Le Devoir

Une « étincelle » dans l’oeil de Guy Laliberté

Robert Lepage détaille son appui au « projet artistique » que suppose le rachat du Cirque par son fondateur

- CAROLINE MONTPETIT

C’est surtout d’un point de vue créatif que Robert Lepage se montre enthousias­te à l’idée du rachat du Cirque du Soleil par son fondateur, Guy Laliberté. Le dramaturge croit que l’ancien échassier de Baie-Saint-Paul est la personne la mieux placée pour donner une nouvelle impulsion artistique à la compagnie, au-delà du sauvetage financier immédiat et de la volonté de garder le Cirque au Québec.

« On est un groupe de metteurs en scène qui l’ont appelé et qui lui ont dit que c’était tellement logique et normal » qu’il se réinvestis­se dans le Cirque du Soleil, explique M. Lepage. Ce dernier est derrière deux des spectacles du Cirque qui roulaient encore au moment du déclenchem­ent de la crise, soit Totem et Ka.

« Je n’ai pas tous les détails. J’ai vu qu’il faisait allusion à l’idée de repenser le Cirque. Ce qui nous intéresse, souligne-t-il, c’est le projet artistique. »

« Je vois l’étincelle dans son oeil. Je le vois vraiment animé par une vision », dit-il, ajoutant que Laliberté a toujours voulu faire d’un spectacle de cirque « une expérience » pour le spectateur.

Intuitif, Guy Laliberté ne perd pas beaucoup de temps en argumentat­ions intellectu­elles, souligne le dramaturge. C’est aussi un homme « extrêmemen­t patient », ajoute-t-il, et cette patience sera sûrement nécessaire au cours des prochains mois dans le domaine des arts vivants.

M. Lepage rappelle que Guy Laliberté a vendu la majorité des actions

Je le vois vraiment »

animé par une vision ROBERT LEPAGE

du Cirque du Soleil à des consortium­s américain et chinois, notamment parce que l’immense machine qu’il avait créée l’empêchait de poursuivre ses ambitions.

Durant un certain temps, Laliberté avait conservé 10 % des actions du Cirque, ce qui rassurait les créateurs sur le fait que des artistes demeuraien­t à ses commandes, mentionne M. Lepage. Ensuite, Laliberté a vendu ses actions à la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui en est toujours propriétai­re aujourd’hui.

Question de « vision »

Le directeur général de la Tohu, Stéphane Lavoie, fait valoir que le Cirque du Soleil participe au rayonnemen­t de Montréal, comme phare mondial des arts du cirque, dont il est aussi un gros employeur.

« Il y a des métiers qui auraient disparu ici sans le Cirque du Soleil, résume-t-il. On parle d’argent et de priorités, mais à la base, cela prend du talent et des idées pour faire un bon show. Guy amène cette vision. Il attire les talents, pousse les créatifs et leur donne les moyens de créer. L’important, c’est que l’acheteur inspire et rassemble, qu’il amène une certaine vision. »

La signature québécoise de l’entreprise reste prioritair­e, relève Stéphane Lavoie. « Pour nous, c’est important que le Cirque soit le plus québécois possible. Le fait que le siège social est ici est un élément assez majeur », dit-il.

La création des spectacles du Cirque du Soleil donne vie à de nombreux métiers connexes, ne serait-ce que dans le domaine de la confection de costumes, de dentelles, ou de chapeaux.

Du côté d’En piste, le regroupeme­nt national des arts du cirque, on relève le rôle de « locomotive » du Cirque du Soleil, qui emploie 4500 personnes, dans l’écosystème circassien québécois.

« Le Cirque du Soleil a été un précurseur, qui a permis à beaucoup de compagnies de faire leurs marques. Mais aujourd’hui, l’écosystème circassien est beaucoup plus mature », dit Christine Bouchard, directrice générale d’En piste.

Si elle se réjouit des décisions prises par Québec dans le dossier du Cirque du Soleil, Christine Bouchard relève que ça ne doit pas occulter les besoins des plus petites compagnies circassien­nes, qui sont aussi très vivantes au Québec. Ces compagnies rapportent à elles seules entre 85 et 125 millions de dollars et emploient environ un millier de personnes, note-t-elle.

D’ailleurs, 90 % des revenus des compagnies circassien­nes proviennen­t des tournées effectuées à l’étranger. C’est donc un secteur particuliè­rement touché par la crise de la COVID-19.

En piste regroupe 417 acteurs du monde circassien, dont le Cirque du Soleil.

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