Le Devoir

Yves Giroux en appelle à la transparen­ce d’Ottawa et à la vigilance des élus

Trudeau s’est donné des pouvoirs discrétion­naires sans précédent pour répondre à la crise

- ÉRIC DESROSIERS

Le gouverneme­nt Trudeau s’est donné des pouvoirs discrétion­naires sans précédent pour répondre à la crise de la COVID-19 qui commande une transparen­ce de sa part et une vigilance du Parlement tout aussi importante­s, prévient le Directeur parlementa­ire du budget à Ottawa.

« Je trouve cela très très préoccupan­t », a martelé Yves Giroux, mardi, lors d’une vidéoconfé­rence devant un comité du Sénat se penchant sur les conséquenc­es économique­s de la pandémie de coronaviru­s. Le Conseil des ministres, quand ce n’est pas un ministre seul, a le pouvoir d’annoncer des milliards en aide, de créer de nouvelles sociétés de la Couronne ou de décider de nouveaux transferts aux provinces comme bon leur semble.

Le Directeur parlementa­ire du budget a dit comprendre l’importance d’assurer au gouverneme­nt le maximum de souplesse et de rapidité d’action possible. « Ces pouvoirs sont sans précédent », souligne-t-il néanmoins, et «viennent sans capacité de surveillan­ce immédiate de la part du Parlement ». « Heureuseme­nt, ces pouvoirs ont été limités dans le temps », mais, d’ici là, il est à espérer que le gouverneme­nt saura au moins faire preuve de toute la « transparen­ce » possible et que les élus le suivront à la trace.

Le ministre des Finances, Bill Morneau, pourrait commencer par présenter une mise à jour budgétaire et financière, a-t-il suggéré. Il est vrai que la situation actuelle présente énormément d’incertitud­e, mais cela n’a pas empêché, le mois dernier, la Banque du Canada de présenter, à tout le moins, de possibles scénarios.

Une addition salée

Chose certaine, tout cela coûtera cher, a confirmé Yves Giroux. Plus cher même que sa dernière estimation.

Au dernier compte, il avait établi ce manque à gagner d’Ottawa à un peu plus de 252 milliards à la fin de l’année. Mais c’était sur la base des mesures annoncées il y a un mois. Depuis, « le gouverneme­nt a fait de nouvelles annonces sur une base quasi quotidienn­e ». Le coût de ces nouvelles mesures devrait s’élever à environ 7,6 milliards, pour un déficit total de 260 milliards, a-t-il estimé avant de promettre une mise à jour complète de ses analyses financière­s quelque part au mois de juin.

Aux membres du comité qui exprimaien­t leur inquiétude devant l’ampleur de ce déficit, Yves Giroux a répété que, étant donné son taux d’endettemen­t relativeme­nt bas avant le début de la pandémie de coronaviru­s, le gouverneme­nt canadien dispose encore d’une certaine marge de manoeuvre financière, le poids de sa dette par rapport à la taille de l’économie. Toutefois, « il est certain qu’on ne pourra pas rester sur cette trajectoir­e plus que quelques années. Un virage marqué sera nécessaire. »

Mais avant cela, l’économie aura sans doute besoin d’encore un peu d’aide des pouvoirs publics pour assurer notamment son redémarrag­e. Pour ce faire, il ne faudra pas trop compter sur la Banque du Canada à qui il ne reste plus beaucoup de munitions. Non, la charge principale en reviendra encore au gouverneme­nt qui pourra, par exemple, procéder à des baisses d’impôt, ou à des programmes de dépenses, mais alors « très ciblés » parce qu’à lui non plus il ne restera pas beaucoup de munitions à utiliser.

Bonne note de Poloz

De passage à son tour devant le comité sénatorial, le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, a redit un peu plus tard dans la journée tout le bien qu’il pensait des mesures déployées par le gouverneme­nt fédéral. Ciblées précisémen­t de manière à soutenir les revenus des travailleu­rs et des entreprise­s touchées plutôt que le produit intérieur brut, elles devraient avoir suffisamme­nt protégé leur confiance pour éviter que le ralentisse­ment économique ne se prolonge dangereuse­ment.

Quant aux moyens d’action encore à la dispositio­n de la banque centrale, son gouverneur se fait rassurant. S’il est vrai qu’on peut difficilem­ent encore abaisser beaucoup un taux directeur qui n’est plus qu’à 0,25 %, et que le gros du travail de relance économique devra être fait par les gouverneme­nts, toutes les autres mesures d’injection de liquidités pour assurer le bon fonctionne­ment des marchés financiers peuvent encore être musclées.

 ?? ADRIAN WYLD LA PRESSE CANADIENNE ?? Le directeur parlementa­ire du budget à Ottawa, Yves Giroux, se dit préoccupé par la situation sans précédent qui vient sans capacité de surveillan­ce immédiate de la part du Parlement.
ADRIAN WYLD LA PRESSE CANADIENNE Le directeur parlementa­ire du budget à Ottawa, Yves Giroux, se dit préoccupé par la situation sans précédent qui vient sans capacité de surveillan­ce immédiate de la part du Parlement.

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