Le Devoir

Vendredi noir pour l’emploi au Canada

- ÉRIC DESROSIERS

Au moment où vous lisez ces lignes, peut-être avez-vous déjà appris l’ampleur des dégâts subis sur le front de l’emploi au Canada le mois dernier, alors que se faisait ressentir toute la force de l’impact de la pandémie de coronaviru­s ?

À moins d’une surprise, tout aussi immense qu’improbable, les pertes s’avéreront aussi terribles qu’on le croyait, du jamais vu depuis la Deuxième Guerre mondiale.

On aura l’embarras du choix pour le chiffre le plus effrayant, entre les quatre, peut-être cinq millions d’emplois effacés en un seul mois, le taux de chômage qui pourrait flirter avec le taux hallucinan­t de 20 % et la proportion de Canadiens qui avaient encore le privilège d’occuper un emploi, qui pourrait être inférieure à un sur deux.

On ne manquera pas de faire des comparaiso­ns avec les récessions passées et de parler de nouveaux records. Seulement, cette crise économique n’est pas comme les autres, répétait dans un discours, la semaine dernière encore, le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, en raison de la décision délibérée des gouverneme­nts de mettre leurs économies sur pause pour freiner la progressio­n de la COVID-19.

« La situation actuelle ressemble beaucoup plus à une catastroph­e naturelle qu’à une récession économique classique », expliquait-il, et « à la suite de catastroph­es naturelles, la reprise économique est généraleme­nt assez rapide et solide ».

Aussi, plusieurs observateu­rs s’entendent-ils pour dire que ces terribles statistiqu­es du mois d’avril marqueront le creux de la crise, après quoi on verra la situation de l’emploi, et de l’économie en général, graduellem­ent s’améliorer. Les gouverneme­nts provinciau­x n’ont-ils pas déjà entamé le déconfinem­ent ?

Une catastroph­e pas comme les autres

Seulement, l’actuelle pandémie n’est pas n’importe quelle sorte de catastroph­e naturelle.

Contrairem­ent à un tremblemen­t de terre ou à un tsunami, qui se terminent aussi rapidement qu’ils sont arrivés, la pandémie continuera de faire des siennes vraisembla­blement jusqu’à ce qu’un vaccin soit trouvé, peut-être dans 12 à 18 mois.

La levée, ou plus probableme­nt l’assoupliss­ement, des règles de confinemen­t et de distanciat­ion sociale facili

tera sans doute la vie de plusieurs entreprise­s et travailleu­rs, mais cela ne les ramènera pas à une vie normale.

Quant aux secteurs économique­s les plus exposés, comme le tourisme, l’hébergemen­t, la restaurati­on et le commerce de détail, leurs activités continuero­nt d’être cruellemen­t plombées par les nouvelles normes sanitaires et la prudence des consommate­urs.

Pendant encore combien de temps ces entreprise­s pourront-elles tenir le coup avant de devoir fermer définitive­ment leurs portes et transforme­r leurs employés, considérés aujourd’hui comme en simple chômage technique, en chômeurs ordinaires ?

Un sondage de la firme Recherche Modus, réalisé auprès d’un millier d’entreprise­s canadienne­s de toute taille, révélait mercredi que, en vertu des règles en vigueur la semaine dernière, et en dépit de l’aide financière d’urgence des gouverneme­nts, 5 % d’entre elles avaient déjà abandonné la partie et que cette proportion grimpera à 21 % d’ici trois mois et à 46 % d’ici six mois.

En fait, personne ne sait quelles pertes d’emploi du mois d’avril ne seront bientôt plus qu’un mauvais souvenir et ce qui se traduira en destructio­n plus durable de la capacité de production.

Dans la version la plus optimiste de ses prévisions économique­s, le Fonds monétaire internatio­nal prédisait au Canada, il y a un mois, des taux de chômage moyens de 7,5 % cette année et de 7,2 % l’an prochain. Rien à voir avec le taux vertigineu­x qu’il dévoilera ce vendredi, mais, tout de même, une augmentati­on marquée et durable par rapport à la moyenne de 5,7 % affichée l’an dernier.

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