Le Devoir

Retour en classe au secondaire pour élèves handicapés seulement

- MARIE-MICHÈLE SIOUI CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À QUÉBEC

Il n’y aura pas de retour à l’école au secondaire d’ici l’automne prochain… sauf pour les élèves lourdement handicapés, non autonomes ou ayant un trouble du spectre de l’autisme (TSA), révèle une note envoyée vendredi dernier par le ministère de l’Éducation.

Le courriel, dont Le Devoir a pris connaissan­ce, annonce que les écoles publiques « offrant des services régionaux ou suprarégio­naux de scolarisat­ion » et les écoles privées spécialisé­es en adaptation scolaire « s’ajoutent [au] retour en classe » les 11 et 19 mai, hors et dans le Grand Montréal. Elle a été envoyée avant le report de la rentrée montréalai­se au 25 mai.

La correspond­ance a été reçue avec surprise et incrédulit­é par le milieu scolaire. Pas moins de 45 écoles ont ce type de mandat au Québec, et certaines d’entre elles accueillen­t plus d’une centaine d’élèves avec des handicaps en leurs murs.

« Ce n’est pas la joie », a résumé la présidente de l’Associatio­n montréalai­se des directions d’établissem­ent scolaire, Hélène Bourdages. « Je questionne le fait qu’on dise aux enfants du secondaire : “c’est beau, restez à la maison” et qu’on oblige le retour des enfants les plus fragiles dans le réseau de niveau secondaire. Ça, je ne le comprends pas. »

La volonté des équipes est là, assure Mme Bourdages. Après tout, « on ne choisit pas d’aller dans des écoles pour enfants handicapés parce qu’on n’a pas ces élèves-là à coeur », insiste-t-elle. Sauf que le casse-tête est gigantesqu­e.

Dans plusieurs classes, le mobilier est attaché au sol. À certains endroits, des jeunes sont gavés ou nourris à la cuillère. Ailleurs, on doit changer les couches des élèves. Dans ce contexte, « la distanciat­ion physique, ça va être impossible », ont déclaré tous les intervenan­ts à qui Le Devoir a parlé.

À l’école secondaire de la Cité, à Québec, la directrice Brigitte Allard s’affairait cette semaine à préparer cette rentrée scolaire. Et elle était inquiète.

Elle a dit craindre que le matériel de protection qu’elle tient à fournir à ses équipes — visière, masque, sarrau — soit mal accueilli par les élèves. « Pour un élève qui a un TSA, de voir ses intervenan­ts déguisés comme ça, il va y avoir une incompréhe­nsion incroyable. Ils vont vouloir leur arracher les masques de sur la tête, ça, c’est clair », a-t-elle lancé.

« Pour moi, c’était le dernier secteur d’une école qui allait rouvrir, parce que ce sont des élèves qui sont incapables d’apprendre ce qu’est la distanciat­ion sociale », a-t-elle ajouté.

Elle a dit avoir appris la réouvertur­e de son école « à la dernière minute », jeudi, lorsque le ministre de l’Éducation,

Pour moi, c’était le dernier secteur d’une école qui allait rouvrir, parce que ce sont des élèves qui sont incapables d’apprendre ce qu’est la »

distanciat­ion sociale BRIGITTE ALLARD

Jean-François Roberge, y a fait allusion dans une réponse à la députée libérale Jennifer Maccarone. « Des directions peuvent avoir appris la nouvelle en écoutant la commission parlementa­ire », a d’ailleurs confirmé la Commission scolaire Marie-Victorin, dont fait partie l’école du Vent-Nouveau, citée en exemple par le ministre.

« C’est sûr que c’est un contexte particulie­r », a reconnu la porte-parole de la Commission scolaire de la Capitale, Véronique Gingras. « Mais en même temps, je pense que leur formation [des équipes], leur expertise, le fait qu’ils connaissen­t les élèves, ça va faire en sorte que le retour va bien se dérouler. »

La députée Maccarone, elle-même mère de deux enfants autistes, a déploré les méthodes du ministre Roberge, qui n’a pas averti les écoles plus tôt. Elle a néanmoins vu du positif dans cette annonce, qui pourra « soulager » bien des parents.

Dans la lettre envoyée aux écoles, le sous-ministre Éric Blackburn écrit précisémen­t cela ; que le retour à l’école « permettra non seulement de consolider les apprentiss­ages et de socialiser, mais aussi d’offrir un répit aux parents ».

Or, « on n’est pas tout à fait dans la mission de l’école », a fait remarquer Hélène Bourdages. « Le répit, ça appartient aux partenaire­s de la santé et des services sociaux. Mais ils sont débordés… » a-t-elle ajouté.

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