Le Devoir

Un ancien président français accusé d’agression sexuelle

Valéry Giscard d’Estaing, 94 ans, est visé par une plainte déposée par une journalist­e allemande

- DAVID COURBET À BERLIN AGENCE FRANCE-PRESSE

L’ancien chef de l’Etat français, Valéry Giscard d’Estaing, 94 ans, est visé par une plainte pour agression sexuelle déposée par une journalist­e allemande qui l’accuse de lui avoir à plusieurs reprises touché les fesses fin 2018. Ann-Kathrin Stracke, journalist­e de 37 ans travaillan­t pour la télévision publique allemande WDR, a affirmé jeudi à l’AFP que l’actuel membre du Conseil constituti­onnel et ancien chef de l’Etat (1974-1981) lui a, à trois reprises, posé la main sur les fesses lors d’une interview réalisée dans son bureau parisien. Elle confirme ainsi des informatio­ns publiées mercredi soir par les quotidiens français Le Monde et allemand Süddeutsch­e Zeitung.

« J’ai décidé de raconter mon histoire parce que je pense que les gens doivent savoir qu’un ancien président français a harcelé sexuelleme­nt une journalist­e, en l’occurrence moi, après une interview », a-t-elle expliqué à l’AFP.

Elle a adressé sa plainte pour agression sexuelle au Parquet de Paris le 10 mars 2020. Elle est soutenue par son employeur qui a diligenté une enquête indépendan­te. Interrogé par l’AFP, le Parquet de Paris n’a pas voulu faire de commentair­e dans l’immédiat. Également sollicité, l’entourage de Valéry Giscard d’Estaing n’a pas non plus répondu à ce stade.

Les mains baladeuses

Les faits se seraient produits le 18 décembre 2018 pendant une interview avec M. Giscard d’Estaing, à l’occasion du 100e anniversai­re de la naissance d’Helmut Schmidt, ex-chancelier allemand qu’a côtoyé l’ancien président français lorsqu’il était à l’Élysée.

« Après l’interview, j’ai demandé à pouvoir faire une photo avec M. Giscard d’Estaing et mes collègues. Cette photo a été prise par son assistante qui était dans la pièce. J’étais debout à gauche de “VGE” [Valéry Giscard d’Estaing, ndlr] et, pendant la photo, il a mis sa main sur ma taille gauche, qui a ensuite glissé plus loin vers mes fesses et est restée là », déclare Mme Stracke.

Une situation qui se serait répétée à deux autres reprises juste après : lors d’une nouvelle photo et alors que l’ancien président lui montrait d’anciennes images de lui aux côtés d’autres chefs d’État ou de sa famille. « J’ai encore essayé de le repousser, mais je n’ai pas réussi », précise-t-elle.

Pour se libérer de cette situation qu’elle qualifie de « très dégradante », elle affirme avoir obtenu l’aide de son cameraman qui, renversant un abatjour et plaçant une chaise entre l’ancien président et la journalist­e, a cherché à faire diversion.

De retour à Cologne, où se trouve le siège de WDR, elle fait part de cette situation à son employeur qui prend l’histoire au sérieux. La direction de la chaîne mandate alors un cabinet d’avocats pour recueillir le témoignage de la journalist­e et de ses collègues.

« La WDR a accompagné et soutenu Ann-Kathrin Stracke depuis que l’incident a été connu, même lorsqu’elle a décidé de porter plainte », a déclaré à l’AFP une porte-parole de la chaîne.

Le média mandate ensuite un cabinet d’avocats français qui envoie en juin 2019 une lettre au bureau de M. Giscard d’Estaing, qui accuse réception quatre semaines plus tard. WDR y écrit ne pas pouvoir « tolérer que nos employés soient confrontés à de telles situations ».

La journalist­e décidera de porter plainte près d’un an plus tard et de raconter son histoire publiqueme­nt, encouragée par le mouvement #MeToo de libération de la parole des femmes pour combattre le harcèlemen­t sexuel. Avec cette plainte, Mme Stracke souhaite l’ouverture d’un « débat de société sur le harcèlemen­t sexuel et plus de courage pour s’exprimer et nommer les choses ».

Sachant que sa journalist­e allait publiqueme­nt révéler l’histoire, la WDR a à nouveau contacté en avril le bureau de Valéry Giscard d’Estaing pour lui demander des explicatio­ns. « Le 4 mai, l’avocat de M. Giscard d’Estaing a annoncé que le bureau de l’ancien président n’avait pas connaissan­ce des accusation­s criminelle­s et ne répondrait donc pas », explique la chaîne à l’AFP.

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THOMAS SAMSON / POOL / AFP Valery Giscard d’Estaing a dirigé la France de 1974 à 1981 et est toujours membre du Conseil constituti­onnel.

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