal.

Elle et son conjoint ont décidé de garder leur enfant à la maison. Marc-Étienne Deslaurier­s, président du Comité de parents de la Commission scolaire de Montréal (CSDM), a pris la même décision pour sa fille de quatrième année. Son poste de consultant en communicat­ion lui permet de travailler de la maison.

Il dit souhaiter que les quelques semaines de réouvertur­e des écoles servent de répétition pour la rentrée de l’automne. Et qu’on prévoie des périodes de rattrapage au début de la prochaine année. « L’année 2019-2020 est à oublier du point de vue pédagogiqu­e », déplore-t-il.

Olivier Lemieux, professeur en administra­tion scolaire à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), est déçu lui aussi par le peu d’importance accordé à l’enseigneme­nt en vue du retour en classe. L’attention a porté davantage sur la sécurité. Il souhaite que le ministère de l’Éducation profite des prochaines semaines pour peaufiner la pédagogie à l’ère de la pandémie.

Après tout, les élèves auront pris l’habitude de suivre les flèches par terre. On peut même penser qu’ils ont déjà le réflexe de laver leurs mains. Peut-être qu’ils pourront recommence­r à aller à l’école pour apprendre.

 ?? RYAN REMIORZ LA PRESSE CANADIENNE ?? Les nouvelles normes à respecter pour les élèves comprendro­nt des récréation­s de 20 minutes tenues par des petits groupes à intervalle­s réguliers, mais les modules de jeux resteront inaccessib­les.
RYAN REMIORZ LA PRESSE CANADIENNE Les nouvelles normes à respecter pour les élèves comprendro­nt des récréation­s de 20 minutes tenues par des petits groupes à intervalle­s réguliers, mais les modules de jeux resteront inaccessib­les.

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