Legault entrouvre la porte aux réfugiés oeuvrant en CHSLD
Les dossiers des demandeurs d’asile seront étudiés « un par un », dit-il
Le premier ministre du Québec, François Legault, hésite encore à régulariser le statut des demandeurs d’asile qui sont au front dans la lutte contre la COVID-19. Il leur propose, pour l’heure, d’étudier leurs dossiers « un par un ».
« Je ne veux pas envoyer le message qu’à l’avenir, nous accepterons tout le monde s’ils trouvent un emploi au Québec », a-t-il affirmé lundi en anglais, lors de son point de presse quotidien.
Reste que « nous avons une situation [complexe] », a-t-il reconnu. « C’est toujours difficile de trouver des gens pour travailler en CHSLD, et ces personnes [les demandeurs d’asile] y travaillent déjà. »
Pour cela, le chef du gouvernement a dit avoir demandé « spécifiquement » au ministre de l’Immigration, Simon Jolin-Barrette, « de regarder les cas, un par un, pour voir si on est capables de les qualifier comme immigrants et de les accueillir chez nous, non pas comme réfugiés, mais comme immigrants ».
L’avocat spécialisé en immigration Stéphane Handfield y a vu une référence à la création d’un programme spécial qui permettrait au gouvernement Legault de délivrer des Certificats de sélection du Québec (CSQ). « Munie de ce document-là, la personne pourrait soumettre au fédéral sa demande de résidence permanente, entre autres pour des considérations humanitaires », a-t-il illustré.
Pas si vite, a répondu le bureau du premier ministre. « On n’est vraiment pas rendus dans ces “technicalités”-là », a affirmé l’attaché de presse de François Legault, Ewan Sauves. La volonté du premier ministre est plutôt de « regarder la situation de chaque [demandeur d’asile] dans le réseau, de les dénombrer, de savoir de combien de personnes il s’agit », a-t-il détaillé.
Québec n’est « pas du tout » arrivé au stade de créer un programme et, de toute façon, la délivrance d’un CSQ ne « vaut pas grand-chose » si le gouvernement fédéral n’accepte pas de délivrer des statuts de résidence permanente, a-t-il souligné.
En point de presse à Montréal, François Legault a dit voir dans l’étude des dossiers une manière de « dire merci » aux demandeurs d’asile qui sont à pied d’oeuvre dans les CHSLD. Il a en outre dit poursuivre ses discussions et ses recherches afin de trouver un moyen d’attirer, « par le processus régulier d’immigration », de futurs employés de CHSLD.
Impossible d’en savoir davantage au bureau du ministre de l’Immigration. L’attachée de presse du ministre JolinBarrette n’a pas répondu aux questions du Devoir.
Changement de discours
Le 13 mai, la Coalition avenir Québec a refusé de discuter, au Salon bleu, d’une motion de la députée indépendante Catherine Fournier à propos des demandeurs d’asile.
« Pas de consentement » pour débattre, a répondu Éric Caire après que l’élue eut suggéré à Québec de demander « au gouvernement canadien de régulariser rapidement [le] statut d’immigration [des demandeurs d’asile], dans un souci de reconnaissance du travail accompli durant la crise sanitaire actuelle ».
Pressé de questions à ce sujet, François Legault a écarté jeudi dernier la possibilité de régulariser le statut de ces travailleurs. « On ne peut pas ouvrir la porte et dire : “Si vous venez illégalement, si vous trouvez un travail, c’est OK, on va vous accepter comme immigrant”. Ce n’est pas comme ça que ça marche », a-t-il déclaré.
Le gouvernement fédéral fait face à des pressions semblables. Des manifestants dispersés dans une cinquantaine de véhicules se sont rendus devant les bureaux montréalais du premier ministre Justin Trudeau samedi. Ils y ont réclamé un statut spécial pour les demandeurs d’asile qui contribuent à la lutte contre la COVID-19. Une pétition exigeant la création d’un programme spécial pour ces mêmes demandeurs d’asile a aussi été envoyée au premier ministre canadien. Elle avait récolté près de 2500 signatures lundi.
Un tel programme a été créé à la suite du séisme de 2010 en Haïti. « Québec avait élargi la définition de rassemblement familial afin de permettre à plus de gens de parrainer des membres de la famille pour des considérations humanitaires », a rappelé Me Handfield. « Ça s’est déjà vu dans le passé, donc ce ne serait pas un précédent dans une situation exceptionnelle », a-t-il ajouté.