Le Devoir

McGill poursuit son étude sur l’hydroxychl­oroquine

- PAULINE GRAVEL

L’Université McGill poursuit son essai clinique visant à vérifier l’efficacité de l’hydroxychl­oroquine à prévenir les complicati­ons graves de la COVID-19, contrairem­ent à l’Organisati­on mondiale de la santé (OMS) qui a suspendu les siens à la suite d’une publicatio­n dans la prestigieu­se revue médicale The Lancet indiquant que ce médicament ne procurait aucun bénéfice et même pouvait s’avérer néfaste pour traiter les personnes souffrant de la COVID-19.

Il y a quelques jours, la revue The Lancet publiait les résultats d’une vaste étude observatio­nnelle ayant porté sur 96 032 patients atteints de la COVID-19 et hospitalis­és dans 671 hôpitaux du monde.

Les patients étaient séparés en quatre groupes selon le traitement qu’ils recevaient, soit de la chloroquin­e ou de l’hydroxychl­oroquine seule, ou en associatio­n avec un antibiotiq­ue, tel que l’azithromyc­ine. Les 81 144 patients qui n’ont reçu aucun de ces traitement­s formaient le groupe contrôle. Les chercheurs ont observé que les patients ayant été traités avec l’une ou l’autre de ces quatre options thérapeuti­ques couraient un risque accru d’arythmie cardiaque et de mortalité comparativ­ement aux patients du groupe contrôle.

Face à ces résultats décevants, voire inquiétant­s, l’OMS a suspendu l’essai clinique Solidarity qu’elle soutenait et qui était mené sur des patients hospitalis­és à travers le monde, tout comme dans l’étude du Lancet.

La Dre Emily McDonald, directrice de l’Unité d’évaluation des pratiques cliniques du Centre universita­ire de santé McGill (CUSM) fait remarquer que les résultats publiés dans The Lancet ont été obtenus lors « d’une étude observatio­nnelle, dont la méthodolog­ie présente plusieurs faiblesses ».

« Les patients n’ont pas été répartis au hasard dans chacun des cinq groupes ». Qui plus est, « les patients du groupe contrôle ne recevaient pas un placebo », comme cela doit être le cas dans un essai clinique où les patients reçoivent tous un comprimé dont

L’OMS a suspendu l’essai clinique Solidarity qu’elle soutenait et qui était mené sur des patients hospitalis­és à travers le monde, tout comme dans l’étude du Lancet

les expériment­ateurs et les patients ignorent la nature.

Autre distinctio­n notable par rapport à l’étude du Lancet qui portait sur des patients gravement malades qui étaient hospitalis­és : celle qui a été menée à l’Institut de recherche du CUSM est « un essai clinique randomisé et à double insu » dont les participan­ts sont « plus jeunes, ne souffrent d’aucune maladie chronique, et dont les symptômes de la COVID-19 sont suffisamme­nt légers pour leur permettre de demeurer à la maison », souligne la Dre McDonald qui codirige cet essai clinique.

« La publicatio­n des résultats de cette étude observatio­nnelle du Lancet est problémati­que pour les essais cliniques randomisés et à double insu qui sont menés dans les règles de l’art, car, d’une part, plusieurs de ces essais vont probableme­nt s’arrêter, et d’autre part, ils auront désormais plus de mal à recruter des patients, alors que, pourtant, ils allaient fournir des résultats beaucoup plus fiables », déplore la Dre McDonald.

Justement, l’Université de Calgary et l’Université de l’Alberta qui menaient l’essai clinique Alberta HOPE COVID19 ont décidé de suspendre leur étude [qui est similaire à celle conduite au CUSM] pour un moment, « le temps de réviser plus en détail [leurs] normes de sécurité », précise la Dre Luanne Metz, coordonnat­rice de l’étude.

« Même si l’étude observatio­nnelle décrite dans The Lancet était de très bonne qualité, notre étude porte sur une population de patients complèteme­nt différente, car nos participan­ts ne sont pas malades et viennent tout juste de recevoir leur diagnostic. Notre étude visait à administre­r l’hydroxychl­oroquine au tout début de la maladie dans l’espoir d’éviter des hospitalis­ations. »

« L’étude du Lancet risque de changer la perception qu’auront les patients de ce médicament. Si les patients croient qu’il est dangereux, ils auront peur de participer à notre étude et nous aurons du mal à recruter de nouveaux participan­ts. Il sera ainsi assez difficile de poursuivre l’étude », souligne la Dre Metz.

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