Pour relancer l’économie, investissons dans une transition écologique juste
Cher Steven, mon député à Ottawa,
Dans quelques jours ce sera la fête des Mères. Avec le mouvement Mères au front, nous avions prévu d’organiser une grande manifestation sur la colline parlementaire à Ottawa, là où se prennent beaucoup de décisions qui ont de grandes répercussions. Je m’attendais à ce que le 10 mai 2020 passe à l’histoire comme un tournant dans la mobilisation pour le climat, tant le désir de protéger ceux et celles à qui l’on a donné la vie est puissant, tant la colère de mères, de grands-mères et d’arrièregrands-mères était retentissante.
Soudainement, on rejoignait des gens qui ne s’étaient jamais mobilisés pour l’environnement, mais qui, pour protéger l’avenir de leurs enfants, étaient prêts à aller très loin. On voulait mettre de la pression sur tous les élu(e)s, d’un océan à l’autre et du nord au sud. Certaines d’entre nous parlaient de désobéissance civile et de grève de la faim. Puis la COVID-19 s’est répandue… Voilà que nous nous sommes retrouvées sur un tout autre front : protéger la santé et la sécurité de nos aînés et des personnes vulnérables contre un danger immédiat.
Steven, je te connais depuis longtemps et je sais que tu fais de la politique pour les bonnes raisons. Nous n’avons pas toujours eu la même vision stratégique, mais je sais que, comme tant d’autres citoyens et citoyennes qui s’engagent de mille et une façons, nous sommes habités par le même désir profond de protéger l’avenir de nos enfants, de mettre nos vies au service du bien commun. Aujourd’hui, je t’écris à titre de mère au front pour Colin, Alphée, Justine, Gabriel, Félix, Soledad, Lilou, Belem, Riopel, Salvador, Morgan, Édouard, Viviane, Madeleine et tant d’autres.
Je sais que tu travailles à une « relance verte » avec d’autres ministres. Pour qu’elle soit vraiment écologique, il faudra changer de paradigme économique, ce qui exigera beaucoup de courage politique. Comme tu le sais, on ne peut pas continuer à externaliser les coûts environnementaux et sociaux comme on le fait.
En détruisant les bases de la vie sur Terre, nous détruisons l’avenir de nos enfants. La population le comprend de mieux en mieux. Même en Alberta, des mères montent au front. Les priorités doivent changer, comme nous le rappelle la crise actuelle. Agir de manière responsable implique de faire passer tous nos choix individuels et collectifs à travers le crible de leurs impacts sur la santé, tant des humains que des écosystèmes. Si on ne se met pas à l’écoute de la science, les crises comme celle que nous vivons actuellement se multiplieront et s’intensifieront. Agissons en prévention. Aplatissons la courbe des émissions de gaz à effet de serre et plus largement de la pollution.
Pour y parvenir, mettons un terme à toutes subventions au secteur des énergies fossiles. Cela comprend un abandon immédiat du projet de réfection de Trans Mountain, maintenant estimé à plus de 12 milliards de dollars. Les fonds publics ne doivent pas accélérer la crise climatique. Ce sont les travailleurs et travailleuses du secteur pétrolier et leurs communautés qu’il faut accompagner directement dans une transition juste. Pas un sou ne devrait aller à des entreprises qui détruisent les bases de la vie sur Terre ni à celles qui dissimulent leurs profits dans des paradis fiscaux.
Pour relancer l’économie, investissons dans une transition écologique juste. Adoptons des mesures qui permettront de répondre d’abord aux besoins humains dans le respect des limites des écosystèmes. Donnons-nous les moyens de réduire la taille de notre empreinte écologique et de créer de la richesse sociale en finançant le réaménagement de nos milieux de vie, l’agriculture biologique régénératrice locale, la réduction du gaspillage (notamment alimentaire), l’économie circulaire, l’efficacité énergétique, le transport collectif, la rénovation et la construction écologiques, la production d’énergies renouvelables, l’économie sociale, etc. La plus grande richesse naturelle du Canada n’est pas son pétrole, mais ses citoyens et citoyennes, et un environnement sain. Nous avons des compétences et des connaissances extraordinaires et surtout une capacité à innover et à coopérer solidairement comme peu de pays dans le monde. Elles sont là, nos forces. Mettons-les au service du bien commun.
La souffrance générée par le coronavirus doit nous servir de leçon quant à l’importance d’agir en prévention pour nos aînés et toute la société. Comme bien des crises, celle-ci est une occasion de nous réinventer, de revoir nos priorités et de réfléchir à ce qui compte vraiment. Nous avons une occasion historique qui nous permettrait de démontrer à nos enfants que nous pouvons mettre l’économie au service du bien commun.
Nous sommes à la croisée des chemins. L’avenir de nos enfants se décide maintenant. Steven, nous avons besoin de ton courage et de ta détermination pour qu’enfin on passe de la parole aux actes.