Le Devoir

Hong Kong risque de perdre son rôle financier internatio­nal

Donald Trump s’est dit inquiet mardi de l’intention de Pékin de priver l’ancienne colonie britanniqu­e de son autonomie

- SEBASTIAN SMITH À WASHINGTON YAN ZHAO JEROME TAYLOR À HONG KONG AGENCE FRANCE-PRESSE

Le président américain a prévenu mardi que le projet de loi controvers­é que la Chine veut imposer à Hong Kong risquait de faire perdre au territoire son statut de place financière internatio­nale, au moment où les autorités locales tentent justement de rassurer les investisse­urs étrangers.

Le président des États-Unis est « mécontent » face à l’intention de Pékin de priver l’ancienne colonie britanniqu­e de son autonomie, a expliqué la Maison-Blanche. Selon lui, il est « difficile d’imaginer comment Hong Kong peut demeurer une capitale financière si la Chine prend le contrôle ».

Le pouvoir central chinois a déposé vendredi devant le Parlement un texte très controvers­é visant à interdire « la trahison, la sécession, la sédition et la subversion » à Hong Kong, qui a de nouveau mis le feu aux poudres dans la région semi-autonome, d’autant que Pékin a demandé dimanche son applicatio­n « sans le moindre délai ».

Riposte de Pékin après des mois de manifestat­ions massives et souvent violentes en 2019 à Hong Kong, c’est aussi une réponse à l’incapacité des autorités locales de faire adopter ce texte qui avait déjà suscité par le passé une levée de boucliers.

Nombre de Hongkongai­s y voient l’atteinte la plus grave au principe « un pays, deux systèmes » censé leur garantir jusqu’en 2047 des libertés inconnues ailleurs en Chine.

Une inquiétude partagée par certaines capitales occidental­es et les investisse­urs étrangers, comme l’a illustré vendredi le plus fort décrochage de la Bourse de Hong Kong en cinq ans.

Donald Trump a d’ailleurs promis mardi d’annoncer d’ici la fin de la semaine des mesures « très intéressan­tes » en réponse au projet de loi controvers­é de la Chine pour passer outre l’autonomie de Hong Kong. Interrogé sur la possibilit­é de sanctions contre Pékin dans ce dossier, le président des États-Unis a répondu : « Nous préparons quelque chose en ce moment même. »

« Je pense que vous trouverez ça très intéressan­t, mais je ne vais pas en parler aujourd’hui, j’en parlerai dans les prochains jours », a-t-il ajouté lors d’une conférence de presse à la Maison-Blanche, sans préciser si cette riposte comportera­it des sanctions. « Vous allez en entendre parler avant la fin de la semaine, de manière très puissante », a-t-il encore dit, entretenan­t un certain mystère.

Le gouverneme­nt Trump a déjà brandi la menace de retirer à Hong

Kong le statut commercial préférenti­el octroyé par Washington. Et selon des médias américains, il envisage d’imposer des sanctions financière­s contre des responsabl­es et des entreprise­s chinois qui saperaient l’autonomie de ce territoire ; une option également préconisée par des sénateurs américains qui ont présenté une propositio­n de loi en ce sens.

Calmer les investisse­urs

La cheffe de l’exécutif local, Carrie Lam, à la tête d’une équipe alignée sur Pékin, a donc jugé les inquiétude­s des investisse­urs « sans fondement ».

« Les libertés de Hong Kong seront préservées, et son dynamisme, ses valeurs fondamenta­les en termes d’État de droit, d’indépendan­ce de la justice et de libertés continuero­nt d’être là », a-t-elle dit.

Le texte, a-t-elle ajouté, « ne cible qu’une poignée de délinquant­s et protège la vaste majorité d’habitants qui respectent la loi et aiment la paix ».

Des propos qui font écho à ceux tenus la veille par le plus haut représenta­nt de la Chine à Hong Kong, Xie Feng, qui a affirmé face aux diplomates et aux entreprene­urs étrangers qu’il n’y avait « absolument aucune raison de paniquer » par rapport à une loi visant « les forces violentes et terroriste­s ».

De son côté, le chef de la garnison de l’armée chinoise à Hong Kong a averti que la loi « punirait tout acte séparatist­e ».

« Les soldats de la garnison ont la déterminat­ion, la foi et la capacité de défendre la souveraine­té nationale », a déclaré Chen Daoxiang.

Hong Kong a connu de juin à décembre sa pire crise politique depuis sa rétrocessi­on en 1997, avec une contestati­on sans précédent de la tutelle chinoise. Ce mouvement a été émaillé de violents heurts avec les forces antiémeute­s.

Alors que la contestati­on avait marqué le pas à cause du coronaviru­s, des milliers de personnes ont de nouveau manifesté dimanche en réaction au projet de loi chinois.

Le texte précis n’est pas connu, mais le Parlement chinois en avait dévoilé les grandes lignes la semaine dernière. Il sera examiné jeudi à Pékin, pour une entrée en vigueur possible cet été.

Un point d’inquiétude est la dispositio­n qui permettrai­t aux policiers chinois d’intervenir à Hong Kong, dont la justice est pourtant censée être indépendan­te. Nombreux y voient un risque de répression contre la dissidence, les lois contre la subversion étant fréquemmen­t utilisées en Chine contre les critiques du régime.

Mercredi, le Parlement local doit examiner un autre projet de loi criminalis­ant tout outrage à l’hymne chinois.

La police a d’ores et déjà renforcé les mesures de protection autour de ce complexe qui fut, en juin, le point de départ de la contestati­on.

Riposte de Pékin après des mois de manifestat­ions massives et souvent violentes en 2019 à Hong Kong, c’est aussi une réponse à l’incapacité des autorités locales de faire adopter ce texte qui avait déjà suscité par le passé une levée de boucliers

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ISAAC LAWRENCE AGENCE FRANCE-PRESSE L’annonce du projet de loi de Pékin a provoqué une manifestat­ion monstre à Hong Kong, dimanche.

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