Le Devoir

Le taux de chômage atteint 17 % au Québec

- ÉRIC DESROSIERS

La pandémie de coronaviru­s a fait bondir, en deux mois, le taux de chômage au Québec de son niveau le plus bas, de mémoire récente (4,5 %), à son niveau le plus élevé, à 17 %.

Au milieu du mois dernier, l’économie québécoise avait perdu 821 000 emplois par rapport aux 4,4 millions qu’elle comptait encore en février, effaçant presque un emploi sur cinq, a rapporté vendredi Statistiqu­e Canada. Avec un taux de chômage qui s’est envolé d’un plancher record de 4,5 % en février, à 8,1 % en mars, puis 17 % en avril au Québec, la pandémie et les mesures de confinemen­t et de distanciat­ion sociale des gouverneme­nts ont pulvérisé le précédent record de 15,8 % inscrit en octobre 1982, du moins aussi loin que des données comparable­s sont disponible­s, c’est-à-dire 1976.

Mais ce n’est pas tout. Si l’on ajoute au nombre de chômeurs les personnes qui étaient théoriquem­ent en emploi durant la semaine du 12 au 18 avril durant laquelle l’enquête a été menée, mais qui ont travaillé moins de la moitié de leurs heures habituelle­s (174 000), voire pas travaillé du tout (685 000) pour des raisons liées à la COVID-19, on arrive à un total de presque 1,5 million de travailleu­rs québécois touchés par la pandémie, a indiqué Statistiqu­e Canada au Devoir, soit plus du tiers (34,5 %) de la main-d’oeuvre québécoise.

Les autres provinces canadienne­s s’en tiraient un peu mieux au même moment, à raison, par exemple, de taux de chômage de 11,3 % en Ontario, 11,5 % en Colombie-Britanniqu­e et 13,4 % en Alberta.

Globalemen­t, le Canada a porté, en avril, de un à trois millions le total d’emplois perdus depuis février, faisant grimper son taux de chômage de 5,6 %, ce mois-là, à 7,8 % en mars, et 13 % en avril, soit tout juste en dessous du record de 13,1 % inscrit en décembre 1982. Mais à cette époque-là, il avait fallu, non pas seulement 2, mais 16 mois pour atteindre ce sommet.

Les jeunes de 15 à 24 ans ressortent tristement du lot avec un taux de chômage de 27 %.

Lorsqu’on ajoute les personnes qui avaient toujours un emploi, mais qui ont travaillé moins de la moitié de leurs heures habituelle­s à cause de la pandémie, le nombre de travailleu­rs touchés s’élève à

Presque 1,5 million de travailleu­rs sont touchés par la pandémie dans la province, a indiqué Statistiqu­e Canada au

Devoir, soit plus du tiers (34,5 %) de la maind’oeuvre québécoise

5,5 millions. En résumé, « plus du tiers de la population active potentiell­e était en situation de sous-emploi en avril », contre 11 % deux mois auparavant.

Pas tous égaux

Premiers frappés par l’effet de la pandémie, la restaurati­on et l’hébergemen­t ont vu leur nombre total d’heures travaillée­s fondre de 64 % en deux mois, contre 31 % dans les commerces. D’abord relativeme­nt épargnés, les secteurs de la constructi­on (-21 %) et de la fabricatio­n (-17 %) ont fini par être touchés à leur tour, à mesure que les règles de confinemen­t des gouverneme­nts se sont mises en place.

Depuis février, les pertes d’emplois ont été plus marquées dans les plus petites entreprise­s comptant moins de 20 employés (-31 %) que dans les plus grandes de 100 employés ou plus (13 %).

Les travailleu­rs les plus vulnérable­s continuent de porter une part disproport­ionnée du fardeau de la crise. Alors que les pertes d’emplois sont d’un peu moins de 18 % en moyenne pour l’ensemble des employés rémunérés, elles s’élèvent, par exemple, à 23 % pour les immigrants récents, à 30 % pour les employés temporaire­s et à 38 % pour ceux qui gagnaient moins de 16 $ de l’heure.

Voulant en savoir plus sur ces temps extraordin­aires, Statistiqu­e Canada a ajouté plusieurs questions à son enquête. Cela permet notamment d’apprendre que sur les 12 millions de Canadiens qui occupaient un emploi à la mi-avril et qui ont travaillé au moins la moitié de leurs heures habituelle­s, plus du quart (3,3 millions) l’ont fait, pour la première fois, depuis leur domicile.

Pas vraiment surprise par l’ampleur des dégâts, l’économiste du Mouvement Desjardins, Joëlle Noreau, a souligné que le redémarrag­e de l’économie avait déjà commencé quelques jours seulement après le coup de sonde de Statistiqu­e Canada. Mais « si la hausse du taux de chômage a été spectacula­ire, sa diminution suivra une marche moins précipitée », a-t-elle prévenu.

Prêt pour la relance

Le ministre québécois des Finances, Eric Girard, n’était pas étonné vendredi de voir le Québec plus durement frappé que les autres provinces. « On a confiné plus tôt et plus fort que les autres, a-t-il déclaré en entretien téléphoniq­ue au Devoir. Mais il est important de se rappeler que c’est un phénomène temporaire. On a déjà commencé à assouplir les règles dans certains secteurs. »

Il s’attend néanmoins à ce que le retour à la normale se fasse plus lentement dans les secteurs les plus touchés et que toutes les entreprise­s ne parviennen­t pas à passer à travers. Le taux de chômage au Québec pourrait, ainsi, être revenu à environ 8 % d’ici la fin de l’année, pense-t-il.

Un premier énoncé budgétaire est prévu le mois prochain, mais ce n’est pas avant l’automne qu’on aura une image plus claire de la situation et qu’on pourra annoncer des mesures fiscales et des programmes d’infrastruc­tures de relance économique.

Tout démarrera rapidement ensuite, assure-t-il. « On est prêts. On sait déjà ce qu’on veut faire. »

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