Le Devoir

Prêts pas prêts, c’est parti pour les commerçant­s

Après deux reports, la date du 25 mai signe la réouvertur­e des magasins de Montréal

- ANNABELLE CAILLOU

L’heure était aux derniers préparatif­s dimanche pour les commerçant­s de la grande région de Montréal. Après deux mois de fermeture, c’est partagés entre la joie et l’appréhensi­on qu’ils s’apprêtaien­t à accueillir de nouveau les clients qui attendaien­t leur réouvertur­e avec impatience.

« On est vraiment contents de pouvoir retrouver nos clients, de pouvoir discuter avec eux et les conseiller en personne. Les commandes sur Internet, ce n’est vraiment pas la même chose. Plusieurs clients nous ont même appelés cette semaine pour s’assurer qu’on rouvrait », confie Chantal Michel, propriétai­re de la librairie Raffin située sur la Plaza Saint-Hubert. Elle était en train d’arracher une affiche en vitrine qui annonçait la fermeture temporaire de la librairie en raison de la pandémie de COVID-19, lorsque Le Devoir l’a croisée dimanche.

À l’intérieur, quelques employés s’occupaient des derniers détails : disposer les livres en vitrine, faire des marquages au sol pour la file d’attente à la caisse ou encore coller des affiches pour rappeler à tous de se laver les mains souvent, de tousser dans son coude et de maintenir une distance de deux mètres entre chaque personne.

Dernière sur la liste, la grande région de Montréal pourra enfin rouvrir ses magasins de détail possédant une porte donnant sur l’extérieur lundi. Initialeme­nt prévue le 11 mai, la date du déconfinem­ent a été décalée à deux reprises par Québec, la situation n’étant pas encore maîtrisée dans les hôpitaux de la métropole.

Les commerçant­s ont au moins eu le temps de peaufiner leur organisati­on du travail et l’accueil des clients afin de respecter les mesures de santé publique pour freiner la propagatio­n du coronaviru­s. Certains se sont même appuyés sur l’expérience de leurs confrères en région.

Parois de Plexiglas, station de lavage des mains, port du masque recommandé ou obligatoir­e, paiement par carte uniquement et limitation du nombre de clients : des changement­s que les commerçant­s ont adoptés sans rechigner, pressés de pouvoir relancer leurs affaires et soucieux de protéger leurs employés et leurs clients.

« Ça fait plusieurs semaines que tout est installé. On a passé les derniers jours à bien définir les tâches avec les employés et on a fait un dernier gros ménage vendredi », explique au téléphone Renée Drolet, propriétai­re de l’entreprise Chocolat Chocolat, qui a une boutique dans le quartier Villeray.

Spécialisé­e dans la vente d’accessoire­s pour la préparatio­n de chocolats — ce qui implique la manipulati­on de moules et autres contenants —, elle compte pour sa part imposer le port du masque et de gants autant aux employés qu’aux clients. « On n’a pas le choix. On ne peut pas commencer à tout désinfecte­r après chaque personne, explique Mme Drolet. Bien sûr, on

fournit le matériel de protection. »

Elle a d’ailleurs confection­né ellemême près de 400 masques depuis le début de la pandémie. Certains ont été envoyés aux clients réguliers, une sorte d’invitation pour le moment de la réouvertur­e. À la veille du grand jour, elle était encore plongée dans la couture. « Tout est prêt, mais je suis quand même nerveuse, avec la gestion des employés et des clients qui sont déjà plusieurs à s’être assurés qu’on rouvrait.

Alors, je continue à faire des masques jusqu’à ce soir, ça va me permettre de ne pas trop y penser, c’est thérapeuti­que », confie-t-elle.

De son côté, la propriétai­re d’Eco Loco, qui partage un local avec Frëtt Design rue Beaubien, ne compte pas rouvrir ses portes avant mercredi ou jeudi. « On avait commencé à s’organiser pour le 11 mai, mais on a tout laissé tomber quand la date a été décalée. On a mis toute notre énergie dans la vente en ligne plutôt. Mardi dernier, j’étais persuadée que ça allait encore être reporté », indique Geneviève St-Amour, expliquant ne pas être prête à accueillir les clients dès lundi. Dimanche, elle était en train de remettre les mannequins en vitrine et de sortir les vêtements d’été.

« Je prends mon temps, j’y vais un jour à la fois. On pense à réduire les heures d’ouverture peut-être, ou à fermer certains jours, selon l’achalandag­e. Car, si finalement il n’y a personne, on risque de tomber dans un gouffre financier », explique-t-elle, persuadée que nombre de ses clients vont préférer continuer à commander en ligne.

Achalandag­e à prévoir

Mais aux yeux de Stéphane Drouin, directeur général du Conseil québécois du commerce de détail, les consommate­urs seront au rendez-vous. « On l’a vu hors de Montréal, les gens vont recommence­r à magasiner. Ils sont confinés depuis deux mois, ils ont envie de sortir, ils ont besoin de contacts humains, et c’est aussi ça qu’offre l’expérience dans un commerce. »

Si, selon lui, l’achalandag­e sera moindre qu’avant la crise, il affirme que les clients qui se déplacent en boutique ressortent quasi systématiq­uement avec un achat. « Les gens veulent moins faire du lèche-vitrines qu’avant, mais s’ils prennent la peine de se déplacer en boutique, c’est qu’ils vont vraiment acheter. »

On pense à réduire les heures d’ouverture peutêtre, ou à fermer certains jours, selon l’achalandag­e. Car, si finalement il n’y a personne, on risque de tomber dans un gouffre financier.

GENEVIÈVE ST-AMOUR »

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VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR Chantal Michel, propriétai­re de la librairie Raffin sur la rue Saint-Hubert, se préparait dimanche pour la grande réouvertur­e du lendemain.
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