La crise amplifierait une action collective contre les CHSLD
La poursuite de 500 millions avait été autorisée l’automne dernier
La vaste action collective de 500 millions contre les CHSLD publics, qui a été autorisée l’automne dernier, pourrait prendre encore plus d’ampleur, avec une demande d’ajout de dédommagements pour les préjudices subis pendant la pandémie.
« Les infections et les décès [liés à la COVID-19] découlent directement des services déficients, inappropriés, et insuffisants qui étaient déjà offerts dans les CHSLD avant que la pandémie ne frappe le réseau », peut-on lire dans la requête déposée cette semaine au palais de justice de Montréal par le cabinet Larochelle Avocats.
La demande d’amendement vise à inclure trois nouveaux sous-groupes, soit tous les résidents ayant contracté la COVID-19, ceux qui sont hébergés dans un CHSLD où on dénombre au moins un cas positif, ainsi que les héritiers de tous les résidents décédés du coronavirus depuis le 11 mars dernier.
Parmi les 2725 décès rapportés en date de jeudi, 1726 ont été rapportés dans un CHSLD, soit 63,3 % des décès de la province liés à la COVID-19.
« Les [CHSLD], qui échouaient déjà avant la pandémie à offrir un lieu de vie substitut respectueux de la sûreté, l’intégrité, la dignité et l’honneur des résidents vulnérables des CHSLD publics, ont également échoué à protéger ces derniers des conséquences dramatiques de la pandémie de la COVID19, comme en font foi les nombreux cas d’infections et de décès des résidents », mentionne la requête.
Rappelons que le juge Donald Bisson a donné le feu vert à l’action collective en septembre 2019. Celle-ci vise le gouvernement du Québec et 22 CISSS et CIUSSS qui exploitent des Centres d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD) un peu partout au Québec.
Arrêt de mort
Chantal Downing ne ferme plus l’oeil de la nuit depuis le 14 mars dernier, lorsque Québec a annoncé que les visites étaient suspendues dans tous les CHSLD de la province. Hébergée depuis deux ans au CHSLD Laurendeau, sa mère, Denise Ouimet, s’est retrouvée au coeur d’un des plus importants foyers d’éclosion. « J’ai le coeur brisé », confie Mme Downing.
« Si ma mère développe des symptômes, elle risque de mourir. Je souhaite vraiment qu’ils n’aient pas signé son arrêt de mort », souffle celle qui souhaite agir à titre de co-représentante des trois nouveaux groupes.
Même si elle ne peut plus rendre visite physiquement à sa mère, Mme Downing a eu un accès inédit à ce qui se passe à l’intérieur des murs de l’établissement qui héberge sa mère de 83 ans.
« Il y a plusieurs caméras de surveillance installées légalement dans la chambre de ma mère. Au départ, c’était pour garder un oeil sur elle, sur son évolution. Elle partait d’un grand logement lumineux avec plusieurs pièces à une petite chambre », explique-t-elle.
Or, les images captées depuis le début de la pandémie, alors que les employés se savent filmés, ont déconcerté Mme Downing.
« Le 11 avril, on y voit une préposée aux bénéficiaires entrer dans la chambre de ma mère et baisser son masque pour lui parler », explique-t-elle.
Une scène similaire se reproduira quelques jours plus tard, mais cette fois l’employée n’avait tout simplement pas de masque. Le 30 avril, Mme Downing apprenait que sa mère avait été déclarée positive à la COVID-19.
« C’est inacceptable. Il y a du laxisme flagrant », dénonce Mme Downing. « Ma mère a tout fait pour se protéger, elle était dans sa chambre cachée dans un coin, mais à cause des conneries, elle risque de mourir », déploret-elle.
Autres cas
Le cas de sa mère est toutefois loin d’être isolé.
Collin Peres a été témoin de plusieurs lacunes dans les soins offerts à ses parents depuis leur admission au CHSLD Lachine en 2018. Il est arrivé fréquemment que ses parents manquent d’assistance pendant des jours. Leur hygiène laissait à désirer, ils devaient parfois attendre des heures pour qu’un membre du personnel les amène à la salle de bain.
Or, la situation s’est exacerbée pendant la pandémie et a coûté la vie à sa mère. Doris Desa et Frank Peres ont tous deux été déclarés positifs à la COVID-19 le 13 avril.
« Depuis le début de la pandémie, M. Peres constate que son père est négligé, qu’il a été laissé à lui-même pendant deux jours sans être nourri, lavé ou changé », est-il noté dans la requête.
Du 16 au 20 avril, M. Peres est sans nouvelles de ses parents. Il pourra effectuer un FaceTime le 20 avril avec sa mère, qui peine à parler et qui a l’air sévèrement déshydratée. Le lendemain de cet appel, l’établissement lui annonce le décès de sa mère.
Si la requête d’amendement est autorisée, les membres du groupe demandent des dédommagements allant de 2000$ à 100 000$ par résident.
Si ma mère développe des symptômes, elle risque de mourir. Je souhaite vraiment qu’ils n’aient pas signé son arrêt de mort CHANTAL DOWNING