La confiance dans le déconfinement s’amenuise
Plusieurs dirigeants internationaux ont appelé vendredi, pour le 75e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, à retrouver l’esprit de cette époque pour affronter la pandémie du nouveau coronavirus qui déstabilise le monde. Dans un discours à la BBC, la reine Élisabeth II a appelé les Britanniques à « ne jamais perdre espoir ».
Le chef de l’État allemand, lui, a fait le parallèle, mais pour refuser la tentation des replis nationalistes. « Nous ne devons pas accepter que l’ordre de paix » mis en place à partir de 1945 « parte en fumée sous nos yeux », a dit le président Frank-Walter Steinmeier dans un discours à Berlin. « Nous voulons plus et pas moins de coopération dans le monde, y compris dans la lutte contre la pandémie. »
La pandémie du nouveau coronavirus a fait au moins 271 780 morts dans le monde depuis son apparition en décembre en Chine, selon un bilan établi par l’AFP vendredi soir. Plus de 3 896 790 cas d’infection ont été officiellement diagnostiqués dans 195 pays et territoires depuis le début de l’épidémie. Les pays qui ont enregistré le plus de nouveaux décès sont les ÉtatsUnis avec 1635 nouveaux morts, le Royaume-Uni (626) et le Brésil (610).
L’Italie a passé vendredi la barre des 30 000 morts causés par l’épidémie de coronavirus, devenant le deuxième pays européen à franchir ce seuil symbolique, après le Royaume-Uni mardi. Malgré ce lourd bilan, les autres chiffres publiés sont encourageants. Le nombre de nouveaux décès est ainsi inférieur à celui enregistré jeudi (+274) ou mercredi (+369). Le nombre total de malades poursuit en outre sa baisse et atteint désormais 87 961 contre 89 624 la veille, de même que le nombre de malades en soins intensifs, 1168 contre 1311 jeudis.
Scepticisme américain
Les États-Unis, qui ont recensé leur premier décès lié au coronavirus début février, sont le pays le plus touché tant en nombre de morts que de cas, avec 77 178 décès pour plus de 1 280 000 cas. Au moins 195 036 personnes ont été déclarées guéries. Une large majorité d’Américains se disent d’ailleurs inquiets que le prix du déconfinement en cours dans le pays soit trop lourd à payer en termes de vies humaines, selon un sondage publié vendredi.
Selon cette enquête de l’institut Ipsos pour ABC News, 64 % des sondés estiment que la reprise de l’activité économique « ne vaut pas la peine parce que cela coûtera des vies humaines ». Cette inquiétude se fait surtout sentir chez les électeurs démocrates (92 %), les minorités ethniques (84 %) et les femmes (72 %). Face à une crise économique majeure, plusieurs États américains ont annoncé un assouplissement des mesures de confinement et la réouverture de certains commerces et entreprises, avec
Je ne dis pas que tout est parfait. […] Est-ce que certains vont être durement touchés ? Oui. Mais nous devons ouvrir notre pays et nous devons l’ouvrir » bientôt DONALD TRUMP
le soutien du président américain qui s’est dit prêt à assumer le risque de victimes supplémentaires. « Je ne dis pas que tout est parfait. […] Est-ce que certains vont être durement touchés ? Oui. Mais nous devons ouvrir notre pays et nous devons l’ouvrir bientôt », a-t-il lancé mardi lors d’une visite dans une usine de masques respiratoires.
Selon Ipsos, 57 % des sondés désapprouvent sa façon de gérer la crise, contre 42 % qui soutiennent l’action présidentielle. Alors que plusieurs essais de vaccins sont en cours dans le monde, un quart des sondés se disent toutefois méfiants et ne pensent pas se faire vacciner, même si le vaccin est « sans risque et efficace ».
Washington a, par ailleurs, accusé vendredi la Chine et la Russie d’avoir « accéléré » leur coopération en matière de « propagande » et de « désinformation » à la faveur du nouveau coronavirus, dans une nouvelle escalade de la guerre des mots sino-américaine sur l’origine de la pandémie.
« Avant la crise liée à la COVID-19, nous avions déjà constaté un certain niveau de coordination entre la Russie et la République populaire de Chine en matière de propagande », a déclaré Lea Gabrielle, coordinatrice du centre du département d’État américain chargé d’analyser et de contrer la propagande étrangère. « Mais avec cette pandémie, la coopération s’est rapidement accélérée », a-t-elle ajouté lors d’une conférence téléphonique avec des journalistes. Selon elle, cette « convergence est le résultat du pragmatisme des deux acteurs, qui veulent modeler la lecture de la pandémie de COVID-19 par l’opinion dans leur propre intérêt ».
Fin mars, alors que le président américain et son homologue chinois, Xi Jinping, avaient conclu une trêve informelle dans la guerre des mots entre les deux grandes puissances sur l’origine de la maladie, Washington s’était félicité de voir la Chine ne plus propager de théories complotistes sur Internet au sujet d’une implication américaine. Mais la trêve a rapidement volé en éclats.
Le déconfinement bat de l’aile
Madrid et Barcelone, les deux plus grandes villes espagnoles, ne passeront pas lundi à la nouvelle étape du déconfinement, contrairement à d’autres régions où les terrasses pourront rouvrir et les gens se réunir avec leurs proches, a annoncé vendredi le gouvernement. De même, en Allemagne, deux jours seulement après l’annonce d’un retour progressif à la normale, un canton a dû réintroduire le confinement vendredi et deux autres y songent vu le nombre de contaminations reparti à la hausse.
Avec plus de 31 000 personnes mortes de la COVID-19 au Royaume-Uni, le ministre de l’Environnement George Eustice, a souligné vendredi que son pays n’était « pas tiré d’affaire », de quoi doucher les espoirs de déconfinement. « Il n’y aura pas de changements spectaculaires du jour au lendemain, nous serons très très prudents lorsque nous assouplirons les restrictions actuelles, car les données que nous présentons chaque jour montrent que nous ne sommes pas tirés d’affaire », a déclaré M. Eustice au cours du point de presse quotidien du gouvernement sur la pandémie.